par Philippe Léna
Revue de Parapsychologie n°4, 1977
La réalité
ou la non réalité des événements étudiés
par la parapsychologie ne sera pas considérée ici. Nous pensons
en effet que si cette discipline ne recouvrait rien de réel elle existerait
quand même, par conséquent on peut l'étudier (ce qui est
exceptionnel) tout à fait indépendemment de son objet. Elle se
présente en fait comme l'expression d'une tendance fondamentale de l'esprit
humain, mais rationalisée puisque nous sommes dans une époque
fortement marquée par le rationalisme scientifique. Il est certain que
VOULOIR RAMENER LA PARAPSYCHOLOGIE A UNE DÉMARCHE SCIENTIFIQUE PURE ET
OBJECTIVE SERAIT FAIRE PREUVE D'UNE NAIVETÉ INACCEPTABLE QUI NE POURRAIT
QUE LUI NUIRE.
Mais y-a-t-il, d'une façon générale, une science pure et
objective ? Il est de plus en plus évident que la frontière postulée
par A. Comte entre la philosophie métaphysique et la science n'est pas
aussi imperméable qu'il l'aurait voulue. Aucune science ne peut se contenter
d'analyser les phénomènes et les lois, il lui est indispensable
d'avoir recours à des modèles théoriques qui les dépassent
et, par déduction à partir de ces modèles, d'aborder le
mode de production des phénomènes, l'explication causale. En un
mot ON NE PEUT SE CONTENTER DE FAITS, IL FAUT EN ÉLABORER LE SENS. On
voit comment, par cette part de subjectivité inévitablement introduite
dans les sciences, s'établit un lien subtil entre elles et la spéculation
métaphysique.
Dans le domaine matériel des sciences (les phénomènes) l'entente entre spécialistes est souvent parfaite, s'il y a désaccord c'est qu'une erreur s'est glissée quelque part et des expériences ultérieures la découvriront. Dans le domaine du sens, de l'interprétation, il n'en va pas de même (notons au passage, et non sans humour, l'originalité de la parapsychologie pour laquelle même le domaine matériel est problèmatique et controversé !) Dans n'importe quelle science les spécialistes opposent des théories qui sur des points cruciaux (inné/acquis, rôle du hasard dans l'évolution, continu/discontinu, déterminisme/probabilisme etc ... ) représentent l'affrontement de deux sortes d'explication révélant des apriori très différents, même si on ne peut plus les réduire au strict matérialisme scientiste ou à l'idéalisme du dix neuvième siècle. Il s'agit souvent de deux visions du monde totalement opposées ; avec toutes les conséquences philosophiques, sociales et même politiques qui en découlent. Et il serait vain de croire qu'une découverte pourrait mettre définitivement tout le monde d'accord ; il y aura toujours place, à quelque niveau que l'on repousse le débat, pour deux formes d'interprétation : L'une qui s'en tient aux faits et tend à interpréter toute nouvelle donnée en fonction du patrimoine scientifique en sa possession (connaissances et méthodes) ; l'autre, qui ne peut s'empêcher de vouloir satisfaire son besoin de compréhension globale, franchit souvent les limites du savoir actuel pour élaborer des théories ou la part de subjectivité est plus importante car il est beaucoup fait appel à l'intuition et à l'imagination. Naturellement des savants des deux camps sont responsables de grandes découvertes. Cependant la première approche parait plus stricte, la seconde plus créatrice. Il est probable qu'elles se complètent harmonieusement au niveau de l'efficacité historique, par delà les conflits idéologiques qui les sous-tendent.
De ce point de vue la parapsychologie
constitue le terrain le plus brûlant actuellement connu, celui où
la tentation de synthèse apriori est la plus forte. C'est à coup
sûr le domaine de recherche le plus impliqué affectivement, celui
donc où nos tendances profondes peuvent à notre insu bousculer
les garde-fous de l'objectivité scientifique. C'est pourquoi, à
son sujet, le monde scientifique se trouve plus que jamais divisé en
deux camps ; chaque camp étant influencé par deux courants de
pensée d'origine très différente : le premier, héritier
du positivisme se veut logique, causaliste, et son apriori réductionniste
ne peut admettre qu'une faculté comme le psi trouve place dans la biochimie
cérébrale qui, pour lui , rend compte ou rendra compte de tous
les processus mentaux. Le deuxième, anti-réductionniste, prêt
à admettre des explications plus intuitives, globalisantes, voir transcausales,
admet
implicitement qu'il peut y avoir un domaine de la réalité dont
les " forces ", " énergies " etc... apparaissent
comme transcendantes par rapport à notre monde de relations causales
analysé par la science actuelle et ses méthodes. Il a son origine
dans les courants idéalistes qui se fondent sur une appréciation
subjective (ex. les "intuitions primitives") et en définitive
sur la pensée archaïque.
Ces deux courants de pensée se trouvent réactualisés par le débat sur la parapsychologie car, ainsi présentés, ils n'obtenaient plus guère de succès auprès des scientifiques. En effet, de nouveaux modes d'approche ont vu le jour depuis quelques dizaines d'années (structuralisme, constructivisme ... ) et tendent à montrer les limites du réductionnisme tout en expliquant mieux ce qu'il laissait jusque là dans l'ombre et qui devenait de ce fait la proie facile des thèses idéalistes.
C'est sans doute grâce à cette évolution de la pensée scieniffique qu'une meilleure approche de la parapsychologie est aujourd'hui possible. On constate que, mis à part quelques retardataires, qui en sont encore a un débat type dix neuvième siècle, les uns agressivement opposés à la parapsychologie (comme A. Comte l'était vis à vis de la psychologie naissante), les autres cherchant au travers elle une confirmation de thèses idéalistes voir même de l'existence de dieu (!), les adversaires et partisans de la parapsychologie s'affrontent aujourd'hui dans un climat un peu moins passionnel et plus teinté de rigueur scientifique. On assiste à un passage progressif du discours à la science.
La critique des adversaires
s'appuie en général sur les arguments suivants :
critique du modus operandi de l'expérience, critique de l'analyse statistique,
fraude et absences des précautions qui pourraient éviter la fraude
(ceci étant dû à une attitude subjective favorable qui ne
met pas en cause l'honnêteté de l'expérimentateur mais émousse
ses facultés critiques): Tous ces arguments sont parfaitement fondés,
comme on s'en est aperçu maintes fois. Une critique formelle de ce type
ne peut qu'être bénéfique pour une discipline qui se cherche
et qui quitte difficilement son premier stade (intuition globale, réalité
transcausale) pour conquérir un point de vue atomistique et réductionniste
dont les chefs de file actuels sont les pays de l'Est.
Ce stade devrait ensuite être dépassé par des modèles plus élaborés qui, pour l'instant, restent à découvrir.
Néanmoins nous assistons là à l'ébauche d'un processus de maturation qui suit les voies empruntées par la pensée scientifique dans les disciplines déjà anciennes et c'est encourageant.
Quant aux partisans ils sont aujourd'hui beaucoup plus prudents, leurs prises de position ne prennent plus cette allure de croisade passionnelle fort désagréable qui régnait il y a quelques années. La notoriété scientifique des chercheurs et l'omniprésence de la fraude les oblige à une plus grande rigueur. L'argument le plus souvent avancé est : " S'il y a quelque chose la véritable attitude scientifique se doit de l'étudier ". Ne négligeons pas non plus l'immense effort d'épuration effectué par les parapsychologues eux-même sur les plans théorique et méthodologique.
Malgré cette évolution
on ne peut éviter une philosophie implicite. Bien qu'il existe des approches
de la parapsychologie tout à fait matérialistes, nous pensons
qu'en dernière analyse l'intérêt pour ces recherches révèle
des motivations inconscientes de type archaïque (ce qui n'est pas forcément
péjoratif). Bon gré mal gré, tous les chercheurs apriori
favorables au psi ont vis à vis de leur propre subjectivité une
attitude fort différente de celle des opposants. Ces attitudes sont à
rattacher aux deux aspects du psychisme humain : Le domaine imaginaire, lié
au
désir (pensée magique); le domaine logico-mathématique
né de la coordination des actions. Les deux nous paraissent aujourd'hui
nettement séparés dans leur domaine d'application, ce qui n'était
vraisemblablement pas le cas à l'origine. Nous savons que la pensée
" scientifique ", c'est à dire basée sur des concepts
d'ordre et de causalité, est aussi ancienne que l'homme et existe au
sein de la pensée magique. La différence consiste en ceci : le
système explicatif de la pensée magique est plus complet, n'admet
pas de brèches (sources d'insécurité) et a recours pour
celà à des liaisons que la science considère comme imaginaires
(ce qui ne veut pas dire dénué de sens, bien au contraire !) Ces
liaisons sont en fait basées sur des analogies tirées de l'observation
(couleur, forme, fonction etc ... ) et ce n'est que lorsque la démarche
expérimentale s'est généralisée et que les capacités
d'observation se sont améliorées que le domaine seul considéré
comme scientifique aujourd'hui (connaissance abstraite, mathématisée)
s'est élargi aux dépens de la " science sensible " et
de la pensée magique qui se trouve ainsi expulsée du monde concret
en tant que facteur explicatif. Son domaine se trouve restreint à l'imaginaire
: la poésie, l'art, la science fiction, le roman, le cinéma, le
théâtre, et parfois des irruptions plus brutales telles que la
drogue, les mystiques orientales, l'occultisme etc...
La pensée magique se trouve chez tout individu, plus ou moins refoulée ou intégrée à l'univers quotidien. Jung a montré qu'un équilibre était nécessaire entre ces deux aspects du psychisme et qu'un compromis devait s'établir pour parvenir à un fonctionnement harmonieux de toutes nos potentialités. Le partage peut se faire de façons très diverses : certains scientifiques soutiennent des thèses tout à fait réductionnistes dans leurs travaux et font preuve par ailleurs d'une foi religieuse inébranlable ; certains individus hyper rationalistes dévorent des romans de science-fiction. D'autres, au contraire, mènent un genre de vie où la poésie, l'impulsion du moment, la sensibilité, jouent un rôle très important tout en leur permettant une intégration sociale satisfaisante. On pourrait multiplier les exemples, mais là où il y a danger c'est lorsque une interaction est possible avec la démarche et la pratique scientifique, biaisant celle-ci à l'insu du sujet.
LA PARAPSYCHOLOGIE EST UN TERRAIN EXTRÊMEMENT FAVORABLE OÙ, SOUS COUVERT DE SCIENCE, DES CONTENUS INCONSCIENTS PEUVENT FAIRE IRRUPTION. CECI NOUS AMÈNE A POSTULER POUR LE CHERCHEUR LA NÉCESSITÉ D'UNE AUTOCRITIQUE PERMANENTE ET D'UNE INTENSE REFLEXION ÉPISTÉMOLOGIQUE qui apparaît ici indispensable et même préalable à toute démarche expérimentale ou théorique, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour les autres disciplines.
La parapsychologie est loin d'être une discipline desséchée, elle possède au contraire une puissante charge affective et c'est ce qui explique son succès auprès du public qui investit en elle toute sa pensée magique, son besoin de merveilleux et de mystère, sans la critique et l'analyse que s'impose le chercheur, même farouchement partisan. Cela explique également que le volume du discours parapsychologique soit sans commune mesure avec le volume des faits et constitue une entité séparée qu'il est nécessaire d'étudier avec les ressources de la psychologie et de la sociologie.
En parapsychologie l'individu
est mis en cause car on lui dit qu'il est sensé posséder les facultés
dont on lui parle. LA VOLONTÉ DE PUISSANCE est intensément sollicitée
et c'est pourquoi des écoles de développement des facultés
psi ont vu le jour un peu partout avec un succès croissant. Mais généralement
les résultats annoncés sont purement imaginaires. Ils reposent
tout simplement sur un renforcement de la croyance à la présence
du psi dans la vie quotidienne, conséquence inévitable de la puissante
auto-suggestion que représente tout exercice répété,
effectué dans un but précis avec une attitude d'esprit favorable.
On enregistre donc un assouplissement des facultés critiques qui conduit
à "interpréter comme psi une coïncidence ou un événement
fortuit." (1).
D'autre part on utilise sans discernement l'analogie et le symbolisme pour prouver
à toutes fins un éventuel contact télépathique ou
une prémonition, en oubliant que par ce biais, si on ne prend garde,
on peut , à partir d'un mot ou d'une idée atteindre la quasi totalité
des significations possibles, ce qui rend non valide une soi-disante preuve
obtenue par ce moyen. Ceux là oublient que l'interprétation ne
peut être maniée, et encore avec précaution, que par des
spécialistes (psychologues, psychanalystes ... ) et sur des cas précis.
AUTREMENT DIT, POUR LIMITER LES CHANCES D'ERREUR, IL FAUDRAIT CONNAITRE PROFONDÉMENT
LE OU LES SUJETS (AU MOYEN DE L'ANALYSE PAR EXEMPLE.) Si ces conditions sont
absentes il s'agit tout simplement d'une forme plus ou moins légère
de DÉLIRE, le SUJET FINISSANT PAR VOIR CE QU'IL DÉSIRE VOIR. On
assiste là à un gonflement du discours sans rapport avec les faits.
On peut considérer que la parapsychologie a actuellement auprès du public un rôle de défoulement de la pensée magique et de dérivation du désir dans des voies où un pseudo accomplissement est possible au travers d'un discours gratifiant. Si le désir restait dans les voies habituelles, il se heurterait à des difficultés frustrantes (économiques politiques etc...) Cette fonction est comparable à la science fiction ou au cinéma mais en beaucoup plus vivant, plus " réel ", plus mystérieux et plus archaïque, donc beaucoup plus puissant. Ceci révèle un aspect nettement négatif du discours parapsychologique et cet éclairage sociologique passionnant nécessiterait des études sérieuses.(2)
Nous soulignons au début de cet article la difficulté d'acquérir la certitude absolue en matière d'évènement psi. En effet pour qu'un fait soit accepté on doit atteindre un minimum de répétitivité, c'est à dire le poids statistique en faveur de l'événement. Or cette ambiguité joue un rôle fondamental en ce qui concerne l'aspect psycho-sociologique ; les certitudes, les mécanismes connus, sont moins propres à remuer les foules ! Par contre, pour le chercheur c'est à la fois, stimulant et irritant.
DOIT-ON CONSIDÉRER
L'ÉVÉNEMENT PSI AU MÊME TITRE QUE L'ÉVÉNEMENT
HISTORIQUE ? Est-ce le fruit d'un moment psychologique privilégié
extrêmement difficile à créer artificiellement ? Ceci conduirait
à abandonner l'expérience pour une attitude descriptive, ce qui
ne conviendrait pas à l'aspect objectif de l'événement
qui révèle apparemment des lois inconnues de la physique. Toujours
est-il QUE L'ORIGINALITÉ DE LA PARAPSYCHOLOGIE EST JUSTEMENT D'ÊTRE
UNE DISCIPLINE S'OCCUPANT DE FAITS A LA FOIS SUBJECTIFS ET OBJECTIFS ET IL EST
IMPOSSIBLE D'ABORDER UN ASPECT SANS L'AUTRE.
Il s'agit, en fait, pour reprendre la terminologie de K. Popper (3) d'étudier
des interactions entre " moi " à l'intérieur du monde
2 " (subjectivité) et des interactions entre le " monde 2 "
et le " monde 1" (les objets, au sens large), interactions qui ont
lieu par des voies inconnues avec en plus un certain degré de liberté
vis à vis du temps; tout cela au moyen du " monde 3 " (connaissance
objective) dont on a vu les liens particuliers avec " le monde 2 ",
en ce qui concerne la parapsychologie ! Ce n'est pas simple.
UNE CONSÉQUENCE LOGIQUE EN TOUT CAS : L'INFLUENCE DE L'EXPERIMENTATEUR
SUR LE RÉSULTAT DE L'EXPÉRIENCE. Cela a été établi
... sur la foi de certaines expériences (cela sent le cercle vicieux,
il faut bien reconnaître que d'un point de vue méthodologique ce
n'est pas très satisfaisant !) La situation était déjà
assez complexe comme cela, voilà que s'y ajoute une notion tout à
fait anti scientifique (à moins d'admettre que toute réalité
n'est que statistique et que la parapsychologie démontre la possibilité
de faire varier la probabilité, même de façon infime). Beaucoup
voudraient réduire cet aspect à la seule tendance interprétative
de l'expérimentateur et à ses erreurs de
el jugement dues à ses apriori. Il est vrai qu'accepter cette notion
laisse le champ libre à toutes les interprétations et toutes les
supercheries. On ne s'est pas privé d'y avoir recours pour expliquer
les ratages et fraudes des médiums. Mais dans ces conditions la parapsychologie
peut-elle encore prétendre être une science ? Ne se réduit-elle
pas à une théorie interprétative se présentant comme
un système bouclé, qui ne peut être remis en question par
un fait, mais trouve toujours le moyen de l'intégrer. (Selon K. Popper
il en irait de même des théories psychanalytiques et marxistes
qui ne sont pas des théories scientifiques car elles ne sont pas réfutables,
leur champ est trop étendu, elles ne peuvent êtres critiquées
que sur un plan conceptuel).
En admettant ce principe de distorsion subjective, il est certain que la parapsychologie
fait un grand pas dans la direction de l'irréfutabilité et donc
hors de la science, tendant à devenir une théorie générale
du monde. On peut donc la réduire au discours.
Tout le problème de la parapsychologie est de trouver des méthodes
nouvelles permettant de cerner le phénomène et d'en découvrir
les lois en restant dans le cadre d'une démarche scientifique. Actuellement
elle a recours à une juxtaposition de méthodes de sciences humaines
et de sciences naturelles, cela a permis de bien situer le problème,
mais aujourd'hui ce n'est plus suffisant. Certains chercheurs l'ont fort bien
compris (surtout en Europe) et ils mettent l'accent sur UN TRAVAIL ESSENTIELLEMENT
MÉTHODOLOGIQUE ET ÉPISTÉMOLOGIQUE, RENONÇANT MOMENTANÉMENT
A POURSUIVRE DES EXPÉRIENCES QUI N'APPORTENT PLUS GRAND CHOSE DE NEUF.
La parapsychologie ne deviendra
véritablement scientifique que si on peut atteindre un certain niveau
de formalisation et y introduire des notions quantitatives. Même si on
doit faire appel à des notions qui dépassent la physique de notre
époque (au niveau espace/temps/énergie) ou la biologie (propriétés
des systèmes complexes en tant que totalités), le psi possède
assurément un mécanisme qu'il faut découvrir. Le reléguer
dans l'inaccessible à cause de ses propriétés déroutantes
et de son manque total d'adéquation avec nos connaissances et nos méthodes
est une démarche de tendance magique et contraire à l'esprit scientifique.
Gageons cependant qu'il sera plus difficile d'établir des invariants
que dans les autres sciences (à cause du POSTULAT D'EFFICACITÉ
SUBJECTIVE), mais l'enjeu en vaut la peine car la compréhension du psi
permettrait un progrès conceptuel incalculable.
En particulier le concept de matière, déjà transformé
par les découvertes de la physique. En y réintégrant les
qualités découvertes par la biologie (ce qui n'est pas encore
terminé), la psychologie et surtout la parapsychologie, la matière
risque de ne plus rien avoir de commun avec l'idée que l'on s'en faisait.
Même l'idéaliste risque d'y trouver son compte.
Ce serait un progrès également vers l'unification de l'homme en tant qu'individu déchiré entre le monde extérieur seul réel et sa subjectivité qui ne serait qu'un pâle reflet sans substance.
Mais, trêve de discours
parapsychologique, on peut se demander s'il est bon que les chercheurs aient
de forts apriori. (nous avons vu qu'il ne peut guère en être autrement).
Considérons le mythe parapsychologique en tant que création du
désir humain, on voit que c'est un autre nom pour le mythe magique :
accomplissement immédiat de la pulsion, l'effet suivant la représentation
sans l'intermédiaire du muscle, de l'outil ou de l'effort. Mais à
ce compte là, tous les progrès technologiques de l'humanité
ne représentent-t-ils pas l'accomplissement du désir, la réalisation
de mythes aussi vieux que l'homme (l'aviation par ex.)
Tous les perfectionnements apportés à la technique ne font que
nous rapprocher de la réalisation du mythe magique qui doit agir comme
moteur et réservoir d'idées, de créativité, vis
à vis de la démarche logique. On peut donc penser que, au moins
statistiquement, de forts à priori cachent de fortes motivations inconscientes
qui peuvent être un facteur de
progrès. L'essentiel est qu'il existe une dialectique permanente avec
le domaine logico-mathématique qui joue le rôle de filtreur et
de vérificateur. Certaines personnes fonctionnent parfaitement sur les
deux niveaux, et c'est probablement un atout majeur pour un chercheur.
Pour en revenir au titre de cet article, nous pouvons dire après ce rapide aperçu, qu'en parapsychologie il y a beaucoup de discours et peu de science. Fort heureusement, grâce à une critique constructive et une maturation en bonne voie, la quantité de science est en passe de s'accroître. Espérons que parallèlement, l'information véritablement scientifique, sans caractère sensationnel, sera de mieux en mieux acceptée du public qui saura voir qu'elle est finalement beaucoup plus passionnante que les discours délirants vieux comme le monde et qui tournent en rond. Ceux-ci ne peuvent présenter qu'un intérêt psychologique, sociologique, voir ethnologique et linguistique, mais en aucun cas parapsychologique.
NOTES
(1) La parapsychologie pose le problème de la coïncidence ou de l'événement fortuit : l'établissement d'une liaison entre l'imaginaire (événement subjectivement prévisible) et le monde physique (événement objectivement improbable) montre l'existence d'un événement Psi, nous parlerons de " coïncidence significative " et nous reposerons sous d'autres termes la notion de hasard. Voir à ce sujet l'article de P. Janin " Psychisme et hasard ". J.M.
(2) Voir à ce sujet, avec toutes les réserves nécessaires, l'article de HSIN PING " the Rampancy of parapsychology and the decline of the superpowers " paru dans Scientia Sinica vol XVIII NI, 4. Juillet Août 1975. J.M.
(3) K. Popper : " Logique de la découverte scientifique "