Paranormal et problèmes moraux.
Considérons d'abord les problèmes qui se posent au chercheur d'une discipline d'étude du paranormal. Certains de ces problèmes sont très généraux. C'est le cas du problème des rapports avec les autres chercheurs de la discipline : reconnaissance de priorité de publication, courtoisie dans les polémiques. C'est le cas du problème de l'obtention de crédits : de qui, et par quels moyens? On peut encore citer les problèmes posés par l'expérimentation sur les animaux.
Comme de nombreux chercheurs en sciences humaines, tels les psychologues et les ethnologues, le parapsychologue rencontre des personnes humaines, dans le cadre d'expériences de laboratoire et d'enquêtes sur des cas spontanés. Comment doit-il se comporter vis-à-vis du sujet psi qu'il étudie ou du témoin qu'il interroge? Vis-à-vis de la tricherie, parfois non reconnue par le fraudeur? A-t-il le droit de cacher des informations aux personnes, de se servir, par exemple, d'une glace sans tain? Dans quelle mesure doit-il garder confidentielles certaines informations, préserver l'anonymat? Certaines enquêtes sur des événements paranormaux traumatisants sont délicates. Devra-t-il assumer un rôle de psychothérapeute face aux personnes qui demandent une aide? Enfin, quand des guérisons paranormales se produisent, ce sont tous les problèmes liés à la déontologie médicale qui surgissent.
D'autres problèmes sont posés par les relations avec le grand public. Que penser de la presse à sensation, de la presse spécialisée dans l'ésotérisme? De ceux qui prétendent avoir des "pouvoirs psi" et en font commerce? De ceux qui vendent des méthodes supposées permettre l'acquisition de ces pouvoirs? Doit-on favoriser sans restriction la diffusion des connaissances parapsychologiques? Se préoccuper de ce que certains parapsychologues appellent l'hygiène sociale? Citons enfin le problème posé par l'utilisation du psi à des fins immorales.
D'autres problèmes sont soulevés par les phénomènes paranormaux eux-mêmes, ou par les théories qui en rendent compte. Ainsi la précognition pose le problème du déterminisme, et par là de la responsabilité. L'existence supposée de l'au-delà modifie le rapport de l'homme à sa mort, mais aussi sa conduite dans la vie. De même l'existence supposée d'extraterrestres qui viennent nous visiter pose des problèmes moraux. Certains ont soutenu que cette existence mettrait l'humanité sous tutelle, lui permettrait indûment de se décharger, sur les entités qui la surveilleraient, de certaines responsabilités. D'autres ont rétorqué que cette existence est salutaire à I'humanité, car loin de porter atteinte à sa liberté, elle accroit l'enjeu du choix de son destin.
C'est sans doute si l'on se place dans le cadre de l'hypothèse du sujet psi que les problèmes moraux prennent le plus d'importance. Si l'homme a des "pouvoirs", le plus souvent inconscients, il ne doit pas se laisser dominer par eux, mais au contraire il doit s'en rendre maître. Si le psi est une production inconsciente de l'humanité, c'est un impératif moral pour cette dernière de contrôler cette production. Enfin, si de nombreux phénomènes biologiques ou historiques sont des manifestations du psi produit par l'humanité, le contrôle de ce psi ne fait qu'un avec la prise en main, par l'homme, de son destin. Ainsi, beaucoup s'appuient sur des phénomènes paranormaux, et sur les théories qui en rendent compte, pour fonder certaines positions morales. On peut se demander si ce ne sont pas d'abord ces positions qui leurs font préférer les théories les plus susceptibles de leur convenir ensuite, et qui leur font ainsi préférer ignorer les phénomènes rentrant mal dans le cadre de ces théories. Ce qui conduit à un dernier problème : doit-on, des phénomènes paranormaux, viser le savoir ou accepter l'ignorance?