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A QUOI SERT AUJOURD'HUI L'EXPERIMENTATION EN PARAPSYCHOLOGIE

P. JANIN

Revue de Parapsychologie n°8, 1979

 

Depuis que la parapsychologie existe en tant que discipline indépendante, un but majeur de l'expérimentation a été de démontrer que les phénomènes psi se produisaient dans des conditions bien contrôlées. De grandes quantités de temps et d'efforts ont ainsi été dépensés pour rendre de plus en plus fiable la conclusion de ces expériences, qui était aussi leur hypothèse de départ, que ces phénomènes existaient vraiment, puisque le laboratoire ne les faisait pas fuir. Les compte-rendus correspondants, publiés depuis bientôt un siècle dans la littérature sérieuse spécialisée, se comptent aujourd'hui par nombreuses centaines ; et si jusque chez les parapsychologues on doute, encore de nos jours, de tel ou tel type particulier de phénomène (la psychocinèse, la prémonition entre autres paraissent toujours incertaines à quelques-uns uns), l'existence du paranormal en soi semble démontrée au delà de tout doute raisonnable pour toute personne qui a une connaissance suffisante du dossier; en tout cas, comme à bien d'autres chercheurs en parapsychologie cette position me parait la plus saine en l'état actuel des choses, et je l'adopterai comme point de départ des réflexions qui vont suivre.

La démonstration d'existence des phénomènes psi étant par conséquent acquise aux yeux des spécialistes, quel rôle utile l'expérimentation peut-elle jouer ?

J'en vois trois : pour les non-spécialistes et le public en général, un rôle didactique ; et pour le chercheur, un rôle épistémologique et un rôle prospectif.

I - Le rôle didactique de l'expérimentation psi

La philosophie la plus courante de nos jours, celle qu'on assimile sans même avoir à l'apprendre tant elle est omniprésente, a comme pierre angulaire l'axiome selon lequel la subjectivité (les idées, les sentiments, le psychisme en général) est par essence radicalement neutre : autrement dit tout observateur passif du fonctionnement de l'univers n'est qu'un pur reflet de ce fonctionnement : avec un ou sans observateur le monde tourne de la même façon. L'humilité, la rigueur quasi-ascétique de la pensée auxquelles ce principe a conduit plus d'un grand scientifique ont quelque chose d'impressionnant, qu'on retrouve d'ailleurs dans la figure populaire du "savant".

A contrario l'idée que le sujet observateur puisse, simplement en tant que tel et à son corps défendant, déranger si peu que ce soit la chose observée est ressentie comme quasi subversive par la majorité des esprits cultivés, d'abord parce qu'elle attente à la grande notion d'un Ordre immuable de la Nature, ensuite parce qu'elle sous-entend un "effet de subjectivité", ce qui n'est pas agréable à admettre.

Et pourtant, depuis plusieurs décades déjà la physique théorique pose, justement, le problème de l'intervention de l'observateur dans les processus qu'il observe, et par le seul fait qu'il les observe. Autrement dit, la conception si largement répandue d'une réalité "en soi" dont le physicien serait simplement le "témoin-reflet" spécialisé est depuis belle lurette considérée avec méfiance en physique ; certains vont jusqu'à formuler explicitement l'hypothèse que dans le comportement de la matière dont il s'occupe, la conscience du physicien joue nécessairement un rôle.

Or sur ce plan précis la parapsychologie va beaucoup plus loin que la physique : elle s'occupe en effet de phénomènes qui par définition témoignent d'un lien direct, entre le psychisme d'un sujet et un processus extérieur avec lequel il n'a matériellement aucun contact. Il ressort évidemment de ces faits qu'en elle-même la subjectivité consciente ou inconsciente, est un facteur déterminant dans la nature. On l'a vu, les données venant à l'appui de cette constatation sont aujourd'hui si nombreuses et de provenances si diverses qu'il n'y a plus lieu de les mettre raisonnablement en doute. Et pourtant, au delà d'un cercle restreint de spécialistes et dans tout un vaste milieu intellectuel, elles sont mises en doute, et précisément parce qu'elles donnent à la subjectivité un rôle actif dans la marche de l'univers. On remarquera à ce sujet que c'est surtout la psychocinèse qui viole de la façon la plus flagrante le préjugé courant de la neutralité de l'irresponsabilité de la vie subjective par rapport aux événements objectifs, or c'est précisément celui des phénomènes psi qui fait l'objet de la suspicion la plus marquée, voire du rejet le plus catégorique dans le public en question.

La première fonction que peut remplir l'expérimentation en parapsychologie est donc d'ordre didactique : montrer aussi clairement que possible, à l'intention d'un public aussi large que possible, l'ingérence de la subjectivité en tant que telle dans le fonctionnement du monde, ou du moins de certains processus objectifs.

Peut-être saura-t-on un jour produire en grande quantité des phénomènes psi de gros calibre ; une orientation générale dans ce sens sera formulée dans le troisième paragraphe de ce travail. Du point de vue didactique qu'on examine ici, disposer d'une voyante ou d'un tordeur de cuillères fonctionnant à la demande et dans les conditions les plus défavorables serait évidemment l'idéal . En attendant et peut être pour préparer les voies de l'avenir, on doit se contenter d'une expérimentation moins spectaculaire. Et pourtant il faut qu'elle soit convaincante au maximum, c'est-à-dire en particulier fiable au maximum.

Or on sait que la réussite des essais systématiques en parapsychologie a été jusqu'ici notoirement irrégulière, et ce fait impatiente ou décourage beaucoup de sympathisants. J'ai déjà esquissé ailleurs sous diverses formes (1 , 2, 3) et je propose ici à nouveau, l'hypothèse selon laquelle cette irrégularité reflète en fait la superficialité, donc l'instabilité, des facteurs subjectifs sur lesquels on a travaillé dans l'immense majorité des cas : image mentale convenue que l'on s'efforce de "transmettre", souhait de deviner la nature d'un objet caché, d'influencer de façon convenue un processus matériel. Il me semble qu'on ne peut raisonnablement espérer que des contenus subjectifs de ce genre, intellectuellement suscités pour le temps d'une expérience, pèsent d'un poids bien lourd devant la large masse toujours active du psychisme semi-conscient ou inconscient que chacun porte en soi, et où dominent des forces affectives et instinctives autrement puissantes.

Il parait assez clair que si l'expérience réussit néanmoins, c'est que le souhait convenu prend en fait racine dans des contenus sous-jacents nettement plus essentiels pour le sujet ou pour l'expérimentateur : par exemple, chez le premier le désir de plaire au second, ou chez le second le besoin de réussir son expérience et c'est d'ailleurs bien pourquoi l'histoire de la parapsychologie montre que les réussites expérimentales notables s'attachent à des personnes particulières beaucoup plus qu'à des expériences particulières. Cette dimension affective et personnelle de psi a bien sûr été mise en évidence et admise par un certain nombre de chercheurs (quelques-uns seront cités plus bas), peut-être même par tous au niveau des principes, mais la pratique est loin d'en tenir systématiquement compte puisqu'on rencontre encore dans la recherche actuelle et un peu partout dans le monde plus d'un projet expérimental que RHINE, le père de la parapsychologie dépersonnalisée, aurait pu patronner dès les années 30 : c'est-à-dire que leur réussite ou leur échec ne nous apprennent rien de plus que ce que l'on sait déjà depuis quarante ans et plus, à savoir que psi existe, mais que sa démonstration expérimentale est aléatoire.

Si donc l'expérimentation doit remplir de façon satisfaisante son rôle didactique en donnant en particulier des résultats positifs suffisamment fréquents, à mon sens elle doit délibérément tourner le dos aux facteurs subjectifs artificiels et fragiles qui n'occupent que la frange consciente du psychisme, et travailler sur les contenus plus profonds et plus stables du préconscient ou de l'inconscient : habitudes de la pensée ou de la vie imaginaire, attitudes affectives, traits de personnalité, et si possible structures inconscientes de base telles que celles dont s'occupe la psychologie des profondeurs.

Sur le plan de la constatation des faits, c'est là une idée déjà ancienne ; on donnera ici rapidement quelques jalons. Tout d'abord, depuis les débuts de la psychanalyse, un nombre non négligeable de praticiens, freudiens et jungiens, reconnaissent l'existence de phénomènes psi (télépathie, PK, etc.) exprimant en particulier les aspects inconscients problématiques de la relation médecin-patient au cours de l'analyse (sur cet aspect des choses du point de vue jungien, voir l'ensemble des ouvrages de JUNG, qui n'a pas traité le problème spécialement à part ; pour le point de vue freudien voir MOREAU (6) ). Au niveau du laboratoire, dès 1921 VVARCOLLIER (10) montrait l'intervention de contenus affectifs dans des transmissions télépathiques expérimentales. Dans la parapsychologie quantitative, certains effets dits "secondaires" ont, très tôt , été détectés dans les résultats et reconnus comme dûs à des facteurs subjectifs "parasites" prenant le pas sur les conventions expérimentales : hostilité à psi (psi-missing), fatigue psychologique (déclin) entre autres. (Il n'est pas possible de mentionner ici tous les travaux où ces notions apparaissent ). Citons aussi les très nombreuses constatations d'effets d'expérimentateur (ou plus exactement, d'effets dûs à des personnes autres que le sujet désigné de l'expérience), dont KENNEDY et TADDONIO (5) d'une part, Rhea WHITE (11 , 12) d'autre part, ont donné récemment d'excellentes revues d'ensembles, desquelles il ressort que ces effets sont le plus souvent liés à des états affectifs particuliers ou même à des personnes particulières en tant que telles.

Sur le plan des recherches expérimentales mettant méthodiquement en œuvre des facteurs semi-conscients ou inconscients, l'exemple le plus connu est celui de la classique distinction entre "moutons" et chèvres", dont G. SCHMEIDLER a été la première exploratrice dans les années 50 : les personnes ayant une conviction a priori favorable à psi tendent à mieux réussir que celles qui sont a priori hostiles, dans des expériences où la tâche à accomplir (par exemple, une clairvoyance sur des cartes ESP) est pourtant la même pour toutes (voir une revue des travaux sur le sujet jusqu'en 1971 dans PALMER (7).

Les traits de personnalité tels qu'introversion et extraversion, nervosité et calme, adaptation et inadaptation, etc. . , ont fait l'objet de nombreuses études de corrélation avec la réussite ou l'échec aux tests psi quantitatifs, avec des résultats souvent frappants (voir entre beaucoup d'autres les travaux de KANTHAMANI et RAO (4) . Mentionnons enfin, dans cette énumération qui est loin d'être exhaustive, les "effets d'expectative" concernant le résultat d'une expérience, délibérément planifiés et obtenus par TADDONIO (8, 9).

Gagne-t-on en pratique en efficacité démonstrative avec des expériences de ce genre ? On peut répondre ceci : dans ces expériences, on procède en fait à deux niveaux : celui de l'expérimentateur, qui s'intéresse surtout aux facteurs subjectifs "profonds" des sujets - attitudes, traits de personnalité, etc., et celui des sujets, dont la tâche, comme dans les débuts de la parapsychologie quantitative, reste une convention de surface : deviner ceci ou cela, influencer dans un sens précis tel ou tel processus . Or, en lisant les compte-rendus expérimentaux on constate bien souvent que les résultats psi à ce niveau superficiel sont nuls , tandis que ceux au niveau plus profond, et qu'on évalue en comparant entre eux des groupes de sujets psychologiquement différents, sont positifs . Autrement dit, la démonstration de psi est souvent plus efficace quand les facteurs subjectifs pris en compte relèvent du préconscient ou de l'inconscient que quand ils sont temporairement mis en place par une convention consciente. Et à supposer qu'il agisse là d'un effet d'expérimentateur quasi systématique, on serait quand même bien renvoyé à un facteur subjectif préconscient ou inconscient, mais chez l'expérimentateur et non plus chez le sujet : la conviction qu'il expérimente dans des conditions spécialement favorables.

Est-ce dire qu'une expérimentation de ce type peut être prise comme modèle pour les travaux pratiques d'un cours de parapsychologie idéal ? Non sans doute car la fiabilité est encore loin d'être bonne, comme en témoignent nombre d'essais aux résultats nuls ou peu convaincants. Et d'autre part les protocoles sont lourds pour s'occuper d'un trait de personnalité précis, il faut travailler avec au moins cinq à dix sujets qui le présentent et cinq à dix autres qui ne le présentent pas, sinon l'analyse statistique ne pourra pas extraire grand chose des résultats ; n'importe quel chercheur n'est pas à même de réunir un personnel expérimental aussi nombreux et aussi bien trié. La voie à suivre est à mon sens la suivante : simplifier au maximum l'expérience, et augmenter encore la part des facteurs subjectifs "profonds" au détriment de celle des facteurs de surface soit dans le plan expérimental lui-même, soit au moment de l'analyse des résultats, soit partout à la fois.

C'est précisément dans ce but que le tychoscope, véhicule à déplacement aléatoire, a été imaginé par l'auteur et est maintenant construit en série. Je vais donc m'en servir pour illustrer le point de vue avancé ici. Avant tout, le tychoscope est destiné à des expériences de psychocinèse ; or la psychocinèse a un impact didactique particulièrement grand, parce que le hiatus entre les facteurs subjectifs et leurs corrélats objectifs y est particulièrement voyant, donc propre à remettre nettement en question (si justement il est franchi) le préjugé de la neutralité objective du psychisme. De plus en tant qu'instrument de recherche, le tychoscope donne au sujet qui le veut bien l'entière initiative de ses propres expériences, d'où à la limite la disparition de l'expérimentation, donc de l'attitude pas toujours très naturelle de sujet-cobaye ; d'où aussi la possibilité de se consacrer à l'expérience de façon personnelle et totale, c'est-à-dire d'y mettre en jeu, d'y "investir", comme disent les psychanalystes, les facteurs affectifs les plus profonds. Enfin le tychoscope fournit des outils nouveaux pour l'analyse des résultats. En effet, pour reprendre rapidement ce qui a déjà été exposé ailleurs :

- la manipulation d'un tychoscope est à la portée de tous ; plus besoin d'un spécialiste pour mettre une expérience psi en route

- semblable à un petit animal indépendant, le tychoscope parait psychologiquement plus motivant que la plupart des dispositifs expérimentaux jusqu'ici imaginés en parapsychologie ; c'est-à-dire que s'il suscite un désir (rapprochement, éloignement, etc), ce désir sera vraisemblablement plus solidement fondé dans le psychisme profond que les souhaits convenus classiques

- les expériences peuvent être faites en tout lieu, à tout moment, et pendant des durées quelconques, donc dans les conditions les plus favorables pour chaque manipulateur; l'expérimentation est donc extrêmement souple et multiforme.

- l'appareil peut enregistrer sa propre trace graphique. On peut donc faire après coup une analyse graphique pour déceler d'éventuelles corrélations entre tracé et facteurs subjectifs à tous les niveaux (conscient et inconscient) : dans le meilleur des cas on pourra distingueur des "signatures" graphiques caractéristiques de tel ou tel manipulateur.

- les données de la marche du tychoscope peuvent aussi être enregistrées (sous la forme de signaux électriques codés) sur tout magnétophone à cassettes : grâce à un dépouillement automatique des cassettes à l'ordinateur, on peut obtenir l'analyse mathématique du tracé. On a donc en fait deux outils d'analyse : un graphique et un mathématique, qui ne se recouvrent pas nécessairement, et qui peuvent se compléter l'un l'autre.

Tous ces facteurs sont en principe favorables à la mise en jeu dans les expériences, et à l'apparition visible dans les résultats, de facteurs subjectifs préconscients et inconscients. En fait, un assez grand nombre d'essais ont déjà été faits avec des prototypes de tychoscope : bien qu'ils n'aient pas été très méthodiques, il en est quand meme sorti des résutats très encourageants, certains même étonnants. Les espoirs formulés ici à propos de ce nouveau type d'essais semblent donc fondés, et tout porte à croire que la poursuite systématique de ces essais, maintenant rendue facile par la disponibilité d'appareils plus nombreux, confirmera cette première impression. S'il en est bien ainsi, le tychoscope pourrait apporter une contribution importante à la fonction didactique de l 'expérimentation , et peut-être montrer la voie à suivre pour aller encore plus loin dans l'avenir.

II - Le rôle épistémologique de l'expérimentation parapsychologique

Comme on l'a vu en commençant, accroître la démonstrativité des expériences n'est pas, en parapsychologie, un objectif majeur de la recherche, parce que pour la plupart des chercheurs le problème de l'existence ou de la non existence de psi ne se pose plus. Par contre, intégrer dans une théorie synthétique la constatation qu'il y a des corrélations inexplicables entre des facteurs subjectifs et des processus objectifs extérieurs au sujet, voilà un travail encore en cours et visiblement pas près d'aboutir à un résultat faisant l'unanimité. On ne compte plus les articles théoriques dans les publications spécialisées, et la présente Rencontre de la FOREPP constitue simplement une preuve de plus que la question est toujours d'actualité. Le phénomène à intégrer ayant des aspects inacceptables selon les notions courantes, en particulier celles, qui nous semblent si évidentes, de causalité, le problème à traiter n'est pas du tout seulement celui d'une simple carence des connaissances au niveau de tel ou tel effet rare, mais bien celui d'une modification radicale de la façon même que nous avons de connaître le monde autour de nous et notre position dans ce monde ; d'où la référence à l'épistémologie dans le titre du présent paragraphe.

De nombreux chercheurs ou penseurs s'intéressant à psi s'accordent sur le fait qu'il faut, en effet, poser radicalement la question. De là les angles d'attaque différents. J'essaierai de montrer celui qui me parait le plus favorable à un travail épistémologique en profondeur, et pour cela je partirai d'une expérience en pensée avec le tychoscope.

Imaginons qu'un chercheur suffisamment persévérant et patient parvienne à repérer ce qui , dans le comportement du tychoscope, correspond à tel contenu semi-conscient particulier, par exemple un manque latent de confiance en soi, ou un sentiment aigu de liberté intérieure, ou une impulsion agressive dirigée contre telle ou telle personne, etc. Cela signifie en pratique que quand il reconnaîtrait l'amorce de ce comportement, il percevrait sans trop de peine en lui-même le contenu subjectif en question, ou inversement. Dans les deux cas la conséquence serait la même -. le renforcement de l'attente par l'évènement, puis de l'événement par l'attente (puisqu'il s'agit ici d'effets psi), celle-ci passant peu à peu au stade d'une conviction ancrée dans des contenus inconscients et stables ; bref, on assisterait à l'apprentissage d'une relation régulière entre le sujet et son tychoscope.

Cette description est au conditionnel parce que l'expérience réelle complète est encore à faire. Je ne doute pas, personnellement, qu'elle sera faite tôt ou tard par plus d'un utilisateur de tychoscope. On aura noté évidemment le très grand intérêt didactique (prévu en termes généraux au paragraphe précédent) d'un processus de ce genre. Mais l'essentiel ici est ceci : dans cette relation sujet-tychoscope (et en fait dans toutes celles, moins stables et plus ambiguës, qui l'auront précédée, donc aussi dès la première confrontation entre un sujet et un tychoscope), on ne peut pas dire lequel des deux a l'initiative, le sujet ou le tychoscope. Dans certains cas c'est le sujet qui souhaite que le tychoscope se comporte de telle ou telle façon et à la limite le lui "impose" par la force de la volonté ; dans d'autres cas c'est le comportement de l'appareil (en soi imprévisible) qui amène son partenaire à l'examen subjectif où se révèle tel contenu particulier. L'origine, la "cause" de ce qui se passe dans cette relation est tantôt d'un côté, tantôt de l'autre.

La relation est donc analogue à celle d'un dialogue entre partenaires égaux : chacun en quelque sorte "parle" à son tour. Mais d'habitude il a lieu entre deux sujets ; employer ce mot quand l'un des deux "sujets" est en fait une simple machine a quelque chose d'excessif, de paradoxal : or c'est justement là à mon sens que se trouve la nouveauté épistémologique : celle qui consiste à considérer la matière comme partenaire de la subjectivité, ou, pour employer le terme le plus général (dans son sens profane et large), partenaire de l'esprit . Non pas partenaire imagé et passager, comme quand on injurie, de colère, un marteau avec lequel on vient de se taper sur les doigts, mais partenaire réel et nécessaire. Le marteau n'ira pas tout seul planter votre clou, vraisemblablement, que vous lui adressiez la parole ou non : dans l'état actuel des choses dialoguer avec un marteau est une chimère.

Par contre le tychoscope, avec qui vous vous exercez dans un tout autre esprit qu'avec un marteau, peut très bien taire ce que vous lui "demandez" de taire en violation flagrante des lois statistiques (cela s'est vu dans certains essais) -c'est là une affaire importante, et c'est de ce dialogue-là qu'il est question ici.

L'hypothèse de la matière et de l'esprit comme partenaires dans un dialogue n'est nouvelle en fait que par rapport à un certain courant de pensée : celui du rationalisme scientifique, qui justement considère, comme on l'a vu, l'esprit (le psychisme, la subjectivité) comme essentiellement neutre. Mais on aurait tort de penser que, parce que notre philosophie dominante tient pour établi que la matière est fondamentale et l'esprit secondaire, d'autres philosophies n'ont pas proposé d'autres solutions à ce très vieux problème des rapports esprit-matière, appelé aussi problème psycho-physique. Pour chacun de nous il se manifeste en permanence dans notre vie de tous les jours, de la façon suivante nous nous éprouvons comme matière (notre corps, nos actions musculaires, etc, etc) et comme esprit (nos pensées, nos sentiments, notre imagination, etc) ; lequel des deux est la réalité première ? Certains, aujourd'hui qualifiés d"'idéalistes" non sans une connotation péjorative, ont estimé que c'était l'esprit qui dominait en droit le corps de l'homme d'abord, et toute la matière extérieure ensuite : à cette tendance se rattachait Platon et se rattachent par exemple, aujourd'hui, une certaine tradition chrétienne ainsi que de nombreuses écoles spiritualistes. Inversement, d'autres pensent que c'est au contraire la matière qui explique et par conséquent domine l'esprit : telle est entre autres la profession de foi, tacite ou explicite selon les cas, de tous les matérialistes contemporains.

La troisième voie, qu'on a définie plus haut, est en quelque sorte à mi-chemin entre les deux extrêmes : elle voit dans l'esprit d'un côté et la matière de l'autre les deux aspects nécessairement complémentaires d'une même donnée de base, un peu comme le sont obligatoirement le pôle Nord et le pôle Sud d'un aimant. Nécessairement complémentaires, donc nécessairement partenaires, en dialogue obligatoire. On rencontre en fait une telle philosophie de l'ambivalence dès les premiers âges de l'humanité, dans la doctrine chinoise du Yin et du Yang, on la voit aussi transparaître dans la philosophie alchimique ; et tout récemment elle ressurgit dans la théorie des archétypes de Jung, qui est justement aussi une théorie des phénomènes psi (avec laquelle le présent auteur se sent en accord essentiel). D'ailleurs sans aller chercher si loin ou si haut, c'est peut-être bien aussi ce même genre de philosophie qui pointe dans bien des manisfestations de ce qu'on appelle le bon sens populaire : à faire défiler rapidement tous les dictons sans âge que véhicule notre langue, ou d'autres, qui veulent bien venir à l'esprit, on ne décompte à peu près autant d'idéalistes que de matérialistes ! Et comme disent les Anglais devant une manifestation passionnelle un peu trop extrême : "Maybe love..., maybe liver", c'est-à-dire peut-être l'amour., ..peut-être le foie.

Il est clair, on l'a vu, que l'idée d'une réalité en soi contradictoire, simultanément esprit et matière, ne colle pas du tout avec la position tranchée du matérialisme scientifique courant qui donne tout à la matière et rien à l'esprit. On l'a vu aussi, c'est précisément la raison pour laquelle l'expérimentation parapsychologique, dans la mesure où elle démontrerait avec force l'existence d'une relation de partenaire entre esprit et matière, pourrait avoir un impact épistémologique immense, avec des conséquences potentielles dans tous les domaines : science bien sûr, mais aussi psychologie, morale, politique,, , puisque l'ensemble de notre culture et pas seulement notre science est fortement teinté de matérialisme. Naturellement, dans la pratique il ne faut pas s'attendre à des changements rapides : toute évolution un peu profonde des mentalités est nécessairement progressive. Il importe quand même de prendre conscience que, si les phénomènes psi sont bien un signe de la complémentarité de l'esprit et de la matière, ils portent en eux, dans le contexte actuel, le germe d'une révolution culturelle capitale.

III - Le rôle prospectif de l'expérimentation parapsychologique

Pour concrétiser, rendre active, donner force créatrice à cette perpective épistémologique nouvelle, ne peut-on compter sur des expériences demandant, malgré tout, pas mal de temps et de patience comme celle de l'apprentissage du dialogue avec le tychoscope ? Ne peut-on pas espérer que la recherche parapsychologique mène aussi à des expressions de psi plus spectaculaires, plus "publiques" ? Ou encore, d'un autre point de vue : ce qu'on attend d'habitude à plus ou moins long terme de l'expérimentation dans toute recherche, c'est la maîtrise d'une technique qui accroisse le potentiel d'action ou d'interaction de l'homme par rapport à son milieu ou ses semblables : n'y a t-il rien d'analogue en parapsychologie ? Peut-on , par exemple, espérer de la télépathie qu'elle remplace le téléphone, ou de la psychocinèse qu'elle remplace l'action manuelle sur le monde physique ?

Commençons par cette dernière question : s'il est exact, comme on l'a supposé dans tout ce qui précède, que la conviction a priori (qui est un facteur semi-conscient ou inconscient) est une condition suffisante pour déclencher la relation esprit-matière correspondante, alors en principe tout est possible; telépathie à la place du téléphone, PK remplaçant la manipulation des objets, etc. Des faits de ce genre semblent bien se produire dans la réalité : on entend régulièrement parler de cas de communications télépathiques délibérées, dans des régions isolées d'Afrique par exemple, et il parait difficile de nier qu'au Brésil entre autres la manipulation à distance se pratique assez systématiquement et non sans succès dans le cadre de l'envoûtement.

A supposer même qu'on ait des certitudes absolues sur ces faits, il ne faudrait pas en conclure que chez nous aussi ils devraient être possibles. Le problème, en effet, est de créer ou de déclencher la conviction a priori voulue. Si l'idée d'une communication à distance sans support matériel peut aller de soi dans une société qui ignore l'existence du téléphone et des ondes électromagnétiques comme les seules possibilités de communication à distance, la même remarque vaut pour l'action concrète, domaine dans lequel chaque jour la technique démontre le monopole absolu de l'outil matériel , tandis que la psychologie freudienne ridiculise la "pensée magique" qui le conteste. Autrement dit, l'habitude de la communication et de l'action par des moyens non psi, donc la conviction a priori correspondante, est profondément ancrée en nous ; pour nous en dégager au point de substituer par exemple la télépathie au téléphone, il y faudrait certainement plus qu'un souhait incrédule : bien plutôt, l'exercice d'une discipline mentale rigoureuse, basée sur une volonté intense et soutenue, et dont seuls quelques rares esprits suffisamment libres et indépendants sont vraisemblablement capables de faire preuve.

Le problème en somme, si l'on veut développer de "gros" effets psi dans un contexte culturel comme le nôtre, est de ne pas prendre à contrepied les certitudes de principe dont nous sommes imprègnés concernant le fonctionnement du monde objectif. L'idée du tychoscope va d'ailleurs dans ce sens : s'il offre une possibilité moins "antinaturelle" pour nous (on pourrait aussi bien dire : moins anticulturelle) que d'autres dispositifs à PK pour l'expression d'effets psi, c'est que nos idées a priori sur la manière dont doit se comporter un mobile aléatoire sont assez floues ou sommaires : il n'est donc pas impensable que sur ce terrain encore vierge de convictions rationalistes nettes une relation esprit-matière originale, l'apprentissage du "dialogue" avec le tychoscope, puisse s'établir. Peut-on espérer plus? Plus voyant, plus puissant ? Oui peut-etre. Suivons toujours la même idée : aller dans le sens de ce qui existe, éviter de contrer les a priori de notre culture et si possible même les utiliser. Parmi ces a priori figure le mythe majeur, et combien efficace, de la domination volontaire de l'homme sur la nature, celui-là même qui justement nous fait rechercher l'efficacité pratique de psi. Quand on se laisse porter par lui on a bien entendu sur le monde objectif, par rapport à la conception nouvelle d'un lien nécessaire et permanent entre esprit et matière, le point de vue d'un observateur lointain, étranger à toutes les manifestations nuancées de la subjectivité dont on ignore pratiquement l'existence : c'est en somme le point de vue de Sirius sur notre lointaine planète, sensible seulement aux phénomènes matériels massifs.

Or justement, cet observateur de Sirius remarque sur notre planète Terre quelque chose de curieux : certaines configurations matérielles particulières sont liées à des anomalies physiques se produisant dans leur voisinage (autour d'un sujet à poltergeists certains objets défient temporairement les lois physiques.

Habitué qu'il est à trouver dans la nature l'inspiration de ses recherches et de ses progrès techniques, notre homme voit donc là, la possibilité d'acquérir la maitrise d'un phénomène naturel de plus, son projet consistant tout simplement à étudier d'abord, puis à construire lui-même des systèmes matériels qui, sous le rapport des anomalies physiques survenant dans leur voisinage, seraient équivalents à un sujet PK.

Revenons sur Terre, et examinons de plus près ce projet. Dans le passé ce genre d'ambition : imiter le vivant, surtout dans ce qu'il a de plus spécifique, a bien souvent été considéré comme impossible, ou diabolique. La conviction correspondante se retrouve en particulier dans le vitalisme, attitude philosophique et morale selon laquelle la vie a des propriétés fondamentalement inimitables par l'homme, et c'est pourquoi quand un audacieux l'imite néanmoins de trop près, elle le punit : la force aujourd'hui toujours grande du thème de Frankenstein, cent soixante ans après son invention, témoigne bien de la persistance du tabou qui entoure le mystère de la vie.

Mais puisqu'aussi bien nous avons déjà admis une fois pour toutes une chose aussi subversive que l'existence de psi , il ne nous en coûtera pas beaucoup plus de faire le pari qu'il n'y a pas d'obstacle de principe à l'idée de manufacturer un dispositif autour duquel s'induiraient régulièrement des effets paranormaux. Voilà qui cadre parfaitement, en tout cas à première vue et malgré la mention de psi, avec la mentalité de notre civilisation productrice et dominatrice d'objets, et qui donne en même temps à l'expérimentation correspondante la même fonction prospectrice, analytique et exploratrice, que dans toutes les autres disciplines centrées sur des processus objectifs.

Comment, à partir de quoi travailler en pratique ? C'est ce qui reste encore à découvrir. Je proposerai ici quelques lignes de réflexion. Ces configurations matérielles qui induisent des anomalies physiques dans leur voisinage , qu'ont-elles de particulier par rapport à celles qui n'en produisent pas ? Cette question se subdivise en trois :

(1) Qu'est-ce qui distingue un être vivant d'un système matériel inanimé ?

(2) Qu'est-ce qui distingue un sujet humain en général (à poltergeists ou non) des autres systèmes vivants, animaux ou plantes, qui à notre connaissance ne produisent jamais de poltergeists ?

(3) Et enfin, qu'est-ce qui distingue un sujet à poltergeists d'un sujet ordinaire ?

Commençons par le premier point. Je ne suis pas biologiste et ne souhaite pas m'aventurer sur le terrain des différences d'ordre chimique, structural, etc .... entre ce qui est vivant et ce qui ne l'est pas : à ma connaissance d'ailleurs, la frontière n'est pas franche. C'est au niveau du comportement global qu'une certaine différence m'apparaît frappante et même fondamentale : non pas le fait de l'autoreproduction de la vie (car la fabrication d'un robot sachant lui-même se fabriquer un semblable n'est qu'une question de complexité technique, pas un problème de principe), mais l'imprévisibilité des êtres vivants. Imprévisibilité relative bien sûr, puisque nous savons d'avance que tout arbre aura un tronc et des feuilles, que tout têtard se métamorphosera en grenouille, que tout homme ne peut parler qu'avec sa bouche et sa langue, etc. L'être vivant est donc, c'est évident, tributaire ou conséquence d'un "programme" qui n'a rien d'imprévisible. Mais au-delà de ces régularités, personne ne peut prévoir avec certitude la quantité ou la forme exacte des feuilles que l'arbre fera au prochain printemps, ou les innombrables allées et venues du têtard dans sa mare, ou ce que n'importe quel homme va dire, avec sa bouche et sa langue, dans l'heure à venir. Et d'ailleurs, quand le comportement d'un système vivant devient-il le plus facilement prévisible ? Quand il meurt.

On objectera sans doute que l'imprévisibilité ne constitue pas un critère valable, parce qu'elle n'est qu'une apparence cachant notre inaptitude à saisir tous les facteurs en cause et à poser les équations voulues quand ce qu'il faut prévoir est aussi complexe qu'un être vivant. Deux types de réponse peuvent être opposées à cette objection. La première est que l'idée d'imprévisibilité a fait en physique théorique, concernant les interactions quantiques entre particules, l'objet de discussions approfondies, précisément sur la question de savoir si l'inaptitude de fait du physicien à calculer d'avance le résultat futur de telle ou telle interaction est dûe à un outil théorique encore insuffisant, ou bien à une imprévisibilité fondamentale dans la matière. On sait que cette controverse a opposé Einstein à Bohr ; et que c'est la position de Bohr, appelée aussi position de l'Ecole de Copenhague, qui l'emporte en général parmi les physiciens actuels ; or c'est précisément celle qui estime qu'il y a de l'imprévisibilité fondamentale dans l'univers. Bien sûr, un être vivant est autre chose qu'une particule élémentaire. Mais d'abord, il en est fait, et ensuite il reste que l'almagame qu'on fait si naturellement entre l'imprévisibilité en soi et la simple impuissance humaine à prévoir est contesté par ceux-là même, les physiciens, qui devraient avoir les moyens les plus puissants de le justifier. Bref, l'hypothèse qu'il existe une imprévisibilité de fond au niveau de la vie est parfaitement défendable dans son principe,

Mais on peut aussi faire une deuxième réponse à la même objection, à savoir que d'un point de vue pratique il n'y a aucune différence entre l'imprévisibilité, et l'inaptitude à prévoir : tant que la prévision n'a pas été faite, l'hypothèse qu'elle est faisable n'est plus valable en soi que celle de l'imprévisibilité essentielle. Autrement dit on peut très bien parler de l'imprévisibilité de la vie en tant que simple constatation de fait, sans préjuger de sa nature profonde si tant est qu'on puisse jamais y accéder. Dans l'état actuel de la connaissance scientifique il n'est pas niable que la vie comporte de l'imprévisible, et ce qu'on suggère ici est en somme de considérer, à titre d'hypothèse, ce fait empirique comme un critère distinctif.

Supposons donc l'hypothèse admise. Elle a immédiatement une conséquence importante : si l'imprévisible est le critère du vivant, alors tout dispositif matériel présente une part d'imprévisible dans son évolution : dès qu'on lance, billes roulant sur un plan rugueux, émissions de particules de désintégration radioactive, tychoscope en fonctionnement, etc , . , est en cela similaire à un être vivant. Je sens ici beaucoup de froncements de sourcils intérieurs : quoi, un dé deviendrait vivant quand on le lance, un corps radioactif serait vivant parce qu'il émet des particules de façon erratique, un tychoscope qui roule ici et là au hasard serait vivant ? J'estime pour ma part qu'il vaut la peine de répondre oui. D'ailleurs on parvient déjà à une idée quand on parlait (au paragraphe 2) de la relation de dialogue entre un expérimentateur et son tychoscope : on n'était pas loin d'impliquer que le tychoscope, comme son partenaire l'expérimentateur, méritait lui aussi le qualificatif de vivant. Acceptons donc le risque (nous sommes déjà avancés si loin ! ), et considérons par conséquent que tout système à comportement aléatoire est en quelque sorte un être animé. Pour concrétiser cette idée, je propose d'appeler "parabiotes" (de para, à côté, et bios, la vie) de tels dispositifs. Un dé à jouer est un parabiote temporaire (quand on le lance), un corps radioactif est un parabiote naturel (mais il ne peut être décelé comme tel que grâce à un appareillage spécial , capable d'analyser la séquence chronologique ou la distribution spatiale des désintégrations) : le tychoscope est actuellement le type le plus élaboré, techniquement parlant, des parabiotes existants rien n'empêche d'en concevoir et d'en construire de beaucoup plus sophistiqués, par rapport auxquels il fera alors figure de parabiote élémentaire.

La recherche suggérera vraisemblablement d'elle-même les progrès à faire dans ce domaine. Revenons en effet au projet proposé à l'expérimentation prospective en parapsychologie, à savoir la mise au point d'un dispositif inducteur d'effets physiques paranormaux. Ce dispositif sera en somme un parabiote à poltergeists. Mais sur le chemin qui mène du parabiote que nous savons faire, le tychoscope, et qui est le plus simple des systèmes vivants artificiels, au parabiote complexe qui sera un sujet PK artificiel, tout est à découvrir. Il faudra d'abord trouver, en réponse à la deuxième question posée plus haut, ce qui différencie les êtres humains des êtres vivants non humains (végétaux et animaux) et concrétiser cette différence dans un parabiote de deuxième niveau. Ensuite, et cette fois pour répondre à la troisième question, il faudra comprendre en quoi un sujet à poltergeists diffère d'un sujet "normal" : et à nouveau cette connaissance devra se traduire dans la mise au point d'un parabiote de niveau supérieur.

Sur ce dernier point il faut toutefois noter qu'on a dès à présent quelques notions assez précises, et admises par l'ensemble de la communauté parapsychologique, sur ce qui caractérise un sujet à poltergeists : c'est un certain type de dissociation psychologique entre, le plus souvent, un moi conscient relativement calme et maîtrisé, et un moi inconscient qui, tout à l'inverse, conserve par devers soi une très forte agressivité refoulée. Ceci nous permet d'apercevoir l'éventail inhabituel des compétences qui seront demandées au chercheur désireux de s'attaquer au programme de travail en question ici, surtout s'il est parti du point de vue exclusivement objectif de l'observateur de Sirius dont on a parlé plus haut. En effet, il ne pourra concevoir correctement le parabiote qu'il veut construire que s'il a au préalable perçu en profondeur la spécificité du comportement vivant à imiter ; s'agissant d'etre humain, cela suppose une bonne dose de finesse psychologique, et par conséquent de connaissance de soi, dont jusqu'ici la recherche scientifique n'a guère professé avoir besoin ; et en même temps notre chercheur devra conserver un contact étroit avec la technique puisque l'aboutissement de son travail est un dispositif matériel dont le fonctionnement sera testé.

Mais de surcroît, comment adapter une réalisation technique à l'expression de vécus psychologiques ? Ou inversement, comment orienter une analyse psychologique vers une réalisation technique destinée à en reproduire le sujet ? Dans notre culture qui considère le vécu psychologique comme objectivement nul, ces questions n'ont naturellement jamais été posées parce qu'elles n'ont pas à l'être, parce que les deux domaines du subjectif et de l'objectif n'ont par définition aucun point commun. Entre le langage de la technique et celui de la parapsychologie introspective, les seuls échanges sont quelques emprunts réciproques exclusivement allégoriques ou analogiques, quand par exemple le technicien suggère que tel appareil d'un maniement difficile n' "aime" pas tel utilisateur, ou quand le psychologue parle des "énergies" instinctives, des"blocages ", des "refoulements", etc. L'hypothèse d'après laquelle on suggère ici de travailler implique au contraire que les deux domaines peuvent et doivent se rencontrer, puisqu'on recherche en somme à fabriquer des objets qui manifestent une subjectivité, des machines désirantes au sens le plus strict. Il est clair que seule la première moitié de ce projet nous est familière : fabriquer des objets ; c'est par cet aspect qu'elle entraîne d'abord notre adhésion éventuelle. La seconde moitié est radicalement en dehors de nos conceptions ordinaires, et paraîtra entièrement utopique à beaucoup ; le pas à sauter est de taille et peut-être même n'est-il pas souhaitable, d'un point de vue stratégique pour cette recherche, d'en souligner trop l'énormité.

C'est là en tout cas le rôle de l'expérimentation à venir : rôle prospectif, rôle vérificateur, va-et-vient permanent entre le versant psychique , subjectif, "esprit", et le versant physique, objectif, "matière" du travail apparaît primordial, parce que la vallée (ou la crête ?) entre les deux versants est entièrement vierge. Ne sachant pas penser des relations jusqu'ici réputées impensables, seul le toucher de St Thomas pourra, le cas échéant, progressivement adapter notre réflexion aux réalités, et nous préparer à mettre en œuvre en connaissance de cause des forces naturelles jusqu'ici très largement négligées par la science.


 

BIBLIOGRAPHIE

 

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11.WHITE R. The influence of persons other than the experimenter on the subject's scores in

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12.WHITE R. The limits of experimenter influence on psi test resultats : can any be set ?

Journal ASPR 70, , 4, Oct 1976, 333-69.

NOTA : Les références N°5, 8, 9, 11, 12 ont fait l'objet de résumés en français dans PARAPSYCHOLOGIE numéros 4, 5 et 6.

 


 

DEBAT SUIVANT L'EXPOSE DE P.JANIN

Dr. LARCHER : Il me semble que vous avez été un peu injuste vis-à-vis de Rhine en disant que ses expériences étaient aujourd'hui dépassées. En effet, du point de vue épistémologique, pour reprendre vos paragraphes, ce sont en grande partie ses expériences qui ont poussé les statisticiens à affiner leur outil de recherche d'une manière beaucoup plus exigeante que ne l'avaient jamais provoqué des recherches d'un autre type. Et puis sur le plan pratique, Rhine a été un artisan de l'essor et du développement des générateurs de hasard, qui aujourd'hui nous permettent des expériences ultra-rapides et de plus en plus commodes sur de très grands nombre d'essais, et qui étaient inimaginables jadis. Je pense donc que Rhine n'est pas tout à fait étranger à la genèse du tychoscope.

P. JANIN : Si j'ai donné l'impression que je considère Rhine comme quantité négligeable, je me suis certainement bien mal exprimé. Je ne pense absolument pas que l'intervention de Rhine ait été nulle et non avenue en parapsychologie. D'ailleurs, comme vous l'avez souligné l'idée du tychoscope lui doit beaucoup : en fait, elle est sortie tout droit d'une réflexion sur des travaux du genre Rhine. Il n'est pas question pour moi de renier cette tradition ; je dis simplement que c'est une tradition. Et de même qu'aujourd'hui on ne fait plus de l'électricité comme du temps de Volta, aujourd'hui il ne faut plus faire de la parapsychologie comme du temps de Rhine.

Y. L IGNON : Je voudrais revenir sur ce point. Jusque vers 1955, ce que personnellement j'appelle la méthodologie selon Rhine a occupé une place privilégiée et je crois qu'il n'est plus question à l'heure actuelle de lui laisser cette place. Il y a d'autres choses à faire et il y a d'autres moyens d'investigation. Mais je ne voudrais pas non plus qu'on tombe dans l'excès inverse : je ne crois pas qu'il faille abandonner toute méthodologie statistique, y compris d'ailleurs avec le tychoscope.

P. JANIN : C'est justement pourquoi le tychoscope comporte la possibilité d'un branchement sur un magnétophone à cassette, grâce auquel on obtient un enregistrement, sous la forme de signaux codés, de la marche du tychoscope à chaque instant, les cassettes peuvent ensuite être dépouillées à l'ordinateur, qui donne des évaluations statistiques du comportement de l'appareil pendant le temps de l'expérience.

M. BEIGBEDER : Je voudrais faire deux remarques. La première concerne le contexte socio-culturel . Il est certain que, comme vous l'avez noté, certains contextes particuliers, notamment en Afrique noire, peuvent permettre des effets paranormaux beaucoup plus fréquents. Mais je ferai une distinction entre effet d'envoûtement et effet, disons, de transmission qui nécessite la présence d'un personnage spécial : en Europe, le sorcier. Le deuxième point, c'est la notion d'imprévisible qui, telle que vous l'avez présentée, me paraît extrêmement heureuse. Il y a cependant deux sortes d'imprévisible d'après les définitions qu'on en trouve. Monod par exemple, dans "Le hasard et la nécessité", mélangeait (car cela l'arrangeait) ces deux imprévisibles, alors qu'il savait très bien les distinguer. Il y a l'imprévisible fondamental , et l'imprévisible de probabilité. Ainsi celui-ci, s'il est impuissant au niveau de l'événement individuel, énumère cependant un certain nombre de possibilités au niveau global, par exemple dans le cas des dés ou de la roulette. C'est l'imprévisible relatif. L'imprévisible fondamental intervient quand vous n'avez aucun moyen de prévoir , même globalement. C'est le cas en histoire ou en rnicro-physique. L'intérêt de cela, comme Heisenberg le souligne, est qu'avec l'imprévisible vient le hasard, structure de hasard, mais aussi structure de liberté avec l'imprévisible fondamental. Si ces deux structures sont extrêmement proches l'une de l'autre par certains aspects, il n'est pas sans intérêt de les distinguer.

P. JANIN : Je vous remercie de ces remarques très intéressantes.

F. FAVRE : A propos des poltergeists, on ne peut pas lier complètement le poltergeist à la seule agressivité. Il y a en effet des gens agressifs qui ne produisent pas de poltergeist. On peut simplement suggérer, d'un point de vue théorique, que s'il y a poltergeist c'est précisément parce que cette agressivité ne peut pas s'exprimer, non seulement par la parole, mais également par le corps, même de façon cachée comme dans les troubles psychosomatiques. Donc le poltergeist est la seule expression possible de l'angoisse, du conflit, et c'est une expression extra-corporelle. A propos maintenant de la possibilité de construire un parabiote à poltergeist, le problème très général que tu poses est au fond : comment développer, par des procédures heuristiques, une robotique ? On touche du doigt, en fin de compte, tout le problème des applications de la parapsychologie, qui n'appartiennent plus à la parapsychologie.

P. JANIN : Je pense en effet que des possibilités encore plus vastes que celles que j'ai signalées ici sont ouvertes. En ce qui concerne les sujets à poltergeists, il me semble que tu as raison. J'en serai complètement persuadé quand j'aurai construit un modèle qui marche effectivement comme ça.

M. BEIGBEDER : A propos des pouvoirs paranormaux dans les sociétés primitives, je voudrais remarquer que les sorciers ou chamans se différencient du commun de la troupe parce ce qu'on appelle une initiation. C'est-à-dire qu'on leur fait subir un certain nombre d'épreuves très brutales dont le but est d'induire une modification psychologique profonde. Or je pense que cette modification psychologique, c'est un peu celle que semble proposer Pierre Janin d'une manière beaucoup plus douce en tentant d'apprivoiser le tychoscope et en essayant de se comporter d'une certaine manière vis-à-vis de lui.

X. : Vous ne pouvez dialoguer avec quelqu'un, d'une manière générale, que si vous vous modifiez vous-même d'une certaine manière.

P. JANIN : Oui, je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit.

X. : Il me semble que du point de vue pratique on a déjà les moyens d'utiliser les phénomènes psi pour transmettre des messages. Si l'on se donne une série de chiffres et qu'on demande à un groupe de personnes de les deviner, les réponses choisie le plus souvent sont celles qui ont les plus fortes chances d'être les bonnes.

P.JANIN : Faites-vous état d'expériences effectives, ou d'expériences envisagées ?

X. : Je crois que cela a déjà été fait. Prenons une seule personne, ou plutôt un "émetteur" et un "récepteur". Si le récepteur est très doué, vous allez pouvoir dire qu'il a plus de chances que la normale de réponse juste. Mais vous ne pouvez pas affirmer pour une réponse donnée qu'elle est juste, à moins de vérifier. Si vous mettez vingt récepteurs et vous prenez la réponse sortie quinze fois sur les vingt, vous pouvez pratiquement affirmer que c'est la bonne.

P. JANIN : On a fait des expériences dans ce sens, mais malheureusement cela ne marche pas si bien que çà.

X. : De la même façon qu'une transmission radio n'est pas toujours bonne.

P. JANIN : Non, pas de la même façon. D'une façon encore beaucoup plus aléatoire. L'effet majoritaire en parapsychologie a fait l'objet de beaucoup d'expérimentation et jusqu'à maintenant, à ma connaissance, il n'a pas été plus fiable qu'un effet simple avec une seule personne.

XX. Je pense que l'expérience a été faire en Tchécoslovaquie, et a été répétée à Stanford avec Puthoff et Targ, qui l'ont faite d'une façon un peu différente, avec un seul sujet mais en transmettant le message de nombreuses fois et ensuite en appliquant une technique de réduction du bruit absolument classique en électronique. Mais à vrai dire l'expérience est très longue.

P. JANIN : Vous avez probablement raison en ce qui concerne ces expériences particulières dont j'aimerais avoir les références. Mais cela ne ferait que deux essais réussis parmi beaucoup d'autres qui ont échoué.

X. : Autre point, lié directement à ce que vous avez dit. Vous avez mentionné l'imprévisibilité comme l'une des caractéristiques des sujets humains vus par votre observateur de Sirius. Et vous avez fait ensuite l'opposition entre animé et inanimé. Or un animal aussi est imprévisible vu de Sirius.

P. JANIN : C'est le vivant en général qui est imprévisible, pas seulement l'homme. A ce sujet on ne connaît pas d'animal à poltergeist. Cela peut venir d'une insuffisance des enquêtes, mais aussi du fait que les animaux ne sont pas suffisamment perturbés pour produire des poltergeist. La question reste ouverte à mon sens.

X. : Autrement dit ma question est : qu'est-ce qui différencie un être vivant à poltergeist d'un être non humain sans poltergeist ?

P. JANIN : Cela fait partie de la recherche à faire. A première vue j'aurais l'impression que la différence se trouve au niveau des potentialités de troubles psychologiques. Je ne peux pas aller plus loin actuellement.

Y. LIGNON : Je voudrais revenir sur deux points. D'abord, l'affaire des sujets à poltergeist me paraît extrêmement intéressante, jusqu'à être au cœur même de nos débats puisque se posent là des problèmes de conceptualisation. Nous constatons effectivement que plus un homme est agressif, ou plus un préadolescent est mal dans sa peau plus il a de chances de produire un poltergeist. Mais je crois que pour certains d'entre nous il y a là une relation causale, alors qu'en fait sur le plan expérimental on n'en sait rien. Je voulais bien insister sur ce point qui me parait très important.

Ensuite, à propos de l'effet majoritaire, notre ami G. Clauzure a fait il y a sept ou huit ans une très belle expérience dans des conditions artisanales, mais parfaites à mon avis du point de vue de la rigueur, avec deux sujets à PK travaillant sur des dés. Il a obtenu des résultats en permanence négatifs. D'autre part nous, à Toulouse, n'avons jamais eu d'effet avec le dé électronique dans des essais collectifs. Même dans le cas d'un milieu très favorable, comme une conférence où le public est tout acquis d'avance à une psychocinèse, cela n'a jamais marché. Même chose en matière de perception extra-sensorielle. Je dispose d'à peu près 3000 résultats d'où il ressort que les performances collectives sont en moyenne significativement inférieures aux performances individuelles.

X. : Il existe des drogues qui développent l'agressivité. Elles ont été mises au point par l'armée américaine pour essayer de développer l'agressivité chez les marines. A-t-on fait des expériences sur ces drogués-là pour voir si des effets de poltergeist avaient lieu autour d'eux.

P. JANIN : Je n'en sais rien. Quelqu'un a-t-il des informations sur ce point ?

Y. LIGNON : Cette idée d'agressivité en tant que facteur causal dans le poltergeist semble bien acquise, tout au moins aux yeux d'un certain public : voir les films : L'exorciste, Carrie, etc. , qui font apparaître le PK comme une conséquence de l'agressivité. Or, j'insiste là--dessus, nous n'en avons pas la démonstration, meme si dans la pratique c'est comme cela que ça apparaît.

F. FAVRE : Il ne peut y avoir de relation d'ordre causal entre des données de type psychique et des événements de type physique. Il y a seulement des relations de signification et c'est pourquoi je suis tout à fait d'accord avec Lignon.

P. JANIN : qu'une relation soit significative, cela veut dire qu'elle entraîne des effets symboliques, pas seulement matériels. Par exemple, un poltergeist dévissera toujours des bouteilles à capsule vissée pour les vider à terre. Un autre poltergeist enregistrera des communications téléphoniques inexistantes au central de la poste. Un troisième cassera des assiettes, et ainsi de suite. Alors que chacun pourrait faire toutes ces choses, ils se spécialisent, parce qu'ils s'expriment symboliquement. Il ne s'agit vraiment pas d'un lien de cause à effet au sens classique.

XX. : Que dire des phénomènes de poltergeist qui se produisent lors de la mort de quelqu'un ? Qui est agressif à ce moment-là ? Les phénomènes produits sont complètement dépourvus de sens. On ne peut pas dire qu'ils soient symboliques de quoi que ce soit.

P. JANIN : Quand une horloge s'arrête à la mort de quelqu'un, je trouve cela très symbolique.

XX. : C'est trop facile de donner une signification à toutes choses. En réalité, il n'y a aucune preuve statistique de corrélation symbolique ou de signification affective. Les phénomènes en question sont caractérisés par leur absurdité.

F. FAVRE : Je ne suis absolument pas d'accord. Si l'on regarde l'ensemble des cas de psychocinèse en relation avec une agonie, l'immense majorité des cas au contraire a une relation évidente avec la mort. C'est l'arrêt d'une montre, c'est le cadre où se trouve la photo de la personne en train de mourir à 1000 kilomètres de là qui se brise sans raison, etc. On ne peut pas, à partir d'un petit nombre de cas où on n'a pas cette relation symbolique, induire que l'ensemble des autres cas relève de l'absurde, de l'aléatoire.

P. JANIN : Au sujet de l'agressivité comme facteur déclenchant d'un poltergeist , j'ai peut être trop simplifié mon propos pour le rendre compréhensible dans la majorité des cas. Je crois deviner justement que le Dr. Larcher pense que les manifestations physiques paranormales sont loin d'être toutes liées à une agressivité rentrée. Il y a bien d'autres choses qui sont rentrées sans pour autant être de l'agressivité : un sentiment religieux inexprimé par exemple.

M. BEIGBEDER : Vous avez invoqué d'une part la notion d'agressivité, et d'autre part la notion de trouble psychique. L'agressivité me fait problème, car beaucoup de psychologues nient la notion même d'agressivité. La notion d'instinct d'agressivité, de pulsion agressive, est très controversée. Celle de trouble psychique me semble par contre heureuse. Eliade l'a beaucoup étudiée, en particulier chez les chamans. Ceux-ci étaient sélectionnés très tôt par leur disposition à des troubles psychiques, qui étaient ensuite cultivés. Par ailleurs, à propos de la transmission, télépathie ou autre, qui serait analogue à une transmission radio : ce problème n'a-t-il pas été clairement cerné par les expériences de Vassiliev avec des cages de Faraday qui excluaient toutes les ondes ordinaires.

P. JANIN : Oui, dans certains essais d'hypnose à distance de Vassiliev, l'hypnotiseur et l'hypnotisé étaient placés chacun dans une cage de Faraday et l'expérience réussissait quand même. A l'heure actuelle, dans une bonne partie des essais faits aux USA en situation de "GANZFELD" (avec des perceptions visuelles et auditives uniformisées), des sujets, agents et percipients, sont systématiquement placés dans des cages de Faraday (les compte-rendus d'expérience ne le mentionnent qu'en demi-ligne tant la chose est habituelle) et certaines de ces expériences réussissent.

 

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