PROPOSITION D’UNE EXPERIENCE DE RETROPSYCHOCINESE ET DE TELEGRAPHIE SUPRALUMINEUSE

par O. Costa de Beauregard

Revue de Parapsychologie n°12/13, 1981

   Les travaux de J.B. RHINE, systématisant une suggestion de Ch. RICHET, et basés sur des analyses statistiques reconnues impeccables [1] , ont inauguré l’ère de la parapsychologie proprement scientifique. Dans leur combat d’arrière-garde, les détracteurs systématiques en sont réduits à refuser d’examiner les faits – exactement comme les opposants de Galilée refusaient de mettre l’œil à sa lutte – ou à proférer l’insulte grossière d’incompétence ou, pire, de mauvaise foi – ce qui n’est pas sans rappeler aussi l’affaire Galilée.

   Bryan JOSEPHSON, prix Nobel de physique, dans sa préface à un ouvrage collectif consacré aux connexion possibles entre physique et parapsychologie [2] où chaque mot est soigneusement pesé, a écrit ceci : « les phénomènes psychiques semblent violer quelques-uns de nos présupposés concernant l’espace, le temps et la causalité. Mais… la mécanique quantique le fait aussi. Il n’est pas exagéré de dire que si (ces) phénomènes… n’avaient pas été trouvés expérimentalement, ils auraient pu être prédits par un théoricien imaginatif. Je reviendrai sur ce point en terminant.

   Indépendamment de la mécanique quantique, on peut d’abord remarquer que le phénomène, à première vue si paradoxal, de la rétropsychocinèse, étudié expérimentalement par P. JANIN [3] et par H. SCHMIDT [4] , semble bien être impliqué par celui de la psychocinèse. Si, en effet, un « agent psi » influence un résultat observé tel que, par exemple, la chute d’une pierre sur pile ou face, c’est qu’il a déjà influencé, en amont, le mécanisme du phénomène. A mon avis, c’est cela qui est impliqué dans le « modèle non-local de la conscience » de MATTUCK et WALKER.

  Je voudrais maintenant proposer le principe d’une expérience parapsychologique fort simple en ce sens qu’elle utiliserait la technique devenue « routinière » du générateur aléatoire (basé par exemple sur l’électronique) et qui présenterait deux variantes, l’une et l’autre hautement significatives quant à la télégraphie spatio-temporelle de l’information – de l’information-acquisition-de-connaissance à la réception du message, ou lors d’une observation, et de l’information-pouvoir-d’organisation à l’émission d’un message, ou lors d’une « préparation d’expérience ».

   La plus simple réalisation du dispositif que je propose serait la suivante : un générateur aléatoire C produit avec des probabilités égales par unité de temps (en l’absence d’agent psi) les deux symboles d’un code binaire, et les émet sur deux lignes CL et CN, aux bouts desquelles elles sont enregistrées, par exemple sur des rubans magnétiques fournissant également les échelles du temps.

   L’expérience consiste en ce qu’un agent psi est placé en L où il influence la lecture par psychocinèse, produisant ainsi un signal structuré (doté d’une « néguentropie » N). D’après le principe, plus haut mentionné, de la rétropsychocinèse (ou d’après le principe équivalent de la « conscience-non-locale » de MATTUCK et WALKER) cela implique que le fonctionnement antérieur du générateur aléatoire C a été perturbé, en sorte que le signal émis sur la ligne CN et reçu en N est perturbé de la même façon. Au total, un « télégramme » est transmis de L en N via C, et ce, tout à fait fidèlement si le fonctionnement interne du dispositif n’est pas altéré par l’agent psi – ce qui est testable (un point éventuellement fort intéressant).

   Deux spécifications non triviales du dispositif sont à considérer :

1)    Télégraphie dans le passé. Dans l’espace-temps le vecteur LN sera rendu du genre temps avec L postérieur à N (explicitement, l’intervalle temporel sera plus grand que l’intervalle spatial divisé par c, vitesse de la lumière). Cela se fera fort aisément par l’insertion d’un « retard » sur la voie CL.

   L’intérêt d’un tel dispositif est de permettre une vérification directe du processus de la rétropsychocinèse étudié par JANIN et par SCHMIDT.

2)    Télégraphie dans l’ailleurs relativiste ou télégraphie supralumineuse. Le vecteur d’espace-temps LN sera du genre espace si (par exemple) les lignes CL et CN sont identiques et déployées en sens opposés, la distance LN étant éventuellement grande.

   Ces deux expériences entrent dans la routine de celles déjà effectuées avec des générateurs aléatoires, mais leur enjeu, pour l’intelligence de la philosophie naturelle, est considérable. C’est pourquoi je souhaiterais très vivement qu’elles soient exécutées, l’une et l’autre, et – pourquoi pas – que le compte-rendu en soit soumis à un journal de physique.

   Deux remarques additionnelles seront apportées :

   La première est que l’agent psi placé en L ne peut pas être remplacé par un « gadget » parce que, même si le « gadget » favorise l’une des deux réponses, il n’empêche pas l’émission de l’autre. En d’autres termes : il respecte le « second principe » ou « principe de causalité macroscopique ».

   La seconde remarque est que si, comme il y a tout lieu de penser, toute statistique physique est finalement sous-tendue par la statistique quantique, dont les traits spécifiques seraient révélés par une résolution assez poussée du dispositif, alors la « corrélation LN » dont nous parlons est une « corrélation d’Einstein-Podolsky-Rosen », présentement fort discutée. Il ressort du formalisme mathématique, que, dans une « corrélation EPR », ce n’est décidément pas en C, « lorsqu’agités dans le cornet », mais bien en L et en N « lorsqu’ils finissent de rouler sur la table », que les dés corrélés sont jetés. C’est ce qu’on appelle le « paradoxe EPR », qui ne sera pas discuté ici [5] .

   Il apparaît que des expériences de télégraphie dans le passé ou dans l’ailleurs basées explicitement sur la corrélation EPR seraient difficiles parce qu’elles multiplieraient la difficulté d’une expérience psi par celle d’une expérience EPR. Les expériences, beaucoup plus simples, ici proposées, devraient permettre d’obtenir beaucoup plus rapidement les réponses escomptées, et ces réponses seraient tout aussi saisissantes et importantes que celles d’expériences EPR – que d’ailleurs elles impliqueraient.

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[1] Cf. par exemple J.B. Rhine, Parapsychology and Psychology : the shifting relationship today, Journal of Parapsychology 40, 2, juin 1976, pp.124-125.

[2] The Iceland Papers. A. Puharich ed. Essentia Research Associates, Amherst, Wisconsin (USA), 1979. (Actes du Congrès de Reykyavik).

[3] P. Janin, Psychocinèse dans le passé ? Une expérience exploratoire, Parapsychologie n°2, avril 1976, 33-49.

[4] H. Schmidt, Proceed. Intern. Conf. Cybernetics and Society, IEEE, 1979, p.535.

[5] Voir à ce sujet, O. Costa de Beauregard, réf. 2, p.161-191.