PSYCHOCINESE DANS LE PASSE ?

UNE EXPÉRIENCE EXPLORATOIRE

 

 

par Pierre Janin,

Revue de Parapsychologie n°2, 1976

 

1. INTRODUCTION: COMMENT PENSER UNE INFLUENCE RÉTROACTIVE ?

2. PROBLEMES DE MÉTHODE : INTERDIRE LES EFFETS NON RÉTROACTIFS

3. DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL

4. ANALYSE DES DONNÉES

5. RÉSULTATS

6. DISCUSSION ET PERSPECTIVES

7. UNE PROPOSITION CONCRETE

 

 

1. INTRODUCTION: COMMENT PENSER UNE INFLUENCE RÉTROACTIVE ?

 

Dans une expérience réussie de psychocinèse, un souhait subjectif - entièrement subjectif, comme tous les souhaits, serait-on tenté de dire - parvient à modifier dans son sens les lois du hasard ; par exemple, on souhaite obtenir plus de " pile " que de "face" dans une série de lancers de pièce, et effectivement on observe, dans l'addition finale, un excès statistiquement significatif des " pile " sur les " face ". Tout s'est donc passé en pratique comme si le contenu du souhait avait eu une emprise tout à fait concrète sur la réalité matérielle extérieure ; comme si, en somme, ce souhait avait été la cause concrète d'un phénomène objectif. Force est donc d'admettre que, tout subjectif qu'il soit, un souhait peut dans certaines conditions avoir par lui-même autant de réalité directement efficace qu'une quelconque et traditionnelle cause physico-chimique : dans le cas présent, une légère déformation de la pièce de monnaie, ou une adresse manuelle particulière chez celui qui l'a lancée, auraient pu être la ou les causes physiques de l'excès des " pile " sur les " face " ; mais il s'agit évidemment ici d'une expérience parapsychologique bien conduite, dans laquelle ces possibilités ont été éliminées grâce à divers dispositifs et contrôles préalables, concomitants ou postérieurs à l'essai, et c'est pourquoi c'est bien au caractère efficace, réel, du seul souhait formulé par le sujet que nous sommes amenés à conclure.

Nous avons montré ailleurs (1) comment, lorsqu'on tire toutes les conséquences de cette façon de voir, on parvient à une vision absolument générale de l'ensemble des phénomènes parapsychologiques qui ouvre à la recherche diverses perspectives expérimentales nouvelles. Le présent travail est une tentative exploratoire dans la direction de la première de ces perspectives : la psychocinèse dans le passé. C'est aussi, d'une certaine manière, la plus directement accessible, dans la mesure où la vérification expérimentale nécessaire s'inscrit parfaitement dans la tradition classique des essais systématiques de psychocinèse ordinaire (dans le présent). En revanche, comme on le devine, l'enjeu théorique et peut-être aussi pratique d'une éventuelle réussite est impressionnant, voire inquiétant, et là n'est peut-être pas la moindre des raisons pour lesquelles cette porte entr'ouverte depuis longtemps n'a pourtant été franchie, à notre connaissance, par aucun parapsychologue sauf, tout récemment et en solitaire, par Helmut Schmidt (1).

Nous sommes parvenus à envisager la psychocinèse dans le passé (ou psychocinèse rétroactive) en faisant le raisonnement suivant : si tout souhait formulé par un sujet a un caractère réel et peut donc en principe s'insérer directement comme cause efficace dans la trame des processus objectifs, alors dans l'exacte mesure où ce sujet peut souhaiter - au niveau purement mental ou intellectuel en somme - modifier un processus déjà accompli, nous devons nous attendre à ce qu'il y parvienne effectivement.

Or dans quelles conditions peut-on raisonnablement souhaiter influencer un processus appartenant au passé ? Comme pour la psychocinèse ordinaire - dans le présent - on prendra naturellement pour cible, du moins dans un premier temps, la classique série d'événements aléatoires provenant du lancer des dés, du jeu de pile ou face, ou de toute succession comparable de résultats comportant une part de hasard. Schématiquement l'expérience se déroulera donc comme ceci : une série aléatoire - par exemple, de " pile " et " face " - est produite et enregistrée aujourd'hui, et c'est demain seulement, ou dans un mois, ou dans dix ans, qu'un sujet surviendra pour souhaiter rétroactivement influencer cette série dans un sens déterminé : par exemple, dans le sens d'un excès de " pile ". On voit tout de suite que cette idée d'une influence rétroactive se heurte à une difficulté d'un tout autre ordre que celle qui tient à la nature de la cible : si les résultats d'une série aléatoire (et, plus généralement, toute autre réalité concrètement existante) " sont déjà là " depuis un temps plus ou moins long, comment peut-on même seulement envisager de les modifier ? C'est-à-dire en pratique : est-il vraiment possible à un cerveau humain de souhaiter sérieusement agir sur un fait accompli ?

On diminuera certainement l'acuité du problème si l'on prend les précautions nécessaires pour que ce fait accompli n'ait eu ni témoins ni conséquences, de sorte que le souhait a posteriori visant à l'influencer ne suscite aucun de ces vertigineux paradoxes que la moindre ébauche de voyage dans le temps entraîne dans son sillage : chez les témoins, la mémoire d'événements peut-être " inexistants " si le voyageur temporel est allé les supprimer ; et au niveau des faits, des maillons peutêtre manquants dans l'enchaînement causal, autrement dit des effets peut-être sans cause. Dans notre expérience donc, pas de témoins et pas de conséquences : le sujet qui demain, dans un mois ou dans dix ans souhaitera trouver un excès de " pile " dans la série aléatoire de " pile " et " face " enregistrée aujourd'hui, sera donc en fait le premier et jusque-là le seul corrélat extérieur de cette série aléatoire : rien ni personne ne pourra contredire son souhait sur une base concrète puisque l'enregistrement aura gardé son secret jusque-là.

Reste cependant la difficulté principale : connu ou non, avec ou sans conséquences, notre enregistrement possède une matérialité objective qui semble rendre absolument caduc tout souhait ultérieur le prenant pour cible. Supposons par exemple qu'il s'agisse d'un enregistrement graphique voit-on la forme du trait se modifier sur le papier un jour, un mois, dix ans après qu'il ait été tracé ? Vraisemblablement pas dans l'état actuel de la parapsychologie, même en recourant aux médiums à puissants effets physiques ; mais surtout, et c'est là l'essentiel, certainement pas s'il s'agit vraiment de psychocinèse dans le passé, car l'éventualité évoquée ici, on l'aura remarqué, c'est que l'enregistrement se modifie au moment du souhait c'est-à-dire par un effet psychocinétique ordinaire, dans le présent. L'idée de psychocinèse dans le passé implique au contraire que l'effet du souhait ait déjà eu lieu, qu'il se soit manifesté au moment même du processus aléatoire et que l'enregistrement en contienne donc la trace dès le départ ; en somme, que l'effet se soit produit avant sa cause.

Cette façon de voir économise l'idée d'une modification matérielle a posteriori, et dans le contexte expérimental que nous avons choisi elle n'entraîne aucune conséquence concrètement paradoxale ; le seul paradoxe qui reste - malgré tout de taille - est d'ordre logique ou si l'on veut, d'ordre " scientifique " : peut-on penser sérieusement un effet antérieur à sa cause, peut-on surtout se vouloir soi-même la cause d'un tel effet déjà produit ? Toute la tradition scientifique qui nous porte le niera catégoriquement : cela n'obligerait-il pas en effet â réhabiliter la finalité comme principe éventuellement actif dans le cosmos, puisque ce que nous suggérons, c'est bien qu'un événement survenant aujourd'hui puisse avoir sa cause... dans le futur ? Cependant, bien des résultats acquis dès maintenant en parapsychologie : perception extra-sensorielle, psychocinèse ordinaire, prémonition, mettent déjà sérieusement à mal le rationnalisme scientifique traditionnel, et en particulier justement la notion de causalité. Ce n'est peut-être pas un pas si grand qu'il y paraît que de pousser la contestation jusqu'à prononcer le mot de finalité. Reste la chose, sur laquelle seules des expériences nombreuses et convergentes pourront permettre de trancher ; sous ce dernier rapport, le présent travail ne représente évidemment qu'une exploration préliminaire.

2. PROBLEMES DE MÉTHODE : INTERDIRE LES EFFETS NON RETROACTlFS.

Au niveau modeste où nous nous plaçons, nous estimerons qu'un élément positif aura été apporté en faveur de la psychocinése dans le passé si nous observons un lien statistiquement significatif entre les résultats d'une série d'événements aléatoires (H) enregistrés à un certain moment, et les souliaits (S) conçus par un sujet à un moment ultérieur, selon le schéma suivant :

S'agissant d'effets psi donc de processus aux cheminements en grande partie inconscients, il nous faut évidemment envisager l'éventualité - pour la supprimer si possible - qu'à l'insu de l'expérimentateur et du sujet, un lien significatif parvienne à s'établir entre S et les résultats de H par d'autres voies que celle que nous cherchons à mettre en évidence. Les hypothèses correspondantes sont les suivantes (les flèches indiquent le sens cause -> effet)

1 . Commençons par la première de ces 4 hypothèses : le lien significatif éventuellement constaté entre H et S peut être dû non pas à la psychocinèse dans le passé, mais à une combinaison inconsciente de prémonition (de ce que sera S) et de psychocinèse directe (sur H). On s'aperçoit cependant qu'il n'existe aucun moyen pratique d'éliminer cette hypothèse dans aucune des situations où celle de la psychocinèse rétroactive pourrait s'appliquer, puisque dans les deux cas le lien causal s'établit dans le sens S->H ; comment il s'établit est en somme une question de modalité pratique : depuis le futur directement, ou bien en utilisant un relais inconscient (hypothèse invérifiable mais qu'on ne peut exclure), le trajet du futur au passé se faisant alors en mode non plus actif mais perceptif (prémonition). Quoi qu'il en soit le résultat est le même : c'est l'antériorité de l'effet (les résultats de H) sur la cause (S), autrement dit l'existence d'un effet final, dont la démonstration est précisément l'enjeu central de notre recherche. Par conséquent, nous n'avons pas à nous préoccuper d'éliminer l'hypothèse examinée ici, même si nous devons convenir que le terme " psychocinèse dans le passé " est éventuellement trop restrictif. Notons toutefois que c'est bien au moment même (du souhait S que le sujet a l'impression d'agir si tant est qu'il l'ait jamais, et non pas (lui ou quelqu'un d'autre, d'ailleurs) au moment antérieur où la série aléatoire H est en cours. En ce qui concerne notre expérience, l'idée de psychocinèse dans le passé est donc meilleure que l'autre interprétation au niveau simplement descriptif, et c'est pourquoi nous l'avons conservée.

2. Passons maintenant à la 2e interprétation susceptible de remplacer celle par la psychocinèse dans le passé : s'il y a un lien entre H et S, c'est peut-être tout simplement parce que le sujet connaît par clairvoyance inconsciente le résultat déjà obtenu, et enregistré, de H, et adapte donc son souhait S en conséquence - tout en croyant de bonne foi se décider librement. Deux possibilités se présentent :

a) s'il n'y a qu'une seule série H et qu'un seul souhait S, il n'y a pas de raison - toute psychocinèse étant exclue - pour que les résultats de cette série-là soient significativement modifiés par rapport à l'attente statistique moyenne : s'ils le sont cependant, la clairvoyance seule est incapable d'en rendre compte puisqu'elle est un processus passif, et on peut donc l'exclure ; on est alors renvoyé à l'une des autres interprétations offertes.

b) s'il y a plusieurs séries H et plusieurs souhaits alternants S (c'est le cas dans notre expérience) : par exemple, pour des séries de " pile " et " face ", S est un souhait tantôt pour un excès de " pile ", tantôt pour un excès de " face " : on peut alors concevoir que le sujet perçoive inconsciemment, lors de chaque série H, dans quel sens les résultats penchent même très légèrement par rapport à l'attente statistique moyenne, et qu'il formule chaque souhait S dans le sens correspondant :

au bout d'un certain nombre de séries, il est alors possible (et même sans doute inévitable) que l'accumulation de petites déviations isolément non significatives, mais chaque fois cohérentes avec S, aboutisse à une déviation globale dans le sens des S très significative. A ce moment évidemment l'apparente " influence " de S sur H serait un pur artefact, produit en fait exclusivement par l'influence inverse, celle des résultats de H sur S.

Pour exclure cette éventualité, il faut enlever au sujet la possibilité d'être inconsciemment déterminé par les résultats de H, en subordonnant la nature des souhaits S à des circonstances extérieures indépendantes de H, que nous nommerons Y : ces circonstances Y sont en somme des " barrières " interposées en travers d'une éventuelle influence allant de H vers S, de façon à ce que seul l'enchaînement inverse, celui de S vers H, rétroactif, puisse se produire le cas échéant.

3. Examinons maintenant les deux dernières hypothèses : elles supposent l'une et l'autre qu'une influence psychocinétique directe (dans le présent, au moment où H est en cours) a agi sur H, et que la même influence, simultanément ou par la suite, a orienté S dans un sens conforme à la modification de H. Pour exclure ces interprétations, qui comme la précédente rendent inutile le recours à une influence rétroactive, il faut ici encore protéger l'indépendance de S par rapport à H et à tout ce qui peut se passer au moment de H, c'est-à-dire ici encore interposer une " barrière " Y entre H et S.

Cette barrière Y doit, pour être efficace, être aussi rigide que possible par rapport à toute action inconsciente qui tendrait à la lier à H ; en pratique, cette condition sera satisfaite s'il s'agit du résultat Y imprévisible et postérieur à H - pour que H ne puisse pas lui être subordonné (sinon à la suite d'une prémonition, ce que nous n'avons pas à exclure dans une expérience de finalité : cf. cidessus, hypothèse n° 1) - d'une série causale d'événements matériels - pour qu'aucune psychocinèse directe (dans le présent) de force ordinaire ne puisse éventuellement intervenir - ayant débuté sur des données X antérieures à H - de façon que si ces données comportent une indétermination, celle-ci ne puisse pas être éventuellement résolue en fonction des résultats de H (sauf, ici encore, à la suite d'une prémonition).

Figure 1. Schéma expérimental pour mettre en évidence la psychocinèse dans le passé, et hypothèses alternatives.

Que choisir en pratique comme série causale aboutissant à une " barrière " Y correcte ? Les températures relevées quotidiennement dans une station météorologique donnée paraissent remplir les conditions énumérées ci-dessus : au niveau du détail en tout cas elles sont imprévisibles, il en existe toujours qui soient postérieures à une série aléatoire H donnée, et le point de départ X de l'enchaînement causal qui les produit est infiniment reculé dans le temps. On remarque d'ailleurs que les auteurs de nombre d'expériences de prémonition (2) s'en sont servis dans un but analogue au nôtre : faire écran à une éventuelle influence psychocinétique inconsciente.

On peut toutefois objecter qu'il existe de par le monde des hommes qui prétendent ou dont on prétend autour d'eux qu'ils savent faire pleuvoir, et qu'on ne peut donc totalement exclure une influence psychocinétique sur la météorologie et partant sur les températures : il serait donc concevable qu'en fonction des résultats de H, connus par clairvoyance inconsciente, un sujet parvienne à infléchir, dans le sens voulu la température Y relevée le lendemain, rendant ainsi caduque notre soi-disant " barrière " Y. C'est l'éventualité figurée sur notre schéma (figure 1) par les lignes pointillées qui joignent H à Y en passant par le sujet.

Tournons-nous alors vers des séries causales définies une fois pour toutes, reproductibles à volonté, et absolument insensibles par conséquent à toute action psychocinétique : par exemple, le calcul de la racine carrée de P /719,43, la donnée Y cherchée étant par exemple le 27e chiffre du résultat. On peut parfaitement concevoir qu'un tel calcul (ou un plus compliqué si c'est nécessaire) n'a jamais été fait par personne, donc que la valeur Y n'est accessible que par prémonition seulement (ce que, encore une fois, nous n'avons pas à exclure) ; fait à la main ou à la machine, il peut très bien commencer avant H mais ne se terminer qu'après, remplissant ainsi toutes les conditions voulues. Ce type de " barrière " a été largement employé dans les expériences de prémonition, et les auteurs concernés semblent l'avoir considéré, en raison justement de la rigueur absolue des enchaînements aboutissant à Y, plus digne de confiance que les barrières " météorologiques ". Mais ceci n'est pas certain : on peut faire valoir, nous semble-t-il, que tout processus mathématique une fois clairement défini - c'est-à-dire, ses données X une fois posées - peut éventuellement faire l'objet d'un calcul inconscient infiniment plus rapide que le procédé concret effectivement employé, ainsi qu'en témoigne l'existence de calculateurs prodiges. Il n'est donc pas interdit d'imaginer que Y - par exemple, le 27e chiffre de la racine carrée de P /719,43 - soit inconsciemment connu avant H et puisse donc être inconsciemment utilisé pour influencer H. Sur notre schéma, c'est l'éventualité représentée par les lignes pointillées joignant l'origine X de la série causale à H en passant par le sujet. (Reconnaissons d'ailleurs que la même éventualité vaut peut-être aussi pour les séries causales du type météorologique : en dépit de leur nombre très élevé, les variables en cause peuvent être inconsciemment perçues dans l'un de leurs état X' antérieur à H, et donner ainsi matière à un " calcul " inconscient de la future température Y, celle-ci servant à son tour, avant d'exister " en réalité", à influencer H).

En somme, si la série causale X ->Y est multiple et mal connue (températures par exemple), elle est peut-être influençable dans sa partie postérieure à H d'après les résultats de H ; si au contraire elle est rigidement définie (calcul mathématique), elle-même ne peut être modifiée mais son résultat Y, élaboré inconsciemment à grande vitesse avant le début de H, peut servir à influencer H. Autrement dit, on ne peut jamais être certain qu'une série aléatoire H et une série causale X ->Y qui enjambe H dans le temps sont absolument indépendantes au niveau des effets psi dans le présent :

clairvoyance et psychocinèse ordinaire, et par conséquent la subordination des souhaits S â une " barrière " Y ne permet jamais d'affirmer avec une certitude totale, en cas de lien significatif entre H et S, que ce lien est de nature finale comme nous souhaitons le démontrer - c'est-à-dire qu'il implique obligatoirement un trajet à rebours dans le temps.

Faut-il donc renoncer à expérimenter sur la finalité ? Ce serait sans doute faire un peu trop vite et trop exclusivement le jeu d'une critique certes logique, mais dont les hypothèses explicatives, admettons-le, ne sont ni très simples ni très vraisemblables : n'impliquent-elles pas en effet que tout sujet qui réussirait notre expérience devrait être ou bien un faiseur de pluie qui s'ignore, ou bien un calculateur prodige latent ? Sauf à celui qui tient la psychocinèse dans le passé (et la finalité qu'elle entraîne) pour une impossibilité a priori, il apparaîtra donc raisonnable, à notre avis, d'estimer en cas de succès de l'expérience que l'usage d'une " barrière " Y quelle que soit sa nature rend l'interprétation en termes de finalité au moins aussi vraisemblable que celles qui excluent la finalité, en tout cas nettement plus simple, plus élégante, et plus cohérente avec le déroulement visible des événements.

Il n'est donc certainement pas inutile, en définitive, d'employer une " barrière " Y. Laquelle choisir ? Variables météorologiques et résultats de calculs mathématiques complexes sont, on l'a vu, les uns et les autres sujets à critique : le plus simple est alors le mieux. Pour l'expérience décrite ici, nous avons utilisé les températures relevées en France et publiées chaque jour par un quotidien donné.

D'autre part, le lecteur se rappellera que nous concevons la psychocinèse dans le passé comme une éventuelle manifestation parmi d'autres d'un principe extrêmement général, à savoir que tout souhait conçu par un sujet est en soi une donnée réelle donc potentiellement efficace " en direct " au niveau des réalités concrètes. S'il en est bien ainsi, dans l'exacte mesure où un sujet trouve que souhaiter " dans le passé " est aussi simple que souhaiter " dans le présent ", il devra réussir de façon comparable dans l'une et l'autre tâche. Nous avons donc, dans notre expérience, fait porter chaque souhait S sur deux séries aléatoires : l'une antérieure à S, l'autre contemporaine de S, en raisonnant que si les résultats obtenus " dans le présent " et " dans le passé " n'étaient pas sensiblement différents, nous disposerions alors d'un argument supplémentaire en faveur de notre façon de voir - et donc en faveur de la psychocinèse dans le passé comme interprétation la plus vraisemblable d'un succès " dans le passé".

3. DISPOSITIF EXPERIMENTAL

Compte tenu des considérations qui précèdent, nous avons organisé l'expérience selon le schéma général suivant (figure 2) :

1) Les séries aléatoires H et h ont été produites :

a) soit par un générateur de Helmut Schmidt (Binary Random Number Generator) ; c'est un appareil qui, en somme, traduit au niveau macroscopique de ses deux sorties " droite " et " gauche " le caractère aléatoire des désintégrations atomiques qui surviennent dans une petite pastille de substance radioactive. Avec ce générateur, les séries étaient de 64 essais chacune (64 signaux " droite " ou " gauche "), à raison d'environ 2 essais par seconde : une série durait de 30 à 35 secondes;

b) soit par un appareil mécanique construit par nous-même et dans lequel des billes d'acier empruntent au hasard, en tombant, la voie droite ou la voie gauche d'un système répartisseur symétrique. Les séries produites par cet appareil étaient de 100 signaux " droite " ou " gauche " à la vitesse d'environ 1 signal par seconde : chaque série durait en moyenne 1'40".

Dans les deux cas, en vue de la présentation des séries aux sujets sous forme sonore, les signaux " droite " et " gauche " étaient transformés respectivement en sons graves et sons aigus (obtenus mécaniquement au moyen de fines aiguilles vibrantes) : une série aléatoire - H ou h - consistait donc en une succession aléatoire de sons aigus et de sons graves : 64 sons pour le générateur de Schmidt, 100 pour l'appareil à billes.

2) Sessions :

en pratique, l'expérience s'est déroulée en 3 parties, chacune en un lieu différent et avec un protocole légèrement modifié. Les sujets se sont prêtés à des sessions durant en tout à peu près 30 minutes chacune et comportant chacune 3 à 6 souhaits successifs ; chaque souhait portait sur une à 3 séries " passées " H - donc aussi sur 1 à 3 séries " présentes " h. S'agissant d'une expérience exploratoire, les sujets ne furent pas sélectionnés au préalable, ni leur assiduité garantie à l'avance : certains ne vinrent qu'à une seule session, d'autres assistèrent à 6 sessions. Sous ces divers rapports, la 3e partie de l'expérience fut cependant totalement régulière, comme l'indique le tableau suivant :

Une dizaine de sessions (sur 63 en tout) ont été convenues au dernier moment, en tout cas suffisamment tard pour que les valeurs Y destinées à être utilisées pendant ces sessions puissent déjà être inconsciemment puisées dans les relevés écrits des stations météorologiques concernées. On peut alors se demander si ces programmations tardives n'ont pas pu servir à accroître artificiellement le degré de correspondance entre la succession des S (déterminés d'après les Y) et la succession des résultats des H, au moyen d'un réarrangement judicieux (quoique inconscient de la première . )

Cette éventualité - qui aurait pour effet de gonfler artificiellement le succès de l'expérience - paraît toutefois bien improbable car seules des coincidences locales pourraient être obtenues de cette façon, et encore, à condition que les 3 à 6 souhaits supplémentaires de chaque session rajoutée s'y prêtent tous ensemble (Il est cependant évident que ces situations peu claires devront être éliminées dans d'éventuelles reprises de la présente expérience).

3) Les souhaits S :

ils étaient déterminés d'après les valeurs Y, prises dans l'ordre, des températures publiées dans la rubrique " Météorologie " du journal " Le Figaro " publié le jour de la ou des sessions concernées. Ces températures étant en fait celles relevées la veille, la réserve des séries H (cf. figure 2) devait donc avoir été constituée au plus tard l'avant-veille de l'essai. Cette condition fut toujours satisfaite sauf lors des deux premières sessions de la première partie. (Les résultats de ces deux sessions ayant été non significatifs, nous avons pu les conserver sans risque de surestimer le résultat global de l'expérience en dépit de cette absence passagère d'une véritable " barrière " Y).

Les souhaits S furent de 3 sortes

(a) souhait " Aigu ", en vue d'obtenir un excès de sons aigus ;

(b) souhait " Grave ", en vue d'obtenir un excès de sons graves ;

(c) souhait " Rien ", consistant au choix du sujet soit à laisser le hasard " faire ce qu'il voulait ", soit à essayer d'équilibrer les quantités respectives de graves et d'aigus.

La grille de correspondance entre souhaits et températures était la suivante températures (degrés C) :

8 9 10 11 12 13 14 15 16 etc. souhait :
Rien Aigu Grave R A G R A G
(R) (A) (G)

 

1) L'ordre de passage de H et de h pour chaque souhait ne devait pas être toujours le même, pour éviter qu'un éventuel effet de déclin ne favorise l'un ou l'autre type de psychocinèse : dans le passé (sur les H) ou dans le présent (sur les h). Cet ordre a donc été randomisé de la façon suivante : la série h (présente) venait en premier si la température était : un nombre impair, dans la première partie de l'expérience ; un nombre pair, dans la 2e partie ; un nombre impair pour les trois premières sessions, puis (par suite d'une erreur) un nombre pair pour les 27 suivantes de la 3e partie (3). Sur un nombre suffisamment grand de températures suffisamment variées, un tel cycle binaire est évidemment indépendant du cycle ternaire des souhaits. En pratique d'ailleurs, la répartition selon les différentes catégories a été la suivante (tableau 1) :

Tableau 1. Répartition effective des diverses conditions expérimentales. On peut vérifier sur les chiffres du Tableau 1 :

a) qu'aucune des répartitions des souhaits entre " Aigu ", " Grave " et " Rien " dans les 3 parties de l'expérience (totaux par colonnes à droite des tableaux individuels) n'est significativement différente de l'attente statistique moyenne (le plus grand des X2 correspondants vaut environ 4, soit pour ddl = 2, p > 10 %) ;

b) que la différence globale entre " h en premier " et " H en premier " (totaux de la ligne du bas) n'est pas significative, bien qu'elle soit suggestive pour la 2e partie : 31 contre 16 (p = 4 %) ; c) qu'aucune des répartitions des souhaits " Aigu ", " Grave " et " Rien " entre les " h en premier " et les " 14 en premier " (nombres dans le corps des tableaux individuels) n'est significativement différente d'une distribution qui serait due au hasard seul : le plus élevé des quatre X2 vaut en effet environ 3 (p = 20 %).

On peut conclure de cet examen que, du point de vue de la randomisation des diverses conditions expérimentales possibles, dans notre expérience en tout cas les températures du Figaro ont constitué un matériel aléatoire correct, conformément à l'hypothèse faite implicitement au § 2 à propos des températures en général.

4. ANALYSE DES DONNEES

a) Quelle hypothèse nulle ?

Lorsqu'on emploie une source de valeurs aléatoires binaires, c'est-à-dire du type " pile ou face ", on fait d'habitude l'hypothèse qu'en l'absence de toute influence extérieure, la probabilité d'obtenir des " pile " (p) est égale à celle d'obtenir des " face " (q), toutes deux valent alors 1/2. Cependant si l'on veut éviter toute critique il est nécessaire de tester cette hypothèse par une série d'essais " à vide ", qui peuvent conduire le cas échéant à des valeurs de p et q légèrement différentes l'unede l'autre. Pour nous cette vérification semblait s'imposer en tout cas pour notre appareil à billes, aussi symétrique que possible par construction mais pas suffisamment connu quant à son fonctionnement effectif. A supposer qu'on ait ainsi obtenu la valeur po (ou qo = 1- po) - par exemple, po = 49,5 % (ou qo = 50,5 %) - cette valeur aurait constitué l'hypothèse nulle dans l'analyse statistique des valeurs expérimentales pex (ou qex 1- pex) effectivement obtenues.

Or on peut montrer, par un calcul statistique simple, que pour obtenir une valeur de po (ou de qo), ayant, au risque d'erreur 5 % (ce qui n'est pas tellement faible), une marge d'incertitude de 1 % - par exemple, po comprise entre 49 et 50 % - il faut faire au moins 150 000 essais " à vide ", et plus encore évidemment si l'on désire une meilleure précision. En d'autres termes la spécification précise des probabilités " à vide " po et qo demande un assez long travail. Par ailleurs, si la série d'essais à vide est faite à un moment différent de la série expérimentale, on peut suspecter la source aléatoire d'avoir dérivé dans l'intervalle. Nous avons éliminé le premier inconvénient et diminué notablement le second en comparant les données expérimentales non pas à des valeurs théoriques déduites de po et qo, mais à d'autres données obtenues dans d'autres conditions expérimentales.

En termes statistiques, dans notre expérience l'hypothèse nulle n'est pas que la source aléatoire (générateur de Schmidt ou appareil à billes) donne en moyenne des quantités expérimentales a et g d'aigus et de graves proportionnelles à po et qo, mais que ces quantités expérimentales a et g restent dans le même rapport (inconnu) lorsque les conditions expérimentales changent pour le sujet : par exemple, quand le sujet passe d'un souhait " Aigu " à un souhait " Rien ". Dans le premier cas, l'analyse statistique sur les quantités a et g obtenues lors d'un souhait " Aigu " (a a= nombre d'aigus, g a= nombre de graves), aurait consisté à calculer l'écart réduit de pex = a a /a a + g a par rapport à po ; pour nous, elle consistera à comparer a a et g a à par exemple a r + g r obtenus lors d'un souhait " Rien ", en calculant un c 2 corrigé sur les nombres suivants :

La question posée est donc de savoir si les proportions observées d'aigus et de graves dans les deux situations sont comparables ou non. Notons encore une fois que cette façon de procéder économise l'étude (obligatoirement longue) du fonctionnement à vide de la source aléatoire et, puisque les différents souhaits se succèdent à de brefs intervalles dans l'expérience, réduit à son minimum le risque d'erreur dû à une éventuelle dérive de ce fonctionnement dans le temps. Notons aussi qu'en contrepartie, elle est statistiquement moins puissante que le calcul qui fait appel aux probabilités " à vide " puisque celles-ci sont une information supplémentaire dont elle ne dispose pas.

b) Quelles hypothèses expérimentales ?

La première est évidemment l'hypothèse de la psychocinèse. Etant donné la méthode (définie cidessus) que nous employons pour la tester, elle peut se définir ainsi : les différents souhaits " Aigü ". " Grave " et " Rien " entraînent des proportions respectives d'aigus et de graves significativement différentes les unes des autres, et ceci dans le sens correspondant aux intentions des souhaits : autrement dit, l'hypothèse testée est qu'il y a des effets psychocinétiques différentiels reflétant les différences entre souhaits. Les comparaisons que l'on fera seront donc des trois espèces suivantes

souhaits " Aigü "/souhaits " Rien " en abrégé A/R

souhaits " Grave "/souhaits " Rien " en abrégé G/R

souhaits " Aigü "/souhaits " Grave " en abrégé A/G

 

La psychocinèse rétroactive étant l'objet principal de l'expérience, on distinguera naturellement les résultats obtenus sur les séries " passées " (série, H) de ceux obtenus sur les séries " présentes " (séries h). D'un point de vue global toutefois l'addition éventuelle des influences dans le passé et dans le présent nous intéresse, donc nous ferons également les comparaisons sur l'ensemble " Passé + Présent ".

La seconde hypothèse expérimentale est, on s'en souvient. que nous ne devrions pas observer de différence significative entre d'éventuels effets dans le passé et dans le présent, les uns et les autres étant en somme un seul et même phénomène si notre façon d'envisager a priori l'existence de la psychocinèse dans le passé est juste. On obtiendra un maximum d'information sur cette hypothèse en faisant (toujours par des calculs de c 2 les comparaisons entre Passé et Présent dans chaque situation possible :

souhaits " Aigu " dans le Présent/souhaits " Aigu " dans le Passé, en abrégé A ° /A -

souhaits " Grave " dans le Présent/souhaits " Grave " dans le Passé, en abrégé G°/G -

souhaits " Rien " dans le Présent/souhaits "Rien " dans le Passé, en abrégé R°/R -

et pour l'ensemble des résultats, au cas où il y aurait eu une différence globale entre la condition "souhaits dans le Passé " et la condition " souhaits dans le Présent " :

Tous souhaits dans le Présent / tous souhaits dans le Passé, en abrégé S 0/S -

Notons qu'ici, l'hypothèse testée est l'hypothèse nulle elle-même, et que par conséquent nous nous attendons à trouver des c 2 trop faibles pour être significatifs.

 

c) quels niveaux d'analyse ?

Dans le meilleur des cas nos hypothèses seront vérifiées sur

(a) l'ensemble des sujets donc sur les totaux généraux des quantités respectives d'aigüs et de graves dans les diverses situations envisagées. On cherchera ensuite à savoir dans quelle mesure

(b) chacun des trois groupes de sujets dans chacune des trois parties de l'expérience a contribué ou non au résultat global, pour le cas où les différences de lieux, de source aléatoire, etc., auraient eu une influence ; puis, à l'intérieur de chaque groupe, on examinera

(c) quels sujets individuels ont éventuellement été les plus importants. On pourrait descendre plus avant dans le détail en considérant par exemple chaque session de chaque sujet, mais il est clair que des résultats éventuellement positifs dans quelques sessions isolées auraient une valeur probante bien faible ; d'ailleurs, comme on va le voir, nous n'avons pas eu besoin d'aller jusque-là pour trouver quelque chose.

5. RESULTATS

Ils apparaissent dans le Tableau 2. Ce sont les valeurs des probabilités associées aux c 2 obtenus lors des diverses comparaisons. On trouvera dans la légende du tableau les précisions voulues concernant les détails de présentation : chiffres entre parenthèses, soulignés, etc.

On note que ce tableau contient des comparaisons non prévues au paragraphe précédent : celles comportant les regroupements A + G (souhaits " Aigü " plus souhaits " Grave "). La raison de cette analyse supplémentaire réside dans les résultats de la comparaison G -/ R - dans dans la 3e partie de l'expérience : ces résultats indiquent qu'en fait, contrairement à ce qui était prévu, les souhaits " Grave " ont eu le même effet que des souhaits " Aigü ", à savoir une augmentation relative de la quantité d'aigus (par rapport aux souhaits " Rien "). Evidemment dans ces conditions la combinaison "Aigü " + " Grave " (A + G) rapportée à " Rien " est encore plus significative que A/R seule ou

G/R seule, tandis qu'au contraire aucune différence n'apparaît quand on compare les " Aigus " aux " Graves " (A/G) puisque les uns et les autres ont agi dans le même sens. Il nous a paru intéressant de généraliser à toutes nos données cette comparaison (A + G) /R, pour le cas où la véritable différence faite par les sujets au niveau des effets psi aurait été, en somme, non pas entre " Aigü " et " Grave " comme on s'y attendrait logiquement, mais entre les souhaits " actifs " (" Aigü " ou " Grave ") et " passifs " (" Rien "). D'où les trois colonnes supplémentaires (A + G) /R.

Il est clair qu'il s'agit là d'une analyse a posteriori, dont les résultats doivent par conséquent être acceptés avec la circonspection nécessaire en pareil cas. Pour que ceci soit bien net à la lecture du tableau nous avons séparé des autres les trois colonnes en question, et mis les probabilités correspondantes entre parenthèses. Nous avons également mis entre parenthèses les résultats d'un autre type d'analyse a posteriori : les comparaisons prévues au départ, mais qui ont révélé une tendance inverse de celle qui était attendue : par exemple, la comparaison G-/R- de la 3e partie (voir cidessus).

Les probabilités indiquées sont unilatérales lorsque les résultats obtenus vont dans le sens prévu c'est-à-dire confirment une hypothèse directionnelle faite a priori ; elles sont bilatérales dans tous les autres cas. Ces points sont précisés dans la légende du tableau.

Examinons maintenant le contenu du Tableau 2 :

Question 1 : Y A-T-IL EU PSYCHOCINESE DIFFERENTIELLE ?

(a) Pour l'ensemble des sujets (dernière ligne), il n'y a que quelques résultats faiblement suggestifs d'un effet dans le Passé.

(b) Au niveau de chacun des 3 groupes de sujets (dernière ligne de chaque partie) on constate que les faibles effets observés sur les totaux généraux sont en fait essentiellement dus à ceux, nettement suggestifs (de l'ordre de 2 %) obtenus dans la 3e partie et elle seule. Là aussi seuls les souhaits dans le Passé semblent avoir été efficaces ; cependant au niveau de la comparaison " Aigü "/" Rien" il y a eu un léger effet dans le Présent (inobservable isolément) de même sens que celui dans le Passé, puisque le calcul qui regroupe Passé et Présent donne p = 1,3 %, valeur meilleure que le 2,4 % obtenu pour le Passé seul. Cette remarque concerne essentiellement la question 2 (voir plus bas).

Nous avons noté dans nos remarques préliminaires que dans la 3e partie dans son ensemble il y avait eu du psi-missing pour les souhaits " Grave ", qui ont en effet agi comme des souhaits " Aigü ". C'est pourquoi l'addition " Aigü " + " Grave ", toujours par comparaison aux " Rien", donne un résultat meilleur que chaque catégorie prise isolément : p = 1,5 % contre 2,4 % et 3,2 respectivement. Rien d'étonnant alors, comme nous l'avons noté aussi, à ce qu'au contraire la comparaison entre souhaits " Aigü " et souhaits " Grave " (A/G) ne donne pas de résultat significatif, les uns et les autres ayant produit des effets de même sens.

Comparés à l'absence de résultats dans les deux premières parties, ces résultats intéressants dans la 3e partie de l'expérience peuvent peut-être être rapportés aux facteurs suivants : c'est seulement dans cette 3e partie que nous avons employé comme source aléatoire un appareil entièrement conçu et réalisé par nous (appareil à billes) ; de plus, les sessions correspondantes ont eu lieu au domicile même de l'auteur et dans des conditions qui étaient de loin les plus régulières et les plus détendues de toute l'expérience. Tout ceci suggère que de tels facteurs, si personnels soient-ils (ou peut-être justement parce qu'ils sont personnels; semblent avoir, une fois de plus en parapsychologie, exercé une influence favorable.

(c) Au niveau des sujets individuels il est clair que l'essentiel des résultats suggestifs de la 3e partie - y compris l'effet inattendu au niveau des comparaisons G/R : le psi-missing des souhaits "Grave" - est dû au sujet N, qui a réussi de façon très suggestive ou significative dans le Passé (A-/R- : 0,6 % ;

G-/R- : effet inversé, 2,2 %), légèrement suggestive dans le Présent (A°/R° : 5 % ; effet inversé, 7 %), mais nettement significative dans Passé + Présent où les deux effets précédents se combinent (A/R : 0,15 % ; G/R : effet inversé, 0,4 %). Ici encore, étant donné le psi-missing lors des souhaits " Grave ", on comprend que les effets des souhaits " Aigu " et " Grave " (rapportés aux " Rien ") s'ajoutent quand on les combine au lieu de s'annuler réciproquement : pour les comparaisons (A + G)/R on obtient en effet : dans le Passé p = 0,5 %, dans le Présent p = 5 %, et dans Passé + Présent p = 0,06 % - tandis que les comparaisons " Aigu "/" Grave " ne donnent aucun résultat. En un sens, les effets qui apparaissent ainsi dans les comparaisons non prévues (A + G)/R sont ceux qui " auraient dû " apparaître dans les comparaisons A/G, prévues, si les souhaits " Grave " avaient agi dans le sens attendu et non pas en sens inverse.

Il faut mentionner aussi le sujet L avec des résultats nettement suggestifs d'un effet psychocinétique : p = 3,3 % pour la comparaison A-/R-, et p = 1,4 % pour A/R (Présent + Passé) ; ces chiffres impliquent par ailleurs qu'il y a eu dans le Présent une tendance - isolément non apparente - de même sens que celle dans le Passé, comme chez le sujet N, puisque le p = 1,4 % de Passé + Présent est meilleur que le p = 3,3 % de Passé seul. De même, comme chez le sujet N encore il semble bien qu'il y ait eu du psi-missing pour les souhaits " Grave ", dans Passé + Présent en tout cas : la comparaison " Aigu "/" Grave " ne donne rien, alors qu'au contraire l'addition " Aigu " + " Grave " (rapportée à " Rien ") donne un résultat suggestif : p = 3,5 %. (Dans le Passé seul, on observe une tendance analogue mais très faiblement suggestive : p = 7,2 %).

Sont encore dignes d'intérêts les sujets D et M : le premier (D) parce que le p = 0,7 % de la comparaison " Aigu "/" Rien " dans Passé + Présent indique, rapproché du p = 4 %, moins bon, de A°/R° (Présent seul), qu'il y a eu au niveau de A-/R- (Passé seul) un effet de même sens que l'effet dans le Présent - observation comparable à celles faites plus haut pour les sujets L et N. Quant au sujet M, les faibles résultats qu'il a semble-t-il obtenus dans Passé + Présent sont de même sens pour les souhaits " Grave " et pour les souhaits " Aigu " ; ceci était déjà le cas pour les sujets N et L, mais ici le psi-missing (s'il s'agit vraiment d'effets psi) s'est produit pour les souhaits " Aigu ", non pour les " Grave ".

 

Question 2 : LES EFFETS DANS LE PASSE ONT-ILS ETE DIFFERENTS DES EFFETS DANS LE PRESENT ?

Cette question a reçu un début de réponse négative des considérations qui précèdent, puisque nous avons pu conclure, chaque fois qu'un effet global marqué apparaissait dans Passé + Présent (total 3e partie et sujets N, L et D), que cet effet global faisait intervenir des effets de même sens dans le Présent et dans le Passé, que ceux-ci soient isolément apparents ou non.

L'examen des résultats figurant dans la partie droite du tableau confirme que dans tous les cas où il y a eu la moindre trace de psychocinèse, il n'y a pas de différence sensible, même faiblement suggestive, entre les effets dans le Présent et dans le Passé ; ceci vaut donc au niveau du résultat global, à celui des totaux de la 3e partie, et pour tous les sujets ayant exercé une action psychocinétique forte ou faible : N, L, D, M, et même C qui a obtenu un résultat intéressant dans le Présent. Les différences qui apparaissent ailleurs (sujets B, E, F, H, J) sont isolées, et au mieux, suggestives seulement; mais surtout, puisqu'il s'agit de sujets inefficaces en matière de psychocinèse, elles n'ont pas de sens par rapport à la question posée.

A notre sens, nous l'avons dit à la fin du § 2, la réponse constamment négative donnée à la seconde question renforce indirectement celle, positive, donnée à la première : en effet si nulle part l'effet qui semble bien être une psychocinèse dans le passé n'apparaît s'exercer différemment de la psychocinèse obtenue dans le présent au moyen des mêmes souhaits, la présomption s'accroît qu'il s'agit bien d'un effet consciemment contrôlé comme la psychocinèse ordinaire, et que dans les conditions de notre expérience il n'a donc pu s'agir que d'un effet rétroactif, et non pas de l'un des autres eflets, non conscient et non rétroactif, que nous avons envisagés dans notre discussion préliminaires (§ 2). Ce point sera repris en détail dans la discussion qui va suivre (§ 6).

En somme, nos résultats expérimentaux permettent de donner aux deux questions principales les réponses suivantes :

 

Un résultat secondaire de notre expérience est le psi-missing apparu chez les sujets N et sans doute L pour les souhaits " Grave " qui ont en somme agi comme des souhaits " Aigü ", et peut-être chez les sujets D et M pour les souhaits " Aigü " qui ont agi comme des souhaits " Grave ". Ces résultats inattendus soulignent l'intérêt qu'il peut y avoir, dans toute expérience psi systématique, à diversifier les possibilités d'action du sujet pour accroître les chances de voir émerger des effets réguliers mais peut-être masqués ; pour nous par exemple, sans la référence fournie par les souhaits " Rien ", pratiquement aucun résultat significatif n'apparaîtrait dans nos données expérimentales :

voir les colonnes A/G des trois espèces dans le Tableau 2, où les meilleurs résultats auraient logiguement dû apparaître (4).

6. DISCUSSION ET PERSPECTIVES

Pouvons-nous conclure de ce qui précède que la psychocinèse dans le passé est une réalité, et par conséquent qu'il y a éventuellement des processus finaux à l'oeuvre dans le cosmos ? Ce serait aller un peu vite, pour diverses raisons :

(a) Notre expérience n'est qu'une première tentative, elle demande de multiples confirmations avec des résultats plus nettement significatifs.

(b) Elle a été conduite par un expérimentateur isolé ; cela seul peut suffire - tout particulièrement à la lumière d'évènements récents (5) à rendre ses résultats nuls et non avenus aux yeux de certains critiques.

(c) Une hypothèse alternative que nous n'avons envisagée qu'en passant, dans notre discussion préliminaire, n'a pas été exclue : il s'agit de l'hypothèse d'une action psychocinétique directe au moment du souhait S, sur l'enregistrement de H ; dans notre cas il s'agirait donc de la modification de l'état magnétique d'une bande, la trace magnétique d'un son aigü étant éventuellement transformée en celle d un son grave, où inversement. En toute rigueur cette possibilité existe. Nous n'en avons pas tenu compte pour les raisons suivantes : a) aucun de nos sujets n'était de façon avérée un sujet psi à effets physiques puissants ; b) si nous avions voulu nous garantir contre une modification psychocinétique des enregistrements, nous aurions pu faire des copies-témoins de toutes nos bandes avant de les faire entendre aux sujets. Mais si un sujet a effectivement le pouvoir de modifier le contenu des bandes qu'il écoute, pourquoi ne modifierait-il pas par la même occasion celui des bandes-témoins ? Hypothèse peu vraisemblable sans doute ; mais l'est-elle moins que celle de la modification magnétique sur une seule bande ?

En somme on se heurte ici encore à une alternative indécidable en toute rigueur : la bande est-elle restée identique à elle-même entre le moment des séries H et le dépouillement des enregistrements ? Toutes aussi indécidables étaient les alternatives rencontrées au § 2 et que nous allons maintenant réexaminer dans une perspective plus vaste

(d) Les hypothèses non rétroactives : influence inconsciente sur la météorologie à partir du résultat de H, ou " calcul " inconscient des températures futures suivi de psychocinèse inconsciente sur H ne sont pas radicalement exclues (cf. § 2). Nous ne voyons pas quant à nous comment elles pourraient jamais l'être - comment on pourrait concevoir une " barrière " absolument efficace contre d'éventuels effets non rétroactifs. La critique supplémentaire envisagée en c) aboutissait au même genre d'indécision. C'est pourquoi le chercheur qui peut-être un jour considérera les résultats très positifs de multiples expériences comme la nôtre devra honnêtement reconnaître qu'en dernier ressort ce n'est pas pour des raisons objectives qu'il choisira de favoriser l'un ou l'autre type d'interprétation : avec ou sans effet rétroactif, donc avec ou sans remontée dans le temps - avec ou sans existence possible de la finalité.

S'il préfère penser que la flèche du temps est irréversible, il aura en cela pour lui l'évidence millénaire de l'expérience quotidienne, et le bon sens rationaliste qui en est l'émanation dans la tradition scientifique. Est-ce là toutefois un appui bien solide, si par ailleurs il le mine sous ses propres pas dès lors qu'il recourt à une explication alternative qui fait de toutes façons appel à des effets paranormaux complexes et supposant chez leurs auteurs une vigilance et une dextérité extraordinaires et cependant inconscientes ? Telle est pourtant la prégnance du schéma causaliste que cette position inconfortable paraîtra malgré tout la meilleure à celui qui estime devoir conserver au temps sa représentation ancestrale : le fleuve qui s'écoule toujours dans le même sens. Et cela, même au prix d'un hiatus flagrant dans sa compréhension des effets psychocinétiques : suivant que ces effets ont lieu dans le présent ou, selon toute apparence, dans le passé (dans notre expérience suivant qu'ils ont été obtenus sur les séries h ou H, cf. figure 2), les souhaits du sujet qui s'y rattachent lui apparaîtront comme des " causes " directes et conscientes, ou au contraire comme les paravents faussement innocents d'actions inconscientes aussi puissantes que délicates.

Si par contre le chercheur admet que le temps n'a peut-être pas le caractère inexorable qu'on lui attribue, il aura certainement contre lui le bon sens et les apparences ; mais en revanche il fera dans sa conception de la psychocinèse l'économie d'une discontinuité gênante et des complications qui en découlaient : un seul principe explicatif reste en effet nécessaire, celui de l'effet concret, que tout souhait exerce de droit sur la cible qu'il vise, quelle que soit la situation temporelle de cette cible. Dans cette vision des choses, le temps ne s'écoule plus, ou du moins il ne s'écoule plus irréversiblement. Paradoxale pour le sens commun, cette conclusion est pourtant comparable à celle à laquelle parviennent, tout à fait indépendamment de la parapsychologie expérimentale, les physiciens quantiques ; c'est d'ailleurs le travail de l'un d'eux (6) qui a inspiré l'article déjà cité (7) où nous envisagions pour la première fois la psychocinèse rétroactive. Pour toutes ces raisons convergentes, il nous paraît finalement plus réaliste d'admettre que le temps est d'une certaine façon réversible, et par conséquent que les résultats obtenus dans notre expérience sont bien des manifestations de psychocinèse dans le passé.

(e) Rappelons enfin qu'il reste une hypothèse alternative non exclue : celle de la prémonition inconsciente (des souhaits S) suivie de psychocinèse directe inconsciente (sur les séries H), et que sous ce rapport le terme de " psychocinèse dans le passé " est éventuellement trop restrictif. L'enjeu ici, rappelons-le, n'est pas l'existence d'une relation finale entre les souhaits S et les séries H, puisque dans les deux interprétations l'effet est antérieur à sa cause : c'est simplement l'existence de ce mode particulier de la finalité que serait la psychocinèse rétroactive. A divers égards l'autre explication peut paraître moins grosse de paradoxes, moins " prométhéenne " si l'on veut, que celle par la psychocinèse dans le passé, et c'est sans doute pourquoi on la préférerait volontiers à celle-ci. Or comme une telle préférence ne sera jamais justifiable par aucune constatation objective - du moins tant qu'on ne saura pas détecter si un sujet est ou n'est pas le siège d'une prémonition inconsciente -, il est à notre avis à la fois plus simple, plus cohérent (pour des raisons analogues à celles développées en d) et plus honnête d'y renoncer ; d'ailleurs, que vaut l'apparente prudence de l'hypothèse correspondante quand on a déjà admis par ailleurs... la possibilité d'actions finales ? Nous suggérons donc que la position la plus saine consiste en fait, ici encore, à se fier au seul critère disponible, à savoir les intentions consciemment exprimées et le déroulement visible des évènements dans l'expérience. Réservons donc l'explication " prémonition + psychocinèse directe " à une éventuelle expérience - encore à faire - où cette combinaison sera délibérement mise en oeuvre, et pour conclure le présent débat dans son ensemble, adoptons quant à nous à titre de formulation la plus réaliste et la plus cohérente sous tous les rapports, celle qui désigne les effets obtenus dans notre expérience d'après ce qu'ils paraissent être : de véritables effets psychocinétiques rétroactifs.

 

 

NOTES :

(1) P. Janin, Nouvelles perspectives sur les relations entre la psyché et le cosmos, Revue métapsychique, 1973.

(1) Helmut Schmidt : Animal PK tests with time displacement, 1973 (travail non publié), et correspondance personnelle.

(2) Voir par exemple J.-B. Rhine et J.-C. Pratt : Parapsychology, Frontier Science of the Mind, C.S. Thomas, Springfield (Ill.) 1967.

(3) Il est difficile de dire quel genre de modification systématique, et dans quel sens, le changement involontaire de la convention a pu provoquer dans la 3e partie. Nous l'avons considéré comme étant sans réelle importance pratique.

(4) Naturellement, poussée à l'extrême la multiplication des critères d'efficacité peut mener à une " pêche au résultat positif " bien peu scientifique. Il nous semble clair que cette critique n'est pas applicable aux résultats présentés ici, étant donné leur forte cohérence interne.

(5) voir J.-B. Rhine : A New Case of Experimenter Unreliability, Journal of Parapsychology, 38, 2 (June 1974), pp. 215-25.

(6) I.E. Xodarap (pseudonyme) : La fonction " Psi " et la " magie " de la Mécanique quantique. Revue métapsychique, 1973.

(7) P. Janin, op. cit.

 

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