LA PSILOGIE AU QUEBEC ... EN L'AN 2000.
Interview de Louis Bélanger par Pascale Catala.
Au cours de l'été 2000, la France a eu le privilège d'avoir la visite de Louis Bélanger, venu en Europe pour assister au 43 ème congrès de la Parapsychological Association, à Freiburg. Le Gerp a profité de l'occasion pour interviewer Louis, vingt ans après notre première interview paru dans la Revue de Parapsychologie n° 10. Cela nous permet de dresser un petit bilan de la situation de la parapsychologie scientifique ces dernières années, aussi bien au Québec qu'en Allemagne.
GERP - Louis Bélanger, quelle est la situation de l'enseignement de la psilogie aujourd'hui au Québec ? Y a-t-il encore des postes d'enseignement à l'Université ? Y a-t-il de l'enseignement dans les collèges, dans le secondaire etc. ?
LOUIS BELANGER - La question est courte, la réponse risque d'être un peu longue.
Pour reprendre et résumer la présentation historique qui avait été faite lors de l'entrevue précédente, on peut dire tout d'abord que, quand je suis revenu d'Allemagne en 1974, j'ai commencé à enseigner ce que j'ai appelé la "psilogie" en 1975 à l'Université de Montréal et à l'Université du Québec à Montréal. Pendant ce temps, j'ai préparé un plan-cadre d'"Introduction à la psilogie" pour les collèges du Québec, qui s'appellent des CEGEPs (Collèges d'Enseignement Général et Professionnel), et qui sont les structures intermédiaires entre les établissements secondaires et l'université. Il y en a à peu près 80 au Québec. Et le plan cadre a été accepté par le Ministère de l'Education, pour les départements de Psychologie de ces collèges, en 1977. Cet enseignement a été donné dans la moitié des collèges , une quarantaine.
Au niveau des collèges
Il faut savoir que depuis quelques années, il y a eu une restructuration du programme de sciences humaines, d'une part, qui a fait qu'il y a eu moins de cours en psilogie qu'il n'y en avait eu lors de la mise en vigueur du programme des collèges. D'autre part, la nécessité qu'on voyait dans le milieu des années 70 à établir un cours de psilogie en relation avec une démarche d'introduction à la pensée critique s'est déplacée du côté du secondaire.
La raison en est que la crise économique a contraint les étudiants des collèges à se concentrer sur des objectifs immédiatement professionnels, c'est la lutte pour la survie : les jeunes étudient le jour et travaillent le soir, donc ils ont moins le temps de se poser des questions philosophiques et se limitent à des préoccupations concrètes.
Au niveau du secondaire
De sorte que mon intérêt s'est porté depuis quelques années sur l'établissement d'une structure d'enseignement "d'Introduction à la pensée critique", mais au niveau du secondaire. Nous avons au Québec 5 années de secondaire : premier cycle (jeunes de 12 à 15 ans) et deuxième cycle. Dans le premier cycle on voit nettement marquée la fascination pour l'occultisme. Il y a une reviviscence de l'occultisme chez nous, chez les jeunes en particulier, et les 4/5 des jeunes que j'ai pu rencontrer depuis quelques années, donc plusieurs milliers d'élèves, ont l'expérience du ouija., le jeu spirite inventé en 1892. Ça paraît curieux parce qu'on est à l'ère du Pentium III, de la communication instantanée, rapide, facile, mondiale, et voilà que des jeunes éprouvent le besoin de composer des mots de façon un peu pénible, lettre par lettre, un samedi soir, à la lueur de la chandelle... Cela paraît étonnant mais en fait on s'aperçoit que c'est un besoin de convivialité, de partager autour de la même table à propos de certaines questions auxquelles le système d'éducation ne répond plus.
Le Québec connaît aujourd'hui une laïcisation, il n'y aura plus d'enseignement institutionnel catholique au Québec dorénavant. Aussi cette fascination pour l'occultisme dénote-t-elle la quête de transcendance qui existe toujours malgré le déclin du catholicisme, qui était très présent au Québec mais commence a être délaissé, ce qui entraîne une perte de repères chez les jeunes.
Alors durant le premier cycle du secondaire, c'est la fascination, et à partir du deuxième cycle, et bien là on commence à se poser des questions un peu plus critiques : est-ce que c'est de la frime tout ça, est-ce que ça existe, est-ce que ce n'est pas du charlatanisme, est-ce qu'on ne se fait pas exploiter, etc. ? Et c'est justement à l'articulation des deux niveaux qu'il faut intervenir pour présenter des scénarios autres que ceux auxquels ils sont habitués. Par ex., pour le ouija. Selon eux, la seule explication lorsque la planchette bouge, c'est que ce sont les esprits d'êtres décédés qui interviennent. Alors, avec la psilogie on peut présenter six ou sept scénarios différents. On n'est pas à un âge où on peut se permettre aujourd'hui d'imposer, il faut proposer, et on propose des scénarios différents dans le sens d'un esprit critique, mais avec bienveillance et rigueur. Bienveillance = ouverture à ce que les gens vivent, à leurs impériences, les expériences de l'intérieur, et ensuite Rigueur = c'est à dire la proposition de différentes approches qui relèvent de la science conventionnelle et de la parapsychologie.
Alors, depuis quelques années je travaille là-dessus pour préparer une "Introduction à la pensée critique", mais en relation avec les anomalies, pas seulement la psilogie, mais les anomalies en général. Nous savons, nous qui nous intéressons à la parapsychologie, que nous sommes plus souvent anomalistes que psilogistes, c'est-à-dire qu'on nous rapporte un phénomène paranormal présumé, et finalement après observation et exploration, on arrive à l'expliquer par les voies normales, sans avoir recours à la parapsychologie. Alors, je préfère maintenant, plutôt qu'une spécialisation à outrance vers la parapsychologie, une approche plus large, qui est définie comme anomaliste et qui ne fait pas peur. Psychologie anomaliste, biologie anomaliste, physique anomaliste. C'est-à-dire que dans chacune des disciplines, il y a des anomalies, des irrégularités, qui ne relèvent pas nécessairement du paranormal.
C'est là que je distingue, dans mon approche , 4 niveaux :
Depuis quelques années, les demandes viennent surtout au niveau du secondaire. Elle viennent surtout des animateurs de vie spirituelle et d'enseignants qui n'ont pas de réponses aux nombreuses questions que les jeunes peuvent poser à ce sujet.
Cela fait 3 ans que je fréquente les élèves du secondaire. A l'Université, je forme des multiplicateurs : ce sont des enseignants au niveau du secondaire ou du collège ou de l'université ; mais depuis longtemps j'éprouvais le besoin d'entrer en contact directement avec les élèves, pour connaître leur langage, parce qu'ils ont une tout autre façon de communiquer.
Alors ma stratégie, c'est d'abord de demander aux élèves de poser des questions par écrit, 2 ou 3 semaines avant mon intervention. Puis je collige toutes ces questions, je les ordonne par thèmes, et lorsque j'arrive sur le terrain, je ne suis pas parachuté en parfait étranger. Ils savent que j'ai parcouru leurs questions, leurs demandes, et j'essaie d'y répondre après un court exposé où je tente de mettre de l'ordre dans ce chaos de l'occultisme.
Alors mon intention, c'est de préparer un projet d'Introduction à la pensée critique en tenant compte de cette fascination pour l'occultisme en particulier. Ce cours d'introduction porterait sur les anomalies en général et pourrait être étendu en s'adressant aux enseignants de physique, d'histoire, de psycho, de bio, etc. Il ne serait plus limité à la parapsychologie.
GERP - En France, on constate chez les jeunes un regain d'attention pour le paranormal, le problème de la survie de l'âme, les théories New-Age, le développement spirituel ou les nouvelles thérapies ... On observe comme au Québec cette fascination dont tu as parlé, mais on a l'impression que les jeunes en général ne manifestent aucun intérêt pour une approche critique, scientifique, pour essayer de séparer le phénomène réel de la charlatanerie la plus grossière ...
LOUIS BELANGER - Au niveau du premier cycle du secondaire dont je parle, les jeunes sont complètement fascinés par ces phénomènes-là, et c'est normal. Parce qu'ils découvrent le monde. Non seulement ils sont attirés par la magie, mais en plus, le système d'enseignement refuse de répondre, avec les instruments dont il disposerait, à leurs préoccupations, parce que ça n'entre pas dans le cadre des programmes officiels. Or les enseignants sont perdus, ils se sentent complètement démunis face à ces sujets, et ils éprouvent le besoin de faire appel à quelqu'un qui réfléchit dans ce domaine-là et qui peut leur proposer des scénarios différents. C'est là précisément que se situe notre rôle éducatif. De là l'intérêt pour moi de préparer une structure qui me survivra en quelque sorte.
Ça, c'est pour le secondaire au niveau officiel. Mais depuis 3 ans, je participe aussi à ce que nous appelons des "camps de fin de semaine", avec une immersion durant laquelle on les accompagne dans leurs interrogations, on initie un apprivoisement à la psilogie. On utilise l'audio-visuel, l'échange en équipes et on essaie d'explorer ces dimensions de façon un peu plus approfondie que lors d'une simple communication dans la classe. Les élèves viennent dans ces camps accompagnés de ce que nous appelons un "animateur de vie spirituelle", qui fait partie du système scolaire, et est la personne de référence qui s'occupe des questions en profondeur posées par les élèves.
Au niveau de l'université
Au niveau de l'université, les cours continuent. Dans mon cas, lorsque j'ai commencé à enseigner, ça se faisait au programme des sciences de la religion de deux universités, à Montréal. Il n'y a pas encore de département de psychologie qui s'est ouvert officiellement à ce qu'on appelle la psilogie ou la parapsychologie. La psychologie est une science tout à fait récente, qui a elle-même de la difficulté à s'affirmer, qui est très critiquée surtout au niveau de la clinique (trop d'écoles et de psychothérapies différentes). Pourtant la psychologie veut s'intégrer à l'établissement (establishment) scientifique, et craint de se mêler à ces phénomènes-là qui relèvent des zones frontières. Donc il est peu probable, pour le moment, qu'un département de psychologie accueille un enseignement de la parapsychologie.
J'ai également créé un cours d'Introduction à la psilogie, au début des années 90, à l'Université Laval à Québec. Mais encore, à la faculté de théologie, à la section des sciences de la religion.
Les thèmes qui ont été élaborés depuis le début de mon enseignement il y a 25 ans sont :
Introduction générale à la psilogie
Psilogie, théories et expérimentation
Psilogie et hygiène mentale
Psilogie et survie
Psilogie et miracles
Par exemple, dans "Psilogie et miracles", nous avons choisi l'étude de cas de Medjugorje, à la suite d'une recherche de terrain que j'ai effectuée en Bosnie-Herzégovine et de la contre-vérification des études médicales et scientifiques que j'ai menée en laboratoire. Les étudiants étaient invités à tenir un journal de bord en deux parties : une partie pour le recueil, la cueillette d'observations, d'ingrédients d'informations, en regard de l'autre partie avec les questions, les interprétations, la dimension affective, leurs réactions à la suite des ingrédients d'information.
Présentement, j'explore le thème : "Psilogie et survie". Le thème de la survie intéresse beaucoup les étudiants au niveau universitaire. On fait très peu d'expérimentation (3 heures sur 45). Le reste est constitué de l'étude des phénomènes qui se rapportent à la survie : poltergeists, transcommunication, expérience de hors-corps, expérience de mort imminente, thème de la réincarnation... en recourant aux outils dont on dispose en psychologie, en neuropsychologie, en biologie, en physique et en parapsychologie pour tenter de répondre aux questions sur ces phénomènes.
Donc à l'université, ça n'a pas changé beaucoup par rapport aux années 80, ça s'est juste développé au niveau des thèmes, mais sur le plan de la structure il n'y a pas eu de changement.
GERP- Est-ce que Psilog existe toujours ?
LOUIS BELANGER - Les Editions Psilog sont en hibernation pour le moment. Le site Internet Psilog s'est contenté de mettre à jour le travail que j'ai fait depuis 95, c'est-à- dire les 55 épisodes des émissions "Monde et mystères" diffusées au Canal D. Ce sont des émissions qui traitent du paranormal, et la dernière série, "Mystères et controverses", porte sur les controverses en science. Cela a constitué dans ces 5 dernières années une occupation très importante de mon temps. Je voulais laisser une sorte de testament audiovisuel. J'ai une banque importante : plus de 1500 vidéocassettes que j'ai enregistrées et accumulées depuis 1984 et cela m'a beaucoup servi en tant que conseiller scientifique de cette série d'émissions. Je voulais que cela soit partagé par le plus de gens possibles, et j'y suis arrivé, d'une certaine façon. Comme la vie est courte, j'ai essayé le plus rapidement possible de faire ce qui était en mon pouvoir pour laisser des traces et des instruments qui peuvent être utilisés par d'autres pour continuer le travail.
GERP - Donc c'était la priorité de ces dernières années : l'information. Et au niveau recherche ?
LOUIS BELANGER - Au niveau de la recherche, il n'y a pas de fonds. Il n'y a pas de structure administrative qui permette de faire une recherche en laboratoire, alors il reste à informer dans le monde de l'éducation, informer les jeunes apprenants que ce genre de phénomène-là peut être approché avec bienveillance et rigueur, qu'il existe une instance internationale qui s'appelle la Parapsychological Association, qui réunit près de 300 membres qui se réunissent une fois par an et communiquent leurs recherches par le biais de périodiques spécialisés. Cette instance est reconnue depuis 1969 par l'Association Américaine pour l'Avancement de la Science (AAAS). Il faut retenir cela, car souvent dans la polémique malheureuse qui peut exister entre des parapsychologues et certains sceptiques de la stricte observance, on oublie que la Parapsychological Association fait partie de l'établissement scientifique. L'AAAS reconnaît la légitimité de la recherche, du travail des parapsychologues, sans reconnaître ni forcément ni pour autant l'authenticité des événements eux-mêmes, ce qu'oublient plusieurs sceptiques qui eux, de leur côté, ne sont pas membres de l'AAAS, comme le CSICOP, par exemple. Il y a véritablement des parapsychologues dans le monde qui utilisent les outils scientifiques à leur disposition pour étudier ces phénomènes de façon rigoureuse.
GERP - Il n'y pas de laboratoire de recherche au Québec, et pourtant vous-même vous avez fait des recherches, notamment sur les poltergeists ...
LOUIS BELANGER - Lorsqu'une recherche a été menée, d'une façon ou d'une autre, comme pour les poltergeists ou le cas des apparitions de Medjugorje, eh bien cela a été fait personnellement, mais pas encadré par un département qui fournirait des fonds. J'ai fait cela à mes frais, tout en bénéficiant de l'infrastructure matérielle, par exemple des instruments audiovisuels. Au début des années 80, à cause de la crise économique, on a supprimé des postes en grand nombre au niveau universitaire. On a aussi tenté de "rationaliser" l'administration en éliminant certaines sections, voire même des départements. Dans ce contexte de restrictions, on peut comprendre qu'il n'y ait pas de soutien particulier pour une discipline qui demeure très marginale.
Cela étant accepté, reconnu, on concentre les efforts sur l'information des apprenants pour les éveiller à cet intérêt et à cette possibilité de mener un jour une recherche dans un cadre conventionnel et de voir qu'on peut s'en acquitter de façon rigoureuse.
GERP - Votre stratégie a donc été de préparer la prochaine génération ...
LOUIS BELANGER - C'est ça.
GERP - Louis Bélanger, vous revenez de Freibourg où se tenait le 43e Congrès de la PA, pouvez-vous nous dire quels ont été les orientations et les points forts de ce Congrès ?
LOUIS BELANGER - Ce Congrès a été très dense (4 jours pleins) avec de nombreuses communications et 150 participants sur les 300 membres de l'association. Il y a eu bien sûr un hommage à Hans Bender et la célébration du 50ème anniversaire de l'Institut de Freiburg, et des présentations de cas de phénomènes spontanés. La partie expérimentale et méthodologique a été très développée (controverses autour des expériences de Ganzfeld, résultats de méta-analyses, DMILS (Direct Mental Interaction between Living Systems) etc.
GERP - Quelles ont été les évolutions récentes de L'IGPP ? Avez-vous pu constater des changements depuis votre participation aux activités de l'Institut de Fribourg dans les années 70 ?
LOUIS BELANGER - Oui il y a eu de très grands changements récemment. En 1992, l'Institut ayant reçu un très important apport en fonds privé, a investi cette somme dans un immeuble, en a loué une partie afin de s'assurer un revenu et donc une certaine pérennité au niveau financier, et a entrepris de développer un grand centre d'étude en parapsychologie. A l'heure actuelle, c'est le plus grand centre mondial puisqu'il rassemble pas moins de 42 employés. C'est la manifestation d'un renouveau dans l'histoire de la recherche en parapsychologie. Pour la première fois au monde, il y a suffisamment de financement pour toutes sortes d'acquisitions : générateurs d'événements aléatoires, polygraphes, ordinateurs, équipements vidéos, deux labos complets pour reprendre les expériences de ganzfeld et celles de Princeton, etc., et suffisamment de fonds également pour payer du personnel qualifié dans toutes sortes de disciplines. Evidemment on ne trouve plus aujourd'hui l'atmosphère familiale de l'Institut d'antan, puisque que c'est devenu très professionnel et très administratif, mais c'est enfin l'occasion de pouvoir approcher les phénomènes psi conformément à la méthodologie de l'établissement scientifique.
GERP - En France il est difficile de mettre en place des approches pluridisciplinaires, où les gens peuvent réellement communiquer. La pluridisciplinarité, nécessaire à la parapsychologie, a-t-elle pu se mettre en place à Freiburg ?
LOUIS BELANGER - C'est difficile partout, pas seulement en France. Déjà, à l'intérieur d'une même discipline, il y a des problèmes de concurrence, alors il y a encore plus de rivalités, de désaccords et de conflits au niveau de la multidisciplinarité. L'Institut de Freiburg n'y a pas échappé, mais il faut de toute façon attendre que les choses se mettent en place.
GERP - L'image de Hans Bender est-elle toujours très présente à l'Institut ?
LOUIS BELANGER - Il est certain que Hans Bender est toujours omniprésent à l'Institut. Dès que l'on arrive dans le premier bureau où l'on reçoit les visiteurs, on voit la photo de Hans Bender, décédé en 1991, et celle de l'administratrice de l'Institut. Hans faisait partie de cette génération d'humanistes que l'on ne retrouve plus. On fabrique aujourd'hui ce que l'on appelle, en Allemagne, des "idiots spécialisés", c'est-à-dire des gens qui ont une nécessité de production dans un domaine et ont moins de vue d'ensemble sur les choses. Hans Bender avait une formation en médecine, en philosophie, en littérature, en psycho ... Il était rayonnant, il avait cette approche, cette empathie, cette ouverture ... On l'a critiqué pour avoir un peu moins de rigueur, c'est vrai qu'on ne peut pas tout avoir. Moi ce que je déplore c'est la perte d'une personne, d'un humaniste qui sera difficilement remplaçable. Alors avec lui se perd une tradition, une approche, une vision du monde... On doit en faire un deuil. Il faut donc rendre hommage à Hans Bender, car c'est grâce à lui que non seulement la parapsychologie continue en Allemagne, mais qu'elle vit un nouveau souffle. Hans Bender a fait des liens avec les gens, il s'est battu toute sa vie pour essayer d'informer la population et d'obtenir des fonds pour la recherche. Enlevez l'Institut de Freiburg et vous porterez un coup fatal à la recherche parapsychologique multidisciplinaire à travers le monde. Les autres centres internationaux de recherche perdurent, mais pour certains très péniblement.
C'est finalement grâce à Hans Bender que la dimension de l'hygiène mentale et de l'hygiène psychosociale a été reconnue dans le contexte parapsychologique. Les sondages révèlent depuis 30 ans que plus de la moitié de la population des pays industrialisés croit aux phénomènes paranormaux. Hans Bender était convaincu qu'il fallait s'occuper tout autant des croyances de ces personnes, de leurs soucis, de leurs inquiétudes à la suite d'un vécu qu'elles identifient comme un vécu paranormal. Il s'agit sûrement de l'aspect le plus utile de l'activité des parapsychologues, peut-être le plus positif, puisque la preuve scientifique au sens strict nous échappe, il faut bien en convenir.
GERP - Y a-t-il à l'Institut des activités d'aide psychothérapeutique ?
LOUIS BELANGER - Il y a trois psychologues à temps plein à l'Institut de Freiburg, qui assurent la relation avec le public, et l'aide psychologique. C'est ce que faisait Hans Bender ou l'un ou l'autre assistant à l'ancien Institut, et en cela ils continuent ses anciennes activités. Malheureusement, pour ce qui est de la question des poltergeists, où c'était justement l'occasion, non seulement d'apporter une aide thérapeutique aux sujets, mais aussi de faire des investigations scientifiques sur le terrain, des tentatives d'objectivation, il y a eu un changement d'approche. Dans l'ancienne formule de l'Institut, s'établissait pour les cas de poltergeists, un échange de bon aloi avec les victimes de ces phénomènes, une sorte de contrat : on leur disait : "Notre présence ne vous coûtera rien, nous vous aiderons à passer à travers ce phénomène, et vous, vous allez nous aider à faire une recherche sur le terrain". C'était très bien. Mais les psychologues-thérapeutes qui sont employés aujourd'hui à l'Institut ne semblent pas intéressés à documenter, à tenter d'objectiver les phénomènes psychophysiques autour du poltergeist. Je crois comprendre qu'il s'agit d'une phase temporaire d'ajustement à la nouvelle structure de ce département, et non d'une nouvelle politique qui mettrait en péril la mission confiée par Hans Bender. Du moins, je l'espère de tout cœur, car l'examen et le dénouement d'échanges psycho-dynamiques entre un être vivant et son environnement dans la situation spontanée du poltergeist constituent, à mon avis, la contribution la plus précieuse que l'on puisse fournir au domaine de la parapsychologie.