PARANORMAL
ET ILLUSIONNISME
Par A. SANLAVILLE Revue Parapsychologie n° 3, 1976
Les rationalistes se sont bien rendu compte que la précision quali-tative de certains cas de clairvoyance ou de télépathie ne peut être expliquée par de simples coïn-cidences dues à la loi des grands nombres, et que le paranormal comporte aussi des phénomènes psychocinétiques(1) constatés par de nombreux témoins. Pourquoi ne pas imputer cela à la fraude et au truquage d'une part, et à la naïveté des observateurs d'autre part ? C'est ce que fait Alain Ledoux dans son article quand il laisse supposer qu'il n'a pas été répondu à la demande des illusionnistes de " montrer un fait à caractère paranormal non truqué, inexplicable par les techniques de l'illusionnisme ". J'apporte la preuve que cette assertion est fausse si l'on considère les illusionnistes en leur ensemble. Enfin, en disant que " les professionnels du schow-business sont placés pour savoir QU'IL Y A TOUJOURS UN TRUC ", il fait passer une opinion toute personnelle pour un fait établi alors que la vérité est tout autre. Etant moi-même expert en illusionnisme pour l'avoir pratiqué, pour avoir étudié son histoire et ses techniques et pour avoir présenté depuis plus de vingt cinq ans ses meilleurs représentants dans le " Festival de la Magie ", je crois être habilité pour en témoigner. Forcément soupçonneux à l'égard des démonstrations spectaculaires du paranormal et sachant combien il est facile de tromper même des scientifiques, nombreux sont les illusionnistes qui ont voulu se rendre compte par eux-mêmes. Les plus grands professionnels tout comme les " magicologues ", théoriciens des principes techniques et psychologiques, ont attesté l'authenticité de certains phénomènes paranormaux en les différenciant de leurs imitations. Les chercheurs en
parapsychologie sont prêts à accueillir favorablement une
telle collaboration car ils se plaignent d'avoir dû démasquer
seuls des illusionnistes qui prétendaient posséder des pouvoirs
parariormaux. Ils citent Slade (inventeur des ardoises spirites, les Frères
Davenport (ca-bine spirite), Talazac (inventeur des enveloppes du même
nom) qui vendait paraît-il des talismans.
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Uri Geller |
D'autres
professionnels célèbres tels que Will Goldston, Harry Kellar,
Thurston, Abbott, adoptèrent la même position que Robert Houdin
par la suite et deux d'entre eux, le Professeur Hoffmann et Harry Price devinrent
membres de la " Society for Psychical Research ". Le Dr Harlan Tarbell,
auteur de la plus grande encyclopédie moderne de l'illusionnisme, ot
Georges Vaillant, secrétaire de la première " Association
Syndicale des Artistes Prestidigitateurs " français furent du même
avis. Mais c'est l'enquête récente sur les effets psychocinétiques
menée aussi bien auprès de Geller que des autres sujets disant
posséder des facultés semblables, qui a fourni les conclusions
les plus positives.
S'il est logique de présumer que Geller est un habile illusionniste et que l'effet provient de sa dextérité ou d'un truquage, cela ne l'est plus lorsque le même effet peut être produit par quantité d'autres personnes dont les enfants. Or il se trouve maintenant des gens qui tordent des objets ou les font mouvoir sans contact aussi bien en URSS qu'en Angleterre, en Suisse, au Japon et en France. A moins de présumer aussi qu'ils sont tous des illusionnistes qui se sont donnés le mot pour pratiquer ce nouveau truc, il faudra bien admettre que l'effet est authentique. Depuis plusieurs décennies les savants soviétiques expérimentent en laboratoire avec Nina Kulagina qui a le même pouvoir. L'effet n'est donc pas nouveau et il faut savoir que voici plus d'un siècle une jeune paysanne de quatorze ans, nommée Angélique Cottin, défraya déjà la chronique en produisant des phénomènes similaires, ce qui lui valut le surnom de " la femme électrique ". |
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Certains
illusionnistes se sont mis en avant en se posant comme adversaires de Geller
et ils ont profité du cette opposition pour gagner une importante publicité
grâce à leurs interventions publiques. Aux Etats-Unis, le magicien
Randi a participé à des émissions télévisées
et à des inter-views de presse dont un pour le rnagazine scientifique
" Psychology " (traduit en français par "Psychologie").
Il a également publié un livre et n'a jamais autant travaillé
que depuis. D'autres magiciens ont préparé des conférences
démonstratives ou lancé des défis à Gellcr en les
assortissant de sommes d'argent importantes. Je peux citer Geissler-Werry pour
l'Allemagne, David Berglas et Ali Bongo pour l'Angleterre , Rolf Mayr pour la
Suisse, Mystag et Majax pour la France. Le ma-gicien américain Ray Hyman
vient de déclarer que les sociétés rnagiques devaient censurer
Geller et combattre son influence. D'autres illusionnistes craignent qu'une
campagne publique de démystification ne vienne nuire au pouvoir attractif
de l'illusionnisme en supprimant le mystère qui en constitue le principal
attrait. Enfin depuis quelques mois on trouve des rnagiciens de plus en plus
nombreux qui affirment l'authenticité des expériences de Geller
après y avoir eux-mêmes participé.
William Cox, membre de la " Society of American Magicians " et spécialiste du " menta-lisme " obtint le premier une entrevue privée avec Geller en cachant à celui-ci ses qualités et son but qui était de le " piéger ". Il avait apporté ses propres objets métalliques ainsi qu'une montre dont il avait fait bloquer le mécanisme par un horloger. Cependant Geller réussit ses expériences habituelles en des conditions d'observation ne permettant pas de manipulations cachées(2) . Ceci se passait à New York le 24 avril 1974, mais,depuis, la revue corporative internationale " Linking Ring " a mentionné les témoignages d'autres magiciens américains qui ont contrôlé Geller, dont ceux de Messieurs Zorba et Abb Dicksonn. Ceci semble donc démentir que Geller ait systémati-quemcnt refusé d'expérimenter en présence d'illusionnistes. Profitant de relations
amicales avec le manager suisse de Geller, le Docteur Brumm-Anto-nioli (3),
président du cercle magique de Zurich, put lui aussi obtenir une visite
en sa pharmacie. Il a écrit que Geller avait pu tordre une clef qui
lui appartenait alors qu'il la tenait dans sa main. Je souligne que ces témoignages
d'authenticité concernent le seul effet psychocinétique de Geller
présenté en privé. En effet, on sait que les facultés
parapsychiques, de même que le som-meil ou les manifestations de la
sexualité, ne se déclenchent pas à la commande, et qu'elles
sont, au contraire, inhibées par la tension volitive. Ceci laisse présumer
que les sujets psi qui font du spectacle sont amenés à frauder,
en cas de défaillance de leurs facultés naturelles, Geller a
reconnu que cela lui était arrivé. |
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Après
le passage en Suisse de Geller, Rolf Mayr(5), connu comme le " Majax "
de ce pays, conduisit la contestation en prenant à son compte le défi
du Comité de Défense des illusionnistes. Il vint démontrer
à la télévision qu'il pouvait réaliser tous les
phénomènes paranormaux de Geller. Ayant appris que deux sujets
suisses, un dessinateur de trente quatre ans et un écolier de onze ans,
se disaient doués du même pouvoir psychocinétique, il convint
d'une rencontre avec le premier. Se réjouissant de pouvoir démasquer
publiquement un mystificateur, il se fit accompagner par divers confrères
du cercle magique de Berne qui apportèrent des objets métalliques.
Et là l'extraor-dinaire se produisit. Sous les regards des multiples
observateurs, les objets se mirent à se tordre, même sans contact,
au centre de la table. Les séances se répétèrent
avec le même sujet, puis avec l'écolier Eric Stutz, et les mêmes
résultats furent obtenus alors même que les objets étaient
enfer-més dans des récipients de verre scellés. Plusieurs
films et le dossier des observations sont entre les mains du Professeur Bender
de Freiburg in Breisgau. (6)
Les mêmes phénomènes, produits par plusieurs adolescents en Angleterre, furent à leur tour authentifiés par l'illusionniste Clifford Davis, et donnèrent lieu à toute une série d'expériences dans le laboratoire du Professeur John Taylor. Le livre "Superminds" en donne le compte rendu. |
Clef tordue par Uri Geller, à Gênes, Congrès de Parapsychologie, 1974. |
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La constance avec laquelle la majorité des experts illusionnistes qui ont contrôlé les phéno-mènes paranormaux est significative. Elle est passée du scepticisme à la conviction. En même temps, une majorité de parapsychologues s'est initiée à l'illusionnisme afin de déceler les truquages éventuels. Leurs rapports, concluant à la fraude en ce qui concerne les pseudo-prodiges des chirurgiens des Philippines. montrent bien qu'ils ne sont pas les naîfs que l'on dit. Il ne tient qu'aux autres grands illusionnistes, connus pour combattre la parapsychologie, de participer désormais au contrôle dus phénomènes Psi. Ceci peut être fait en toute courtoisie, mais avec la plus parfaite rigueur s'ils décident d'abandonner leurs duels oratoires et leur position d'ad-versaires agressifs. Ceux qui veulent croire " qu'il y a toujours un truc " resteront certes enclins à se satisfaire de n'importe quelle explication illusoire. Avant d'entreprendre ma carrière de " mar-chand de merveilleux ", j'avais lu ces livres où certains expliquaient " les trucs des fakirs ". Je croyais donc que lorsque ceux-ci se transperçaient la langue, il s'agissait d'une fausse langue ; que lorsqu'ils se faisaient casser une pierre sur le ventre, celle-ci était " préparée " pour être friable. J'ai connu de faux fakirs, qui utilisaient ce procédé, et puis aussi des fakirs qui transperçaient véri-tablement leur langue et qui utilisaient n'importe quelle bordure de trottoir. Le public ne faisait aucune différence, mais j'ai compris à partir de ce moment que le vrai et l'imitation pouvaient coexister sans jamais s'exclure mutuellement. Les illusionnistes sont des faussaires de génie à qui il suffit de décrire n'importe quel effet pour qu'ils inventent des moyens souvent multiples pour les réaliser. Mais l'ersatz et l'artificiel ne pourront jamais prouver l'inauthenticité de l'original et du naturel. Depuis quelques mois Albert Ducrocq a découvert en France un sujet Psi qui est en passe de devenir aussi célèbre que Geller. Il s'agit de Jean-Pierre Girard qu'on a vu à la télévision alors qu'il tordait un clou contenu dans un tube de verre scellé et une autre fois alors qu'il faisait mouvoir sans contact un morceau d'altuglass posé sur une table. On a expliqué le premier effet en disant que le clou était tordu à l'avance alors qu'on le présentait droit sur une autre face. Pour le deuxième, comme l' aItuglass ne peut être mu par un autre aimant fixé sous la table, on a expliqué que Girard utilisait un fil invisible. Sachant par expérience qu'un fil n'est invisible qu'en certaines conditions d'éclairage et à une certaine distance, cette dernière explication ne peut satisfaire. Les expériences de Girard, en ce qui concerne les torsions de métaux, ont été faites en laboratoire alors que les ac-cessoires n'étaient pas fournis par lui mais par les expérimentateurs. Les contrôles ont été faits par le Docteur Wolkowski (8), physicien, par Charles Crussard, directeur scientifique de Péchiney Ugine Kuhlmann, par Albert Ducrocq. Alors si le Comité de Défense de l'Illusionnisme veut vraiment montrer que les contrôles de laboratoire comportaient des lacunes permettant des truquages, il n'a qu'à venir réaliser les mêmes expériences dans les mêmes conditions. S'il ne le fait pas, il re-connaîtra qu'il y a une énorme différence entre une expérience de laboratoire dont le protocole est défini par le testeur et celle que l'illusionniste peut faire avec ses propres accessoires lorsqu'il détermine lui-même les conditions de sa présentation. Jean-Pierre Girard n'a aucune prévention contre les illusionnistes car il a toujours pris beaucoup d'intérêt à leur art. Il m'a demandé de prévoir une prochaine rencontre à Paris avec un spé-cialiste du mentalisme. D'autre part il a accepté de venir au " Congrès de l'Illusion " qui aura lieu en France en novembre prochain. Ce sera une excellente occasion de réunir les illusionnistes qui ont vérifié les phénomènes psychocinétiques, ceux qui les nient, et d'inviter éventuellement des sujets Psi. J'ai pris le soin de signaler cette possibilité déjà aux principaux opposants étrangers tels que Randi (Etats-Unis), David Berglas (Angleterre), Geissler-Werry (Allemagne), et j'attends leur réponse. Je pense que mes confrères ne se comporteront pas comme les détracteurs de Galilée qui refusèrent obstinément de regarder dans sa lunette de peur d'avoir à changer d'opinion. A l'occasion du cas " Geller " c'est donc tout le problème des droits et des devoirs des magi-ciens qui est à l'ordre du jour. En effet s'ils estiment devoir prendre position pour la défense de certains principes il faut dire lesquels et définir un code déontologique. Il faut que ce code spécifie que c'est dans l'unique but de divertir le public qu'il est permis de le tromper. Mais si l'illusion-niste a désormais un devoir du vérité il faut préciser à l'égard de qui. Ce ne peut être que pour pro-téger les chercheurs scientifiques (dont les parapsychologues) contre les charlatans, en les mettant à l'abri des mystifications.
1. Mouvements ou déformations
d'objets dus à une influence énergétique du psychisme.
Pour en savoir plus sur
ce sujet :
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