L'hypothèse unitaire.

En apparence, les phénomènes paranormaux semblent divisés en familles bien distinctes, et chacune de ces familles relève de questions qui lui sont propres. Ainsi, par exemple, les phénomènes spirites posent le problème de l'existence de la survie de l'âme, les phénomènes parapsychologiques celui des pouvoirs inconnus de l'homme, les phénomènes ufologicues celui de l'existence et de la visite d'extraterrestres. Cependant, depuis longtemps, certains chercheurs ont établi des liens entre ces diverses familles. Ainsi, les spirites ont vu dans les pouvoirs inconnus de l'homme des manifestations de propriétés habituelIement latentes de l'âme, qui confirmaient l'existence de cette dernière. Dès la fin du XIXe siècle, H.P. Blavatsky supposait que d'anciennes visites d'extraterrestres pouvaient avoir influencé des religions.

Plus récemment se sont multipliés des chercheurs qui ont relié des phénomènes appartenant à des familles distinctes. Parfois ces chercheurs se sont contentés de faire remarquer que des phénomènes appartenant à des familles différentes ont des caractères communs. Ainsi, par exemple, au début des années soixante, les apparitions mariales ont été rapprochées des OVNI. Jacques Vallée, en 1969, a rapproché les OVNI des légendes de lutins du folklore. D'autres fois, des chercheurs ont plutôt tenté d'annexer, à leur domaine de prédilection, des phénomènes d'autres familles. Vers 1975, Pierre Guérin a soutenu que certains phénomènes parapsychologiques pouvaient être d'origine extraterrestre, tandis qu'à la même époque, Pierre Viéroudy prétendait que certains OVNI pouvaient avoir été matérialisés par des sujets psi.

En général, les chercheurs sont très attachés à une hypothèse particulière et méprisent les phénomènes n'en relevant pas directement. Appliquer leur hypothèse à ces derniers phénomènes leur semble donc être une extension bienvenue, mais secondaire. Au contraire, que l'on puisse appliquer une hypothèse rivale à leurs phénomènes de prédilection leur semble relever de la plaisanterie ou du sacrilège. Est-il possible de prendre en compte les liens entre les diverses familles de phénomènes paranormaux, sans pour autant tout annexer sous une seule hypothèse ? Il faut remarquer que chacune des diverses hypothèses qui se font concurrence aurait, si elle parvenait à faire le consensus autour d'elle, des conséquences philosophiques considérables. Il est tentant d'être fasciné par ces conséquences et d'y subordonner toute la recherche, réduisant ainsi les phénomènes à n'être plus que des détours propres à soutenir telle ou telle croyance philosophique.

L'hypothèse unitaire consiste à supposer une communauté d'origine et de mécanisme à tous les phénomènes paranormaux. Bien que ce soit une voie peu souvent suivie, il est possible d'adopter cette hypothèse sans préjuger ni d'une définition exacte du paranormal, ni de l'origine de celui-ci, ni de son mécanisme. La recherche consiste alors à cerner les contraintes imposées par la masse des phénomènes, à dégager des constantes, et à proposer des lois qui ne sont plus inféodées aux hypothèses classiques, et qui peuvent donc être discutées par des chercheurs indépendamment de leurs croyances philosophiques.