L'inconscient

L'inconscient est d'abord un terme du vocabulaire technique des psychanalystes et de certains psychologues, mais ceux-ci n'ont pas pu se mettre d'accord sur le sens précis à accorder à ce terme, sens qui varie donc selon les auteurs. Quand il est utilisé à propos du paranormal, c'est le plus souvent pour réduire à des désordres psychologiques les témoignages et les croyances des partisans de l'existence du paranormal. Le pouvoir de l'inconscient, susceptible de faire prendre à quelqu'un ses désirs pour des réalités, se substitut ainsi au "pouvoir de l'imagination" auquel, en 1784, avait recours une commission d'enquête pour rendre compte des phénomènes du magnétisme animal. C'est dans cette tradition que se place l'ecole française des "nouveaux ufologues", pour expliquer les phénomènes ufologiques.

D'autre part, les chercheurs des divers domaines d'étude du paranormal utilisent souvent le concept d'inconscient. Ceux qui voient dans leurs phénomènes de prédilection l'influence d'une entité extérieure mettent sur le compte de l'inconscient les cas où une telle influence leur semble s'exercer sans se montrer manifestement. Ainsi les spirites expliquent I'acquisition de certaines connaissances paranormales par une communication de l'esprit d'un défunt avec l'inconscient de la personne en cause. De même, des ufologues, partisans de l'hypothèse extraterrestre, croient plausible une action directe des extra-terrestres sur l'inconscient de certains témoins ou contactés.

Ce sont les parapsychologues qui font le plus usage du concept d'inconscient. En effet, pour un grand nombre de chercheurs, les phénomènes paranormaux sont dus à des "sujets psi". Quand un phénomène spontané a lieu, ils cherchent quel est le sujet psi qui l'a inconsciemment provoqué. Quand ils ne peuvent pas en désigner un, ils attribuent le phénomène à "l'inconscient collectif" d'un groupe de personnes, groupe qui peut parfois s'étendre à l'humanité toute entière. Le concept d'inconscient est ainsi utilisé pour soumettre a priori tous les phénomènes paranormaux à l'hypothèse du sujet psi.

L'inconscient peut donc être utilisé soit par des critiques, comme une arme contre le paranormal, soit par des partisans du paranormal, pour réduire à leurs théories préférées les phénomènes qui s'y prêtent mal. Une autre utilisation est faite par des chercheurs qui tentent d'appliquer les théories psychanalytiques à la compréhension des phénomènes paranormaux, sans pour autant réduire ceux-ci à des désordres menteaux. Ces chercheurs, qu'ils soient des psychanalystes qui s'intéressent au paranormal, ou des parapsychologues informés des méthodes psychanalytiques, interrogent les phénomènes comme on le fait des rêves ou des symptômes, qui sont susceptibles de révéler un contenu caché sous le contenu apparent. Cette méthode peut être critiquée pour les mêmes raisons pour lesquelles on critique la psychanalyse quand elle prétend s'appliquer à des oeuvres ou à des personnes en dehors du champ strict de la cure psychanalytique.

Le concept d'inconscient a-t-il un avenir dans l'étude du paranormal? Si on ne veut pas le réduire à un mot passe-partout, évoqué pour masquer un constat d'ignorance et d'impuissance, il faut s'appuyer sur les théories psychanalytiques. Or, d'une part, ces théories sont elles-mêmes critiquées. Et, d'autre part, on doit constater que, malgré l'abondance des utilisations du terme d'inconscient par les parapsychologues, peu d'échanges fructueux ont eu lieu entre parapsychologues et psychanalystes sur la théorie de l'inconscient. Ainsi, les psychanalystes Mélanie Klein et Jacques Lacan, chacun réputé pour ses apports théoriques, ont pu faire ces apports en dehors de toute référence aux travaux sur le paranormal, tandis que les parapsychologues ont pu ignorer les travaux de ces deux psychanalystes. Tout ceci ne laisse guère entrevoir une utilisation du terme d'inconscient en parapsychologie qui ne se limite pas à une simple évocation.