COMPTE-RENDU SUCCINCT DE LA 45ème CONVENTION DE LA PA (Parapsychological Association)
4 - 8 août 2002, Terrass Hotel, PARIS
Par Pascale Catala
Cette 45ème édition de la réunion annuelle de la PA a été organisée par l'Institut Métapsychique International de Paris. Mario Varvoglis, directeur de l'IMI, animait cette réunion en tant que président de la PA. Rappelons que la PA est la seule association de recherche en parapsychologie affiliée à l'AAAS (American Association for the Advancement of Science) et donc reconnue comme faisant partie de la science "académique".(L’AAAS est l’éditeur de la revue interdisciplinaire Science). |
C'était une opportunité tout à fait exceptionnelle pour le public français que cette convention ait lieu à Paris, la plupart des conférences de ce type se déroulant aux USA. On doit noter toutefois que les plus grands centres de recherche en parapsychologie se trouvent maintenant en Europe, à Fribourg en Allemagne, et à Edimbourg avec le KPU (Koestler Parapsychology Unit). Ces deux organismes étaient largement représentés lors de cette convention.
Cet événement a été une occasion unique de prendre connaissance des dernières avancées des travaux de nombreux chercheurs, et de faire ainsi le point sur l'état de la recherche internationale en parapsychologie.
La première journée, en langue française, avait pour but de familiariser le public français intéressé, avec les grandes tendances actuelles de la recherche internationale en parapsychologie, et notamment de présenter les principaux organismes (IMI, IGPP, KPU, SPR ..).
Une table ronde animée par Grégory Gutierez a regroupé les sociologues Bertrand Méheust et Pierre Lagrange, ainsi que la philosophe Isabelle Stengers.Chaque journée a réuni une centaine de personnes, et des journalistes étaient présents (RTBF, documentaire pour "Envoyé spécial", …).
Les exposés avaient été groupés selon plusieurs thèmes :
Force est de constater, au vu de tous ces exposés brillants, que la recherche en parapsychologie est très active en Grande-Bretagne, Allemagne, et USA, (et complètement intégrée dans les cursus universitaires), alors qu’elle est malheureusement quasi-inexistante en France à l’heure actuelle. Notre pays est en train d’accumuler un grand retard en la matière, et ce ne sont pas des prises de position publiques comme celle du prix Nobel Georges Charpak qui vont améliorer la situation de l’exception française, bien au contraire.
Au cours du mini-symposium sur les recherches passées de l’Institut Métapsychique, il a pourtant été fait état d’expériences françaises tout à fait passionnantes (datant du début du 20ème siècle). En particulier, le président Mario Varvoglis a présenté les fameux moulages de l’IMI, obtenus au cours de séances ectoplasmiques en 1920 (voir photos dans la rubrique "Photos " sur ce site). Grégory Gutierez a rappelé au cours d’un exposé très vivant les expériences réalisées avec le fameux médium Rudi Schneider dans les années 30, et il avait retrouvé dans les archives de l’IMI un enregistrement audio de la respiration du médium lors des séances : une respiration d’un rythme incroyablement rapide. Malheureusement, le temps glorieux de ces expériences impressionnantes de scientifiques célèbres est maintenant révolu, et il n’est même plus possible d’exploiter tous ces précieux documents. Pour plus de précisions historiques voir le site de l’IMI.
Etaient présents les grands noms de la recherche actuelle, comme Bob Morris, Dick Bierman, Stanley Krippner, John Palmer,Deborah Delanoy, Caroline Watt, Erlendur Harrldsson, Eberhard Bauer, Hilary Evans, Walter Von Lucadou etc etc. Il était également encourageant de voir que de nombreux jeunes, étudiants ou thésards, s'étaient impliqués professionnellement en parapsychologie et étaient susceptibles de prendre la relève : Christine Simmons, Stefan Schmidt, Chris Roe, Ciaran O'Keeffe ...
Parmi toutes les communications présentées, je ferai une mention spéciale des expériences de Dick Bierman sur le " pressentiment inconscient ". Bierman, à la suite de plusieurs autres chercheurs, étudie depuis plusieurs années les réactions physiologiques inconscientes précédant la perception de stimuli violents ou érotiques. La communauté parapsychologique a découvert des problèmes méthodologiques, notamment au niveau du traitement statistique des données de ces expériences, et ces problèmes étaient largement présentés ici, ainsi que les moyens de limiter les biais. D’autre part, Bierman a entrepris récemment une nouvelle série d’expériences en utilisant du matériel d’IRM pour voir ce qui se passe dans le cerveau. Bien qu’il soit difficile pour les non-spécialistes en sciences expérimentales de porter un jugement sur ces expériences, elles nous ont semblé ouvrir une voie très prometteuse. En effet, s’inscrivant dans le courant actuel des études neuro-physiologiques rendues possibles par le développement des techniques d’imagerie médicale (IRM, TEP …), de nombreuses expériences commencent à se mettre en place dans le domaine de la parapsychologie, et notamment celles de Cheryl Alexander aux USA. Cette émergence pourrait donner lieu à une nouvelle méthodologie, une nouvelle voie d’approche pour ces phénomènes si insaisissables que les phénomènes psi.
Il était intéressant d’observer lors de cette convention combien les parapsychologues internationaux forment une communauté de recherche, une équipe de scientifiques s’enrichissant mutuellement, partageant les informations, la documentation, et réalisant de nombreux échanges et coopérations dans leurs laboratoires.
L’Institut de Fribourg (IGPP) a maintenant des fonds très importants et peut financer des recherches internationales. Il exerce une activité prophylactique d’accueil psychologique du public ayant vécu des expériences paranormales, et il est engagé dans un projet de recueil de témoignages de cas spontanés de grande envergure. La recherche y est également active, et Walter von Lucadou a soumis une communication brillante sur un modèle conceptuel concernant les " pseudo-machines " (dirigées par PK).
Le " Koestler Parapsychology Unit " d’Edimbourg, lui, reçoit de nombreux étudiants et thésards, et incorpore dans ses thèmes de recherche les Etats modifiés de Conscience, et l’étude psycho-sociologique des croyances au paranormal.
Je me permettrai maintenant un commentaire personnel apportant un petit bémol à la satisfaction que l’on pourrait avoir sur la situation de la recherche internationale en parapsychologie. Si les approches historiques, psychologiques, socio-psychologiques, médicales … étaient quelque peu représentées, la majorité des communications concernait des travaux expérimentaux, dans la droite ligne de la méthode Rhinienne, c’est-à-dire empruntant les méthodes de la psychologie expérimentale (Voir les critiques de François Favre à ce propos). Ces travaux sont basés sur l’hypothèse " universaliste ", c’est-à-dire que le psi est présent en chacun d’entre nous et peut être mis en évidence par les dépouillements statistiques d’un grand nombre d’essais expérimentaux. Les résultats étaient en général très faibles, sinon inexistants. D’autre part, si certaines recherches avaient encore pour but de démontrer qu’un effet psi avait eu lieu (par ex. l’expérience sur la magnétisation des graines de laitue), la plupart des expériences résidaient en la mise en place d’un nouveau dispositif expérimental (par ex. mesure du clignement des yeux) et en la recherche de différences de performance selon les conditions. Sur un plan méthodologique, il me semble personnellement absurde de faire de multiples calculs statistiques (de Chi 2 etc) sur des résultats non significatifs ou trop faibles (surtout connaissant tous les biais que peuvent comporter les calculs statistiques complexes). Toutes ces expériences n’avaient pour moi qu’un intérêt exploratoire, sans qu’on puisse en tirer rien de nouveau ou de fondamental. Le pire étant l’approche de l’effet d’expérimentateur, similaire à ce qu’on pouvait faire il y a vingt ans, sans prise de conscience aucune du problème logique soulevé (puisque l’effet d’expérimentateur contredit lui-même la méthode expérimentale).
Le sentiment général des français présents à cette convention était que cette approche universaliste était tout de même bien pauvre par rapport à l’approche " élitiste " des temps passés (travail avec des voyantes ou divers sujets doués), ou d’une recherche qualitative comme celle de Warcollier, au pouvoir autrement convaincant.
C’est d’ailleurs quelque peu en ces termes que s’est adressé Mario Varvoglis aux participants, lors de son discours de clôture : il déplorait que l’on ait un peu perdu de vue l’enthousiasme premier avec lequel étaient entreprises les expériences élitistes pour se perdre dans les détails des expériences universalistes sophistiquées, s’inscrivant dans l’académisme le plus pur mais oubliant les enjeux philosophiques importants.
Et nous nous sommes dits qu’au fond, notre immense retard français au niveau universitaire, pourrait devenir un atout s’il nous empêchait de nous aventurer comme certains dans des voies sans issue …
Pour en savoir plus :
http://www.parapsych.org/pa_convention_2002_report.html (par le Dr. Chris Roe) http://www.parapsych.org/pa_convention_abstracts_2002.html (abstracts des interventions)
Edimbourg.htm (la recherche à Edimbourg, interview de Robert Morris)