HYPNOSE ET PARAPSYCHOLOGIE

(une revue de la littérature)

Revue de Parapsychologie n°5, septembre 1977

Docteur C. MOREAU et R. ROGEZ (Équipe de Recherche en Parapsychologie, Service de Psychiatrie A -Pr SIZARET - Centre Hospitalier Universitaire Bretonneau, 37033 TOURS CEDEX).

I - INTRODUCTION

Dans l'esprit du grand public l'hypnose et la parapsychologie sont traditionnellement associées dans le monde du mystérieux et de l'occultisme. Ces deux champs ont une longue histoire commune dont la connaissance est essentielle pour comprendre l'origine de leur confusion, entretenue encore par des ouvrages populaires contemporains (68). Cette conception, qui mériterait de soulever bien des réserves, n'est pourtant pas complètement dénuée de fondements. Dans les deux cas il s'agit de domaines à propos desquels les recherches sont parfois contradictoires et souvent controversées, et dont aucune théorie définie ne peut encore actuellement rendre compte complètement. Mais surtout des constatations anciennes et des recherches expérimentales récentes montrent des liens plus essentiels, en ce sens que l'état hypnotique semble être un état mental facilitateur des phénomènes parapsychologiques, notamment de type Perception Extra-Sensorielle (ESP) : télépathie, clairvoyance ou précognition. C'est cet aspect de la question que nous exposerons ici. Si hypnose et parapsychologie sont abusivement confondues dans l'esprit du public, il nous semble en effet que leurs liens sont paradoxalement trop méconnus par les psychologues et psychopathologistes qui s'intéressent à l'hypnose.

Il est surprenant en effet de constater que les phénomènes parapsychologiques semblent avoir très peu retenu l'attention des spécialistes contemporains de l'hypnose. On ne trouve pratiquement pas de mention des phénomènes de perception extra- sensorielle, tant soulignés au siècle dernier, dans les ouvrages contemporains sur l'hypnose. Cette distance prise par les praticiens de l'hypnose à l'égard du paranormal est aisément compréhensible si on tient compte des nécessités tactiques qui se sont imposées à eux pour faire reconnaître l'authenticité des phénomènes hypnotiques. Les hypnotiseurs ont dû se battre pour se défaire de leur image de magiciens et venir a bout des résistances irrationnelles issues des fantasmes de toute puissance réveillées dans le public. Il reste pourtant qu'on ne peut pour autant continuer à ignorer la somme de recherches qui confirment chaque jour davantage la possibilité de survenue de phénomènes paranormaux sous hypnose.

S'il ne semble pas nécessaire de redéfinir ici les principaux concepts de la parapsychologie auxquels nous aurons à faire appel, il n'est peut-être pas inutile de rappeler quelques notions à propos de l'hypnose. Il n'existe guère de définition de l'hypnose qui ne fasse l'objet de critiques, les diverses définitions proposées dépendent souvent de présupposés théoriques. L'hypnose est traditionnellent définie comme un type particulier d' "Etat Altéré de Conscience", induit artificiellement au moyen de techniques d'induction qui peuvent d'ailleurs être des plus diverses : fixation du regard, suggestion verbale, etc... Les principales caractéristiques de cet état hypnotique sont, selon HILGARD, la passivité, la redistribution de l'attention, l'accroissement de la fantasmatisation et du jeu de rôle, l'accentuation de la tolérance aux déformations de la réalité et l'hypersuggestibilité. Aucune modification neurophysiologique particulière n'a été retrouvée jusqu'ici pour expliquer cet état. Certains auteurs, comme BARBER en particulier (1), en sont venus finalement à remettre en cause la valeur heuristique du concept d'hypnose, soutenant que les phénomènes observés sous hypnose pourraient I'être tout aussi bien à l'état de veille pourvu qu'on ait donné au sujet une motivation suffisante. L'hypnose serait alors le résultat de la motivation à se comporter en personne hypnotisée selon l'idée que s'en fait le sujet et les directives de l'hypnotiseur. Il est difficile actuellement de prendre position par rapport à cette controverse et, pour le domaine qui nous préoccupe, il nous suffira de regarder l'hypnose comme un type particulier d'Etat Altéré de Conscience.

II- ASPECTS HISTORIQUES

Il est tout à fait frappant de constater que l'histoire de l'hypnose fut très tôt associée à des constatations relevant du champ de la parapsychologie. Celui qui est généralement considéré comme le fondateur de l'hypnose en occident , F.A. MESMER, remarquait déjà en 1779 dans son "Mémoire sur la découverte du magnétisme animal" que "quelquefois, grâce à un sens intérieur, le somnambule peut voir distinctement le passé et le futur" ou encore localiser des objets égarés. De même l'un des successeurs direct de MESMER, le Marquis de PUYSEGUR, avait été frappé des dons de divination d'un de ses sujets, le paysan Victor Race, Iorsqu'il était mis en état de sommeil somnambulique. Il avait remarqué également que celui-ci était capable de percevoir ses pensées bien qu'il ne les ait pas exprimées. L'étude des phénomènes paranormaux sous hypnose prit une ampleur considé au XIXème siècle au point qu'il est impossible de prétendre en faire le tour dans ce travail. Signalons simplement, pour donner un ordre de grandeur, que I'étude monumentale de DINGWALL (11), qui constitue la revue la plus complète des études du XIXème siècle sur les phénomènes paranormaux observés sous hypnose, s'étend sur quatre volumes ! Plusieurs types de faits avaient été constatés par de nombreux auteurs, dont nous ne donnerons ici qu'un aperçu. La plupart s'observaient dans l'état de "sommeil-lucide".

A - Communauté de sensation

Le caractère très particulier du "rapport" entre hypnotiseur et sujet semblait être particulièrement illustré par les phénomènes de communauté de sensation.

John ELLIOTSON, en 1847, avait remarqué que lorsqu'il se piquait ou goûtait une substance, son sujet sous hypnose manifestait comme s'il avait éprouvé lui-même ces sensations, alors qu'il ne pouvait voir ce qu'était en train de faire l'hypnotiseur. Il démontra ces propriétés devant une commission médicale.

On retrouve des constatations analogues sous la plume du Docteur AZAM en 1889, qui prétend qu'un patient hypnotisé est capable de sentir le goût de substances qu'il avait placé dans sa propre bouche. Citons également des expériences identiques par KEGAN-PAUL, et par William BARRET qui fit une communication sur le sujet en 1876 à la Société Britannique pour l'Avancement des Sciences.

Voici comment BARRET décrit ses expériences :

"J'avais pris certaines choses dans mon garde-manger et je les avais apportées et mises sur la table à côté de moi. Me tenant derrière la fillette, dont les yeux étaient soigneusement bandés, je mis un peu de sel dans ma bouche; la fillette cracha aussitôt en s'écriant : "pourquoi mettez-vous du sel dans ma bouche ?". Ensuite j'ai goûté du sucre et elle a dit : "c'est meilleur ( ... ), c'est sucré". Ensuite j'ai goûté à la moutarde, au poivre, au gingembre, etc... La fillette nommait tout cela et avait apparemment une sensation gustative quand je mettais les épices dans ma bouche. J'approchai ma main d'une bougie allumée et me brûlai légèrement ; la fillette assise, toujours les yeux bandés et me tournant le dos, s'écria au même moment qu'elle s'était brûlée la main, tout en manifestant une douleur évidente".

Toutefois dans la mesure où l'hypnotiseur était dans la même pièce, il est difficile d'éliminer la possibilité de perceptions subliminales par le sujet.

Des études expérimentales mieux contrôlées furent entreprises en 1883 par GURNEY à la Society for Psychical Research. Le sujet en état de transe hypnotique devait décrire ses sensations tandis que l'hypnotiseur goûtait diverses substances dans une autre pièce. Un certain nombre de correspondances frappantes furent observées. Dans d'autres études faites par GURNEY et PODMORE en 1895, on étudia les réactions du sujet lorsque l'hypnotiseur était piqué et des impressions de douleur furent observées simultanément chez le sujet. Toutes les expériences ne furent pas toujours des succès et une évaluation quantitative de ce matériel est difficile.

Pourquoi de telles constatations ne sont-elles plus rapportées aujourd'hui ? Peut-on simplement supposer un défaut d'observation des vieux auteurs qui se seraient mépris sur le phénomène ? La convergence de leurs observations reste troublante.

B - Clairvoyance sous hypnose

Nombreux également furent les hypnotiseurs qui, après MESMER et de PUYSEGUR, rapportèrent des observations de clairvoyance sous hypnose. En 1831 une commission de l'Académie des Sciences obtint plusieurs démonstrations de clairvoyance par des sujets hypnotisés. Quelques uns par exemple se montrèrent capable d'identifier des cartes les yeux bandés et, bien que les conditions de contrôle ne nous paraîtraient guère satisfaisantes aujourd'hui, ces démonstrations suscitèrent un grand intérêt. Des observations plus spectaculaires de clairvoyance furent rapportées par WESERMAN (1819), HADDOCK (1849), MAYO (1851), BACKMAN (1892), BARRET (1911), PAGENSTECHER (1921) et BJORKHEM (1942).

Ainsi BARRET après avoir hypnotisé une jeune Irlandaise qui n'était guère sortie de son village, lui commanda d'imaginer qu'elle se rendait dans une boutique de Regent Street à laquelle il pensait. Il obtint une description exacte de l'endroit où se trouvait cette boutique et de l'aspect de celle-ci. On peut citer aussi l'exemple de LEONIE, la célèbre patiente étudiée par JANET et RICHET qui, alors qu'elle était au HAVRE dans un état hypnotique, aurait décrit une brûlure que RICHET s'était faite accidentellement au même moment à PARIS.

On pourrait multiplier les anecdotes de ce genre qui fourmillent dans la littérature du dix-neuvième siècle consacrée à l'hypnose. Il est facile de considérer de telle histoires comme relevant de l'illusion, de fautes d'observations ou de fabulations, Pourtant on ne peut ignorer que de nombreux cas furent rapportés par des observateurs réputés. Et il faut surtout souligner que ce phénomène de clairvoyance hypnotique est encore décrit de nos jours, sous des traits moins spectaculaires : c'est lui qui fait l'objet de la plupart des recherches expérimentales modernes dont nous verrons plus loin le succès.

C - Hypnose à distance

C'est non moins fréquemment qu'on retrouve dans la littérature le phénomène d'hypnose à distance. L'un des tous premiers hypnotiseurs, BERTRAND avait observé dès 1823 que ses sujets semblaient obéir parfois à ses suggestions mentales. Il avait remarqué que lorsqu'il donnait une suggestions verbale à un sujet alors qu'il pensait exactement l'inverse, le sujet manifestait un état de confusion jusqu'à ce que BERTRAND accorde ses paroles à ses pensées. Tout semblait donc se passer comme si c'était la pensée de l'hypnotiseur qui était à l'origine des manifestation hypnotiques.

Plusieurs auteurs eurent l'idée, de ce fait, de tenter d'hypnotiser leurs sujets distance et à leur insu. En 1846, James ESDAILE, chirurgien britannique travailla au BENGALE, publia un ouvrage où il décrivait ses expériences avec un aveugle qu'il parvenait à hypnotiser à distance dans l'enceinte de l'hôpital. "Ma premier tentative pour influencer cet aveugle, écrit-il, consista à le fixer du regard en silence par-dessus un mur, à une distance d'une vingtaine de mètres, tandis qu'il était seul en train de diner. Il cessa progressivement de manger et au bout d'un quart d'heure fut profondément endormi, dans un état cataleptique. Ceci put être répété aux heures les plus improvistes, alors qu'il ne pouvait pas me savoir dans le voisinage, avec des résultats identiques." Des faits analogues sont rapportés par Herbert MAYO en 1851 et en 1917 par BOIRAC, recteur de l'Académie de Dijon encore que dans ce dernier cas on ait diverses raisons de penser qu'aient pu se glisser des supercheries de la part des sujets.

Mais les observations les plus célèbres sont certainement celles faites au HAVRE par Pierre JANET et GIBERT, sur la paysanne normande Léonie B. Les communications de JANET, laissées curieusement dans l'oubli par la suite, furent l'origine dans les années 1886-88 de discussions passionnées à la Société de Psychologie Physiologique de Paris et suscitèrent plusieurs recherches sur ce genre de phénomène, notamment de la part de RICHET, OCHOROWICZ et MYERS qui confirmèrent les observations faites avec LEONIE.

Rappelons que dans ces publications JANET rapporte de nombreux cas de sommeil hypnotique, provoqué à distance à l'insu du sujet par l'hypnotiseur, dans les conditions de contrôle qui parurent alors exclure toute fuite sensorielle et toute supercherie. Les faits furent reproduits et authentifiés à plusieurs reprises, par plusieurs cliniciens. Nous nous réservons d'y consacrer une étude détaillée prochainement (0)

D - Suggestion mentale

Dans ses publications consacrées à LEONIE, JANET avait rapporté également la possibilité de suggestions hypnotiques purement mentales. On redécouvrit alors des constatations de ce genre dans les écrits des vieux hypnotiseurs, et plusieurs auteurs rapportèrent des faits identiques. On entendait par suggestion mentale hypnotique "l'influence que la pensée de l'hypnotiseur exerce soit sur la pensée de l'hypnotisé, soit sur l'apparition chez cet hypnotisé de phénomènes somatiques de nature hypnotique, sans que la pensée de l'hypnotiseur soit accompagnée de phénomènes extérieurs appréciables pour l'hypnotisé et pouvant lui servir de signes ou même d'indices". Ce phénomène télépathique semblait très spécifique de l'état hypnotique.

En se limitant par exemple aux auteurs français on peut trouver de telles observations chez LIEBAULT, JANET, RICHET, RUAULT, etc...

Citons simplement un exemple emprunté à JANET à propos de Léonie B.

"Le 8 octobre, Monsieur GIBERT fit une suggestion de ce genre : sans prononcer aucun mot il approcha son front de celui de Mme B. pendant le sommeil léthargique et pendant quelques instants concentra sa pensée sur l'ordre qu'il lui donnait. Mme B. parut ressentir une impression pénible et poussa un gémissement ; d'ailleurs le sommeil ne parut pas du tout être dérangé. M. GIBERT ne dit à personne l'ordre qu'il avait donné et se contenta de l'écrire sur un papier qu'il mit sous enveloppe. Le lendemain je revins auprès de Mme B. pour voir l'effet de cette suggestion qui devait s'exécuter entre 11 heures et midi. A 11 heures 30 cette femme manifeste la plus grande agitation, quitte la cuisine où elle était et va dans une chambre prendre un verre qu'elle emporte ; puis, surmontant sa timidité, se décide à entrer dans le salon où je me trouvais, et toute émue demande si on ne l'a pas appelée ; sur ma réponse négative elle sort et continue plusieurs fois à monter de la cuisine au salon sans rien apporter d'ailleurs. Elle ne fit rien de plus ce jour-là car bientôt elle tomba, endormie à distance par M. GIBERT. Voici ce qu'elle raconta pendant son sommeil : "Je tremblais quand je suis venue vous demander si on m'avait appelée... il fallait que je vienne... c'était pas commode de venir avec ce plateau... pourquoi veut-on me faire porter des verres... qu'est-ce que j'allais dire, n'est-ce pas... je ne veux pas que vous fassiez cela... il fallait bien que je dise quelque chose en venant.

En ouvrant l'enveloppe, je vis que M. GIBERT avait commandé hier à Mme B. "d'offrir un verre d'eau à chacun de ces messieurs". Ici encore il faut reconnaitre que l'expérience n'avait pas entièrement réussi, la suggestion n'avait pas été exécutée ; peut-on nier du moins qu'elle n'ait été comprise ? ( ... ). Les faits que je viens de raconter ont un caractère commun ; ils nous montrent tous chez Madame B. une sorte de faculté, je ne sais laquelle, de percevoir la pensée d'autrui, et il semble bien en effet que ce soit là un des traits principaux que l'on remarque dans son état somnanbulique", (30. p 196-197)

(0) Un de nos collaborateurs est en train de reprendre l'étude des textes de cette époque, afin notamment de comprendre le comportement ambivalent de JANET dans cette affaire.

Conclusion

La survenue de phénomènes parapsychologiques sous hypnose semble donc avoir été décrite avec insistance par les psychopathologistes du siècle dernier. Comment s'expliquer alors leur déclin dans les études contemporaines sur l'hypnose, au point qu'il ne sont même pas mentionnés dans la plupart des traités récents ?

Il est certain que beaucoup des observations des auteurs classiques ne sauraient satisfaire les exigences des chercheurs modernes quant aux précautions méthodologiques qui auraient été nécessaires pour une évaluation correcte des faits rapportés. On pourrait par conséquent avancer que le déclin de ces phénomènes vient tout simplement d'une plus grande exigence d'observation, qui ne laisse plus de place à l'illusion. Cette conception, qui semble prévaloir dans les milieux académiques, ne peut cependant satisfaire complètement car, outre qu'il est difficile de faire reposer toute l'explication sur l'incompétence de nos prédécesseurs, les recherches expérimentales modernes, faites selon les critères les plus stricts, persistent à confirmer l'existence de ces faits, comme nous le verrons.

Peut-être est-ce l'indifférence même des chercheurs contemporains, qui regardent ces phénomènes avec scepticisme, qui pourrait expliquer le déclin observé. Le contexte culturel du dix-neuvième siècle peut avoir été favorable à l'émergence de manifestations Psi plus spectaculaires que celles observées de nos jours. Et il ne faut certainement pas négliger les différences existant entre l'hypnose à visée thérapeutique pratiquée au cabinet du médecin-guérisseur, avec une forte dimension transférentielle, et l'hypnose relativement "aseptisée" d'un laboratoire de psychologie expérimentale. LE CRON (35) a également émis l'hypothèse que les hypnotiseurs du dix-neuvième siècle atteignaient des niveaux de transe plus profonds, ce qui pourrait expliquer la magnitude des effets Psi.

III - LES RECHERCHES CONTEMPORAINES

Sans qu'on puisse comparer à"l'âge d'or" de la fin du XIXè siècle, il ne fait pas de doute que l'intérêt des parapsychologues pour l'hypnose renait d'une façon remarquable depuis ces vingt dernières années. Il s'intègre à un contexte de recherche plus général dominant la parapsychologie contemporaine : celui de l'étude des "Etats Altérés de Conscience", qui semblent être favorables à l'émergence des phénomènes PSI.

Parallèlement à l'évolution de la méthodologie en parapsychologie expérimentale, il est possible de distinguer schématiquement deux grands types d'études utilisant l'hypnose. Chronologiquement, et à la suite de l'école de RHINE, on a d'abord utilisé la technique expérimentale à réponses forcées (cartes de ZENER essentiellement). Cependant, depuis quelques années, à la suite de la technique de quantification des réponses libres largement développée par l'école du Maïmonides Médical Center, les recherches utilisant les réponses libres ont pris un essort important ; ce sont elles qui sont généralement utilisées maintenant dans les études sur les Etats Altérés de Conscience. Nous présentons donc successivement les résultats obtenus par ces deux types de méthode. Par ailleurs, nous aborderons le problème complexe de l'utilisation de l'hypnose comme méthode d'entraînement à l'ESP (Technique de RYZL), avant de dire quelques mots des recherches sur l'hypnose à distance.

A - Hypnose et tests ESP à réponse forcée :

Dès le début des études sur l'ESP, avec les cartes de ZENER, l'école de RHINE a pensé à utiliser l'hypnose pour tenter d'améliorer les résultats. Les récits des précurseurs de la fin du XIXè siècle pouvaient laisser espérer un net accroissement des performances, mais les attentes furent bien vite déçues, au point que RHINE en vint à rejeter définitivement l'utilisation de l'hypnose. Se livrant à une revue générale de la question en 1940, il écrit dans "Extrasensory Perception after Sixty Years" (48,, P.267) : "que cet état induit par les expérimentations n'a pas permis d'obtenir d'évidence significative de capacités de GESP chez les sujets testés".

Comme le souligne VAN DE CASTLE, l'opinion de RHINE parait cependant d'une sévérité excessive, au vu de certains résultats obtenus à la Duke University, dès cette époque par ses élèves mêmes. Dans le premier ouvrage publié par le Laboratoire de Parapsychologie en 1934, "Extrasensory Perception' (47), on trouve en effet rapportées deux études positives. Ainsi, une recherche de LUNDHOLM et RHINE avec 30 sujets donna des résultats, certes peu spectaculaires, mais qui peuvent néanmoins être considérés comme significatifs (p<.04). Le même ouvrage relate une étude faite sous hypnose par STUART chez six étudiants ayant également donné des résultats positifs (p<.0000 1). Enfin, dans la revue générale de 1940 (p. 267), une note mentionne une étude de ZIRKLE et OWNBEY, au cours de laquelle les sujets effectuèrent 105 séries ("runs") à l'état vigile et 105 séries sous hypnose. Seuls les résultats obtenus sous hypnose furent significatifs (p< .01). RHINE estima cependant que l'étude n'était pas concluante car les sujets savaient que le but de l'expérience était d'obtenir des résultats plus élevés sous hypnose.

Cette objection de RHINE n'est pas vaine et reste au coeur des problèmes méthodologiques concernant l'influence de l'hypnose sur les performances ESP. La plupart des expérimentateurs modernes insistent sur la difficulté de répondre de façon formelle à cette question : est-ce l'état hypnotique en tant que tel, ou seulement l'attente de meilleurs résultats de la part des sujets, qui est à l'origine de l'amélioration constatée des performances? Seuls des groupes de contrôle correctement appariés permettraient de faire avancer la question, et c'est cette méthode qui est utilisée dans les recherches les plus modernes (HONORTON), car on peut contester en effet l'utilisation des sujets éveillés comme leurs propres témoins. Si on ajoute à cela l'absence de consensus sur la nature exacte du phénomène hypnotique (BARBER), la variabilité des techniques d'induction utilisables, la variabilité du niveau hypnotique obtenu, on a une idée de la complexité extrême des facteurs susceptibles d'intervenir dans les résultats(*)

Quoi qu'il en soit une donnée se dégage nettement : sans qu'on sache exactement le facteur qui intervient, les études faites sous hypnose montrent une amélioration des performances ESP des sujets. Plusieurs recherches faites avec des cartes de ZENER confirment ce fait. HONORTON et KRIPPNER (28) faisant en 1969 une revue de ces études soulignèrent que presque toutes (trois seulement furent négatives) donnèrent des différences significatives entre l'hypnose et l'état éveillé. Nous allons en donner un aperçu schématique.

(*) Voir la discussion détaillée de ces problèmes méthodologiques, sur lesquels nous ne pouvons insister dans ce bref travail : in HONORTON & KRIPPNER (28).

1/ GRELA

Cette étude publiée en 1945 (19) se proposait de comparer les performance obtenues en GESP ("télépathie") à l'état de veille ou à la suite de suggestions post-hypnotiques. Un groupe de témoins de dix sujets accomplit 95 séries (runs) de carte ESP à l'état de veille. Un groupe de 11 sujets accomplit d'une part 79 séries avec des suggestions post-hypnotiques de réussite et d'autre part 70 séries avec de suggestions post-hypnotiques d'échec.

Les trois conditions expérimentales donnèrent un nombre de touches supérieur à l'espérance moyenne, mais seules les séries accomplies dans les conditions de suggestions post-hypnotique de réussite s'écartèrent du hasard de façon significative (p<.01). Toutefois, la différence des résultats des trois conditions n'est pas significative et on ne peut donc affirmer que la suggestion post-hypnotique ait été le facteur responsable des bons résultats observés.

2/ FAHLER

a) Un premier travail de 1957 (15) compare les performances accomplies avec des cartes ESP par quatre sujets à l'état de veille ou sous hypnose, chacun des sujets accomplissant un nombre égal de séries de l'une ou de l'autre de ces conditions. Les tests furent à la fois des tests de clairvoyance (85 runs dans chaque condition) et des tests de précognition (95 runs dans chaque condition).

Globalement les résultats sont nettement plus élevés sous hypnose qu'à l'état vigile (la moyenne par run est de 5,57 sous hypnose et 4,96 à l'état de veille), la différence étant statistiquement significative (p<.01).

b) Un nouveau travail de FAHLER et CADORET en 1958 (16) rapporte trois études successives avec des résultats qui se confirment.

- La première étude compare les performances des sujets à l'état de veille ou sous hypnose lors des tests de GESP et de clairvoyance. Les résultats obtenus sont au-dessous de la chance aussi bien à l'état de veille (p <.01) que sous hypnose (p<.00001).

- Dans la seconde étude, 11 sujets effectuèrent 105 séries de clairvoyance à l'état vigile et 105 séries de clairvoyance sous hypnose. L'ordre des séries était contrebalancé pour faire la part de l'effet de déclin. Les essais de clairvoyance à l'état de veille ne donnèrent pas de résultats différents du hasard, mais les essais accomplis sous hypnose donnèrent des résultats nettement au-dessus du hasard (moyenne 6,12 ; p<.0000001). La différence entre les deux conditions est significative.

- La troisième étude fut sensiblement identique à la précédente, les sujets étant placés dans des cages de Faraday. Les résultats sont superposables : seuls les essais de clairvoyance sous hypnose donnèrent des résultats au-dessus du hasard (moyenne = 6,52 ; p,< 10-10). La différence entre les deux conditions est hautement significative.

3/ NASH et DURKIN - 1959 (36)

Dans une étude avec deux sujets ayant effectué 300 essais à l'état vigile et 300 essais sous hypnose, les auteurs n'obtinrent pas de différences significatives entre les deux conditions.

4/ DAVIS - 1961 (10 et 65)

Le but de cette étude était de comparer les performances ESP de trois groupes de sujets (très hypnotisables, moyennement hypnotisables et non- hypnotisables) dans diverses conditions : état de veille, état de veille avec suggestion de réussite, hypnose, hypnose avec suggestion de réussite, suggestion post-hypnotique de réussite (les trois dernières conditions n'étant évidemment utilisées que chez les sujets hypnotisables). Il s'agissait de tests de clairvoyance avec des cartes de ZENER en couleur, les touches pouvant porter sur la forme ou la couleur.

Les moyennes des séries pour chacune des conditions faisant intervenir l'hypnose furent supérieures à celles de chacune des conditions à l'état de veille, mais les différences ne sont pas statistiquement significatives. Le plus haut score fut obtenu sous hypnose sans suggestion et le plus bas à l'état de veille sans suggestion. La différence entre ces deux conditions est significative à p .05. En ce qui concerne les touches sur les formes, l'ensemble des résultats obtenus sous hypnose diffère également de façon significative de ceux obtenus à l'état de veille (p .01).

 

5/ CASLER

a) Le premier travail de CASLER en 1962 (5) rapporte deux études.

- La première étude visait à comparer l'efficacité des suggestions de réussite données soit à l'état de veille, soit sous hypnose. Les suggestions de réussite n'améliorèrent pas de façon significative les résultats du groupe de sujets "éveillés" ; par contre le groupe sous hypnose accrut ses résultats de façon significative (p<.0002).

- La deuxième étude comparait les performances de 15 sujets accomplissant chacun en clairvoyance 4 runs à l'état de veille et 4 runs sous hypnose. Les résultats obtenus sous hypnose (moyenne = 5,61) sont supérieurs à ceux obtenus à l'état de veille (moyenne = 4,87) de façon significative (p<.01).

b) En 1964 CASLER publie un nouveau travail (6)

Cette étude faite avec 15 sujets fut assez semblable à la précédente, mais utilisait une technique de GESP, l'agent étant lui aussi tantôt éveillé, tantât hypnotisé. Là encore les résultats obtenus sous hypnose (moyenne : 5,43) sont supérieurs à ceux obtenus à l'état de veille (moyenne : 4,72) de façon significative (p<.01).

c) Une troisième publication de CASLER en 1967 (7) rapporte une nouvelle étude faite avec une technique de clairvoyance portant sur 21 sujets. Les réussites sous hypnose diffèrent de façon significative (moyenne = 5,27) (p<,.025) de celles obtenues à l'état de veille (moyenne = 4,70).

Sans entrer dans les détails des variantes techniques utilisées par CASLER, les résultats de ses trois études apparaissent donc remarquablement convergents.

6/ RAO - 1964 (45)

Au cours d'études de clairvoyance avec un test ESP portant sur des mots, une brève série fit intervenir l'hypnose. Le sujet devait effectuer 20 runs à l'état de veille et 20 runs sous hypnose avec suggestion hypnotique de réussite. Les résultats obtenus sous hypnose (moyenne = 5,65) furent supérieurs à ceux obtenus à l'état de veille (moyenne 4,10) de façon significative (p<.02).

7/ EDMUNDS et JOLLIFFE - 1965 (13)

Les quatre sujets de cette expérience participèrent d'abord à une vingtaine de séances d"entrainement à l'hypnose, tandis que des suggestions répétées leur furent données, suggérant qu'ils développaient leurs capacités ESP. Chaque sujet accomplit 80 runs sous hypnose, et 16 runs à l'état éveillé à titre de témoin. Aucun resultat significatif ne fut obtenu sur l'ensemble des résultats, ni de différence significative entre les deux conditions.

8/ HONORTON

Des dix études précédentes, sept montrèrent donc que les résultats obtenus sous hypnose étaient, de façon significative, plus élevés que ceux obtenus à l'état de veille. L'étude entreprise par HONORTON repose sur une hypothèse plus élaborée. Il pose que l'hypnose doit augmenter l'amplitude de l'ESP, le sens de la déviation étant dépendant de caractéristiques de personnalité du sujet. Selon cette hypothèse, l'hypnose doit augmenter le nombre des touches chez les "moutons" et accentuer le ratage excédentaire ("psi-missing") chez les "chèvres". La séparation des sujets devant produire un nombre de touches supérieures à la moyenne (psi-hitting) de ceux devant produire un ratage excédentaire (psi-missing) peut être faite à l'avance par un questionnaire approprié (questionnaire d'intérêt de STUART et HUMPHREY).

a) En 1964, une première étude (22) fut entreprise avec six sujets, dont deux devaient être d'après le questionnaire des "rateurs excédentaires" (low-scoring subjects). A l'état éveillé, tous les résultats se situèrent au niveau du hasard. Sous hypnose, on put observer une différence significative entre les sujets prédits à score positif et ceux prédits à score négatif (p<.003). Sous hypnose ces derniers obtiennent un ratage excédentaire hautement significatif (M=2,83 ;p<.0003).

b) En 1966 (23) une confirmation de l'étude précédente fut obtenue avec 20 sujets, effectuant chacun en clairvoyance 5 runs à l'état éveillé et 5 runs sous hypnose.

Sous hypnose, la différence entre les sujets prédits à score positif (M =5,42) et les sujets prédits à score négatif (M = 4,42) fut significative (p<.006). Pour ce dernier groupe la différence entre les résultats à l'état de veile et ceux sous hypnose est également significative (p<.015).

c) Afin de faire la part des suggestions verbales, une nouvelle étude fut entreprise par HONORTON en 1969 (24) utilisant cette fois des suggestions à l'état de veille sans hypnose. Les déviations s'effectuèrent de façon parallèle à celles observées sous hypnose, mais furent insuffisantes pour obtenir des valeurs significatives.

CONCLUSION

Les études comparant les performances ESP de sujets à l'état éveillé et sous hypnose montrent d'une façon assez générale une net accroissement des résultats sous hypnose. L'ensemble des résultats de ces expériences est résumé dans le tableau 1. Si on ajoute les résultats positifs de ZIRKLE et OWNBEY, cités plus haut, et ceux de RYZL, cités plus loin, on dispose d'un ensemble de 14 publications faites par dix équipes différentes. Onze de ces études mirent en évidence une différence significative entre les résultats obtenus sous hypnose et ceux obtenus à l'état de veille. VAN DE CASTLE, se livrant à une évaluation globale (65) souligne qu'au total, 1 776 séries de cartes ESP furent effectuées sous hypnose donnant une moyenne de 5,51 touches par série et une signification statistique de valeur astronomique (p = 10-20) tandis que les 1 381 séries effectuées à l'état vigile ne donnèrent pas de déviation significative. La facilitation des phénomènes ESP par l'hypnose semble donc être une donnée acquise. La question reste posée toutefois du mécanisme de cette facilitation. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.

B - Hypnose et tests ESP à réponses libres

 

Au vu des données historiques et des études expérimentales avec des cartes ESP, de solides arguments plaident donc en faveur d'une relation entre l'hypnose et l'ESP, même si l'élucidation de la nature de cette relation est encore fort problématique. Compte tenu de son effet facilitateur de l'ESP, l'hypnose promettait d'être particulièrement intéressante dans les tests ESP à réponse libre, mieux adaptés à une utilisation sous hypnose. L'essor particulier de tests à réponse libre fut surtout lié aux études sur les phénomènes télépathiques du rêve, conduites au MAIMONIDES MEDICAL CENTER de NEW-YORK avec des résultats remarquables. Mais la technique d'étude parapsychologique des rêves nocturnes avec enregistrement électro-encéphalographique continu étant particulièrement onéreuse, les chercheurs de l'équipe du MAIMONIDES eurent dès 1965 l'idée d'étudier par une technique analogue les rêveries hypnotiques.

Rappelons que dans les tests ESP à réponse libre, le sujet doit chercher à visualiser librement une "cible" tirée au hasard et qu'il ne peut voir. Cette cible peut être une carte postale, reproduction de peinture le plus souvent, ou encore une série de diapositives. A la fin de la rêverie hypnotique, les commentaires du sujet ayant été consignés par écrit, il est possible d'attribuer à l'aveugle une note de ressemblance entre le contenu de la rêverie hypnotique du sujet et un enserrmble de reproductions de peintures parmi lesquelles figure la cible effectivement utilisée dans la tentative ESP. Cette notation peut être faite par le sujet lui-même, ou par des juges extérieurs. Ultérieurement une analyse statistique relativement simple permet de voir si les descriptions du sujet ressemblent de façon significative aux cibles utilisées lors des essais successifs. L'intérêt de cette méthode réside dans le fait que les réponses libres du sujet sont mieux adaptées que le choix des cartes de ZENER lorsqu'on place celui-ci dans un état altéré de conscience (hypnose, méditation, relaxation, privation sensorielle, etc ... ). En outre les réponses libres permettent, en même temps qu'une étude statistique quantitative, une approche qualitative des résultats.

On peut dénombrer au moins six études de ce type publiées dans la littérature avec des résultats significatifs.

1/ KRIPPNER- 1968 (33,34)

Cette première étude faisant intervenir l'hypnose dans un test ESP à reponse libre s'intégrait dans la série des recherches consacrées à la télépathie des rêves, c'est pourquoi sa procédure est assez complexe. Schématiquement, il s'agissait de comparer les résultats d'un groupe de 8 sujets soumis à l'hypnose et d'un groupe de 8 sujets témoins pour trois conditions différentes : rêverie hypnotique ou éveillée, rêve au cours d'une sieste, rêve nocturne. Le sujet devait chercher à visualiser, au cours de chacune de ces conditions, une reproduction de peinture sur laquelle se concentrait un agent.

Les estimations de ressemblances portées par des juges extérieurs donnèrent les résultats suivants : pour le groupe soumis à l'hypnose une correspondance significative fut obtenue entre les cibles et le contenu des rêves de sieste posthypnotique (p<.001) ; le groupe témoin obtint seulement des correspondances significatives entre les cibles et le contenu des rêves nocturnes (p<.01).

KRIPPNER suggère que l'hypnose pourrait accélérer la vitesse avec laquelle le matériel télépathique est intégré dans un rêve. Ce matériel prendrait peut-être davantage de temps pour accéder à la conscience dans le groupe non soumis à l'hypnose. Cependant, certains des résultats de KRIPPNER ne nous paraissent pas confirmer entièrement cette hypothèse.

Remarquons que dans la présente étude de KRIPPNER et contrairement aux études que nous allons maintenant passer en revue, aucune correspondance significative avec les cibles ne fut obtenue aux cours des rêveries hypnotiques chez les sujets soumis à l'hypnose. Peut-être ces résultats négatifs sont-ils à rapporter au fait que l'étude s'intéressait plutot à la télépathie du rêve spontané (sommeil paradoxal avec REM) qu'au rêve hypnotique.

Citons, à titre d'illustration quelques exemples de ressemblances qualitatives tout à fait frappants entre la cible et le matériel onirique recueilli. Alors que la cible était : "Pont sur le Nishigwa", le sujet fit au cours de la sieste post-hypnotique le rêve suivant : "les câbles d'un pont... un pont suspendu". Un autre sujet , pour lequel la cible était : "La Crucifixion" par Salvador DALI, rêva de "croix", ainsi que d'un "livre de peintures de Salvador DALI" !

2/ HONORTON et STUMP - 1969 - (29)

La première étude proprement consacrée aux phénomènes ESP observables au cours des rêveries hypnotiques ("hypnotic dream") est celle de HONORTON et STUMP, avec une technique de clairvoyance à réponse libre.

Six sujets facilement hypnotisables furent sélectionnés par l'Echelle de Suggestibilité de BARBER. Une fois sous hypnose, on leur suggérait qu'ils allaient faire un rêve (hypnotic dream) au cours duquel ils pourraient visualiser par clairvoyance une cible (reproduction de peinture) enfermée dans une enveloppe cachetée. Cette rêverie hypnotique durait environ 5 minutes. A chaque séance expérimentale les sujets accomplissaient 4 essais de clairvoyance avec 4 cibles différentes. L'un des sujets ayant participé à 2 séances, 28 essais furent donc effectués. Les correspondances entre les rêves et les cibles étaient ensuite évaluées à l'aveugle par les sujets eux-mêmes, ainsi que par un juge extérieur.

L'analyse statistique, effectuée à partir du décompte des touches directes, montra que les sujets furent capables de reconnaître les cibles correctes 13 fois sur les 28 essais (alors que le hasard laisse espérer une moyenne de 7 touches). Cette déviation est statistiquement significative (p<.02). Dans la même tâche le juge extérieur ne parvint pas à obtenir une évaluation significative sur le vu des comptes-rendus des sujets. HONORTON suggère que cette différence pourrait être liée à la difficulté des sujets à rendre compte de leur expérience onirique. On pourra remarquer par ailleurs que cette étude ne comprenant pas de groupe témoin, aucune conclusion définitive ne peut être portée quant au rôle propre de l'hypnose dans l'obtention de ces bons résultats.

3/ PARKER et BELOFF - 1970 (40)

Une première confirmation partielle des résultats précédents fut obtenue par PARKER et BELOFF avec une méthode sensiblement identique. Cette étude, comme la précédente, ne comportait pas de groupe témoin.

Huit sujets furent sélectionnés par l'Echelle de Suggestibilité de BARBER. Quatre essais de clairvoyance furent accomplis à chaque séance expérimentale avec quatre cibles différentes (reproductions de peintures), mais chaque sujet participa à deux séances successives. Les correspondances rêve-cible furent ensuite évaluées à l'aveugle par les sujets et par un juge extérieur. Des précautions méthodologiques sévères permettaient d'éliminer fraude et fuite sensorielle.

Sur l'ensemble des séances les résultats ne s'écartèrent pas du hasard de façon significative. Toutefois une analyse séparée des premières séances et des deuxièmes séances de l'expérience (car dans l'étude de HONORTON les sujets n'accomplissaient qu'une seule séance) montra que les sujets obtinrent des résultats statistiquement significatifs au cours de leurs premières séances (p=.02). En outre, un déclin statistiquement significatif (p=.011) fut constaté entre les premières séances et les deuxièmes séances. Cette expérience peut donc être considérée comme une réplication partielle de l'étude de HONORTON et STUMP.

A la suite de ces résultats encourageants, PARKER et BELOFF tentèrent une seconde étude de confirmation, avec dix nouveaux sujets n'accomplissant qu'une séance de quatre essais de clairvoyance. Mais aucun résultat significatif ne put étre obtenu lors de cette seconde étude.

4/ GLICK et KOGEN - 1971 (18)

Cette nouvelle étude fut menée avec deux sujets selon une technique analogue aux précédentes (clairvoyance, sous rêverie hypnotique, de cibles consistant en des reproductions de peintures). Cinq cibles furent utilisées à chaque séance. Les ressemblances étaient ensuite estimées à l'aveugle par le sujet et par deux juges extérieurs.

Pour le sujet A, les estimations portées par le sujet et les juges furent au-dessus du hasard, mais seules les estimations du juge 2 s'en écartent de façon statistiquement significative (p<.01). Pour le sujet B, la moyenne des estimations du sujet et des juges est statistiquement significative (p<.01) et le juge 2 obtient des correspondances hautement significatives (p<.001).

5/ KEELING - 1971 (32)

Assez proche des précédentes dans son principe cette étude fut réalisée en télépathie, agent et sujet étant sous hypnose. L'évaluation des ressemblances entre les cibles et les protocoles de rêves hypnotiques fut faite par des juges extérieurs. Ceux-ci étaient répartis en quatre groupes de dix juges, chaque groupe différent selon la formation professionnelle de ses membres.

Globalement les juges furent capables d'attribuer des correspondances significatives au niveau p=.05. Le groupe de juges constitué par des étudiants en psychologie clinique attribua des correspondances significatives à p<.02.

6/ HONORTON - 1972 (25)

Afin d'apprécier la responsabilité de l'hypnose dans les performances ESP observées cette étude fut conduite avec un groupe témoin. 60 sujets furent répartis en deux groupes égaux : dans le premier groupe les sujets étaient soumis à l'hypnose et devaient chercher à visualiser les cibles par clairvoyance au cours d'une rêverie hypnotique; dans le second groupe la tentative de clairvoyance avait lieu à l'occasion d'une rêverie éveillée. Par ailleurs, dans chacun de ces groupes, les sujets étaient répartis en trois sous-groupes de 10 sujets, selon leur degré de suggestibilité évalué avec l'Echelle de BARBER. A l'occasion de chaque essai (quatre par séance) les sujets évaluaient leur modification de niveau de conscience sur une échelle appropriée.

Les sujets à haut niveau de suggestibilité (à l'échelle de BARBER) obtinrent des correspondances statistiquement significatives entre les cibles et leurs rêveries hypnotiques (p<.04). La première conclusion à tirer de cette étude est qu'elle confirme donc les résultats antérieurs. Quelques correspondances observées sont d'ailleurs extrêmement parlantes. Ainsi lorsque la cible fut l'"Adoration des Mages" du Gréco, le sujet vit dans son rêve hypnotique : "La Vierge Marie. Une statue de Jésus-Christ. Une vieille église... La Vierge Marie tenait l'enfant Jésus dans ses bras". HONORTON rapporte d'autres touches également remarquables.

Par ailleurs, il faut noter qu'aucune déviation significative ne fut obtenue dans le groupe témoin non soumis à l'hypnose, ce qui accrédite le rôle de l'hypnose en tant que telle dans les réussites ESP observées. Enfin, dans le groupe soumis à l'hypnose, les sujets ayant ressenti une plus grande variation du niveau de conscience obtinrent, de façon statistiquement significative, plus de touches que ceux n'ayant ressenti qu'une faible variation du niveau de conscience. Ces données sont en faveur de l'hypothèse développée par HONORTON que l'ESP est davantage liée à une modification de l'état de conscience qu'à un état de conscience spécifique.

CONCLUSION

De l'ensemble des études passées en revue il apparait donc qu'il est possible de mettre en évidence de façon consistante des phénomènes de perception extra-sensorielle au cours des rêveries induites sous hypnose, grâce à une technique de réponse libre. Ces données sont résumées dans le tableau 2.

Signalons que nous avons pu nous-mêmes confirmer ces résultats à la Faculté de Medecine de TOURS, dans une étude qui fera l'objet dune prochaine publication dans cette revue (MOREAU et ROGEZ, à paraitre).

C - L'utilisation de l'hypnose pour le développement des capacités ESP

Compte tenu de cet effet facilitateur que semble avoir l'hypnose sur la phénomènes ESP, l'idée est née bientôt d'utiliser cette technique pour entrainer les capacités ESP des sujets. Déjà en 1922, PAGENSTECHER avait amorcé un traval dans ce sens, mais c'est surtout le chercheur tchèque Milan RYZL qui le développa dans les années soixante.

1/ Les travaux de RYZL

RYZL s'est consacré à mettre au point une technique d'entrainement des capacités ESP en se servant de l'hypnose. Il prétend avoir été en mesure d'obtenir de résultats satisfaisants chez 10 % de ses sujets.

La technique de RYZL peut se décomposer schématiquement en trois phases. La première phase consiste en un entraînement intensif à l'hypnose, après quelques séances en expliquant la nature et ses utilisations possibles. Au cours de cette phase le sujet est entrainé à répondre à l'induction hypnotique et l'accent est rnis particulièrement sur le développement de l'imagerie visuelle sous hypnose.

L'entrainement parapsychologique proprement dit débute dans une seconde phase, au cours de laquelle le sujet doit d'abord chercher à visualiser par clairvoyance des objets placés devant ses yeux fermés. Le sujet peut ensuite facilement vérifier la validité de son imagerie mentale en ouvrant les yeux. Lorsque le sujet est parvenu à obtenir des succès de clairvoyance avec les objets, on l'entraine à identifier ses erreurs, à en reconnaftre les sources et à les distinguer des informations-psi. La troisième phase de la technique de RYZL se propose d'élargir la gamme des capacités-psi en introduisant des tests quantitatifs (cartes de ZENER ou cartes bicolores par exemple) et de réduire la dépendance du sujet à l'hypnose, en l'entrainant à se mettre lui-même en auto-hypnose. (52, 53, 54).

Sur environ 500 sujets qui débutèrent l'entrainement, beaucoup abandonnèrent l'apprentissage mais finalement une cinquantaine serait parvenue à développer ses capacités ESP. Cependant, il n'y a guère que deux sujets hautement performants sur lesquels les rapports détaillés soient disponibles. Dans sa première publication (52) RYZL rapporte des résultats obtenus avec Mademoiselle J.K., et il prétend que 13 autres sujets sont parvenus à des résultats identiques sans toutefois en donner le détail quantitatif. Dans une étude faite avec des cartes de ZENER, Mademoiselle J.K. accomplit 10 "runs" de clairvoyance sous hypnose, et 10 "runs" de clairvoyance à l'état vigile. Dans la premiere condition le sujet parvint à faire 121 touches (soit 71, de plus que la moyenne espérée ;p=10-20) alors que les résultats se situent au niveau du hasard à l'état vigile. Ultérieurement, RYZL a rapporté les résultats obtenus avec un jeune bibliothécaire tchèque, Pavel STEPANEK, entraîné à deviner la couleur de la face supérieure de cartes bicolores cachées dans des enveloppes opaques. Dans une première série faite sous hypnose, les résultats atteignirent une déviation hautement significative (p<10-9). Ces résultats furent confirmés au cours d'une seconde série faite en auto-hypnose. Depuis la "découverte" de STEPANEK, ce sujet a toujours maintenu des résultats hautement significatifs, avec diverses équipes de recherche (RYZL et PRATT-1962 RYZL et BELOFF - 1965 ; RYZL et OTANI - 1967 ; PRATT et RANSON - 1972 etc ... ). On trouvera un rapport détaillé des études sur STEPANEK dans PRATT (41 et 42).

2/ L'évaluation difficile de la technique de RYZL

En dépit des promesses initiales et des résultats remarquables obtenus par RYZL chez quelques sujets, les diverses tentatives faites par d'autres auteurs pour utiliser cette méthode dentrainement des facultés ESP ont échoué. Ces échecs dans l'application de la technique de RYZL ont été rapportés notamment par STEPHENSON (61), EDMUNDS et JOLLIFFE (13), HADDOX (20), BELOFF et MANDELBERG(2).

Plus sérieuse semble être l'incapacité rencontrée par RYZL lui-même lors de ses tentatives faites aux U.S.A. pour confirmer ses premiers résultats.

On peut alors se demander si les performances exceptionnelles de quelques-uns des sujets de RYZL, et notamment STEPANEK, ne seraient pas indépendants de la méthode d'entrainement, d'autant que ces sujets n'avaient pas été testés avant.

Toute conclusion définitive parait actuellement prématurée car en faveur des travaux de RYZL on doit souligner plusieurs faits :

a) Les performances de STEPANEK restent exceptionnelles dans l'histoire de la parapsychologie, notamment la persistance des excellents résultats avec des équipes de recherches différentes et au fil des années. RYZL souligne que STEPANEK n'avait eu aucune expérience PSI avant de suivre son entrainement.

Enfin quand les performances de STEPANEK commencèrent à décliner, RYZL parvint à restaurer ses possibilités psi en le soumettant à un nouvel entrainement.

b) Il faut souligner que toutes les tentatives de réplique de la technique de RYZL différaient sur un point ou un autre de la méthode originale, en négligeant même des aspects essentiels.Certaines ne mirent pas assez l'accent sur l'imagerie visuelle, d'autres introduisent prématurément des tâches ESP à réponses forcées. L'importance du feed-back semble aussi avoir été parfois négligée.

c) Par contre on retrouve dans l'histoire de la parapsychologie des résultats brillants otbenus avec des méthodes assez semblables à la méthode de RYZL. On pense en particulier aux excellentes réussites de Mary SINCLAIR rapportées dans l'ouvrage d'Upton SINCLAIR, "Mental Radio" (60). Et surtout aux phénomènes de clairvoyance qui semblent s'être développés chez Mrs ZIEROLD après des séances d'hypnose pratiquées dans un but thérapeutique par son médecin PAGENSTECHER

(38). Au cours d'une des premières séances d'hypnose, elle se montra capable de décrire par clairvoyance une série d'évènements extérieurs dont le caractère véridique put être confirmé. Un programme d'entrainement hypnotique fut poursuivi pendant plusieurs mois pour développer cette étonnante propriété, la technique employée par PAGENSTECHER visant à développer l'imagerie visuelle de Mme Z. Avec cette méthode Mme Z. parvint à des résultats demeurés célèbres, qui firent l'objet des rapports détaillés de Walter Franklin PRINCE (voir aussi ROLL : 51). Il s'agissait surtout de voyance à partir d'objets, et Mme Z. se montrait capable de fournir des renseignements à leur sujet ou au sujet de leurs propriétaires. Par exemple un fragment de marbre pris dans un temple du Forum Romain produisit une description reconnaissable de ce dernier, bien qu'on ne lui ait pas dit d'où provenait l'objet. Elle aurait également été capable de fournir des renseignements pertinents au sujet de l'auteur du message trouvé dans une bouteille jetée à la mer.

d) La possibilité d'apprendre à reconnaître sous hypnose les réussites ESP a été démontrée, au moins chez deux sujets, dans une étude de FAHLER et OSIS en 196( (17). La tâche impartie aux sujets était de reconnaître, en précognition, des cibles constituées par des chiffres de 1 à 10. Après une induction hypnotique on suggérait aux sujets que, à certains moments, ils pourraient avoir une impression de certitude d'avoir répondu juste, et devraient le signaler en disant de faire une marque. L'étude statistique de ces "appels de confiance" (confidence calls) confirma la haute fréquence des touches sur ces essais (p=.000 000 02). Ces résultats semblent assez en accord avec l'insistance de RYZL pour apprendre aux sujets, dans sa méthode, à reconnaître les images correctes et celles qui sont incorrectes. Plusieurs publications récentes ont repris avec succès cette technique des "confidence calls", mais ceci nous éloignerait de notre sujet.

En conclusion, bien qu'elle n'ait reçu à l'heure actuelle aucune confirmation véritable, de nouvelles recherches sur la méthode de RYZL mériteraient d'être encouragées.

D - L'hypnose à distance.

Avant de terminer cette revue de la littérature expérimentale contemporaine sur l'hypnose et l'ESP, il nous faut aborder la question controversée de l'hypose à distance. Pour aussi étonnant que le fait puisse paraître, nous avons vu que plusieurs des grands cliniciens hypnotiseurs de la fin du siècle dernier avaient prétendu être en mesure d'hypnotiser à distance certains de leurs sujets et de les faire tomber à volonté dans un état de sommeil somnambulique en dehors même de leur présence. Bien que ces expériences anciennes se soient généralement déroulées dans des conditions de contrôle assez peu satisfaisantes, où il est difficile en particulier de faire la part de l'attente du sujet et du conditionnement, la convergence de ces observations fut suffisamment frappante pour inciter quelques chercheurs à reprendre ces études. Négligé par l'école parapsychologique américaine, ce problème a surtout été étudié par les parapsychologues soviétiques de l'école de VASSILIEV dans les années trente (66 et 67).

Les études de VASSILIEV sur la télépathie ont surtout été conduites à partir d'une méthode de suggestion mentale de sommeil et de réveil hypnotique, en collaboration avec DOUBROVSKY et TOMACHEVSKI. Parmi les nombreuses personnes examinées (pour la plupart des hystériques selon VASSILIEV) furent découverts trois percipients répondant particulièrement aux suggestions télépathiques de sommeil. Pour augmenter la précision de la méthode, inaugurée par JANET et GIBERT, on utilisa un système d'enregistrement graphique ; on demandait au sujet , à l'état de veille, de comprimer rythmiquement une poire en caoutchouc reliée à un système enregistreur. A un certain moment, ignoré du sujet, l'inducteur commençait, d'une pièce voisine, l'induction mentale de sommeil et un signal s'inscrivait sur le cylindre enregistreur. Dès que la suggestion mentale faisait son effet et que la percipiente entrait dans l'état hypnotique, ses mouvements cessaient et pendant toute la durée du sommeil hypnotique, les dispositifs enregistraient une ligne continue. Le phénomène inverse se produisit lors de la suggestion de réveil. Au cours de nombreuses expériences de ce type VASSILIEV a pu recueillir une grande quantité d'enregistrements graphiques qui, selon lui, établissent d'une manière rigoureuse l'existence du phénomène de suggestion mentale du sommeil et du réveil hypnotique.

Au cours de 260 essais effectués chez trois percipients, les expérimentateurs n'ont pas réussi à provoquer le sommeil six fois et le réveil 21 fois. Les graphiques montrent que, dans la majorité des cas, le sommeil ou le réveil se produisaient dès la première minute qui suivait le début de la suggestion mentale. L'objection d'un conditionnement possible par les conditions expérimentales ne semble pas avoir échappé aux expérimentateurs qui prirent une série de précautions pour éviter la formation de réflexes conditionnés hypnogènes. C'est ainsi que les intervalles entre les essais de suggestion mentale du sommeil et du réveil variaient de une minute à une heure, ce qui diminuait la possibilité de formation d'un réflexe hypnogène conditionné par le temps.

Grâce à cette technique l'équipe de VASSILIEV semble avoir montré, dans une série d'expériences où l'agent et le percipient étaient séparés par des grandes distances, que la distance n'avait pas d'influence sur la rapidité de survenue du sommeil hypnotique après suggestion mentale. VASSILIEV rapporte ainsi des résultats positifs sur la distance SEBASTOPOL-LENINGRAD. En outre, utilisant un système de cages de Faraday, l'équipe soviétique aurait montré que le phénomène étudié n'était pas de nature électro-magnétique.

Malgré l'intérêt considérable de la recherche de VASSILIEV son évaluation reste difficile compte tenu d'une certaine imprécision méthodologique des publications disponibles en occident, comme par exemple l'ouvrage en français de VASSILIEV : "La suggestion à distance" (67). Les renseignements donnés y sont sommaires et on aimerait avoir plus de détails sur les précautions expérimentales prises pour éviter les fuites sensorielles, le conditionnement, l'évaluation biaisée des résultats. De même aucun détail n'est fourni sur la sélection des sujets ni sur les procédures d'induction hypnotiques utilisées. Pour notre part nous accordons cependant une valeur convaincante aux expériences de VASSILIEV faites avec des essais de contrôle sans induction hypnotique, intercalés dans un ordre aléatoire dans une série d'essais avec induction hypnotique. Au cours de cette expérience faite avec quatre sujets, dans les 27 observations de contrôle les sujets s'endormirent spontanément au bout d'un temps moyen de 17,7 minutes (erreur standard 0,54 minutes) tandis que dans les 26 observations avec induction hypnotique de sommeil celui-ci survint au bout d'un temps de 6,8 minutes (erreur standard 0,54 minute). La différence entre les temps d'endormissement observés est statistiquement significative (p<.0003).

Finalement, devant ces données, un critique aussi sévère que HANSEL (21, p. 174-178) se trouve ramené à l'objection (parfaitement justifiée sur le plan méthodologique) d'un biais possible dans l'évaluation des délais d'endormissement puisque cette mesure semble avoir été faite par un expérimentateur sachant si l'essai était effectué sous hypnose ou non. En l'absence de données complémentaires il est impossible de décider de la valeur de cette objection.

 

IV - DISCUSSION

Au terme de cette revue de la littérature sur l'hypnose et l'ESP il semble donc que se dégagent une certitude, mais aussi de nombreuses interrogations qui promettent d'être fécondes pour la recherche parapsychologique à venir.

On peut, sans trop de risques d'erreur, affirmer que l'hypnose est une technique facilitatrice des phénomènes ESP. Sur ce point les observations cliniques des premiers hypnotiseurs se recoupent avec les études expérimentales modernes. Nous avons vu que de nombreuses études utilisant l'hypnose ont non seulement conduit à des résultats positifs mais également montré des différences statistiquement significatives entre les performances sous hypnose et celles obtenues à l'état veille. Lorsqu'on sait que ces résultats ont été acquis par des équipes de recherche différentes on peut donc estimer qu'on possède là une méthode expérimentale à résultats assez fidèlement reproductibles. Toutefois des échecs ont malgré tout été observés et l'hypnose ne semble pas être, à elle seule, une méthode absolument fiable. On est amené à soulever alors la question fondamentale du mécanisme responsable de cet effet de facilitation. Sur ce point, il faut bien dire que les choses sont loin d'être claires, d'autant moins qu'on n'a qu'une idée assez vague de la nature de l'hypnose elle-même.

Diverses hypothèses ont été proposées, toutes sous-tendues par un certain modèle théorique de l'hypnose.

On a d'abord pensé que c'était le type particulier d'Etat Altéré de Conscience observé sous hypnose qui était déterminant. Dans cette hypothèse la "profondeur de la transe" obtenue serait en rapport avec la qualité des résultats ESP observés. L. LE CRON a ainsi proposé d'expliquer le déclin des phénomènes ESP spectaculaires du siècle dernier par le fait que les transes hypnotiques obtenues de nos jours sont plus légères. Quelques arguments expérimentaux vont dans le sens de cette hypothèse, notamment le fait observé par HONORTON (25) que ce sont les sujets ayant eu l'impression subjective d'une plus grande modification du niveau de conscience sous hypnose qui ont obtenu les meilleurs résultats expérimentaux. Mais d'autres données infirment plutôt cette hypothèse. DAVIS et VAN de CASTLE (10), par exemple, lors de leur étude expérimentale, ont obtenu les meilleurs résultats avec des transes légères. Nous mêmes n'avons pas observé de différence significative entre les résultats des transes légères et des transes profondes (MOREAU et ROGEZ, à paraître). De toute façon, même si on considère que la profondeur de la transe est un paramètre décisif, le problème du mécanisme reste posé. On peut entrevoir plusieurs modes d'action.

D'abord l'hypnose permet peut-être au sujet de mieux se fixer sur la tâche ESP en étant moins soumis aux stimulations sensorielles extéroceptives intempestives. Mary SINCLAIR, brillant sujet ESP insistait sur l'importance de "faire le blanc dans son esprit" pour faciliter l'émergence du Psi. Les résultats obtenus avec d'autres Etats Altérés de Conscience, comme les états de méditation et surtout les états de privation sensorielle ("ganzfeld techniques") sont tout à fait cohérents avec cette hypothèse.

Ensuite l'Etat Altéré de Conscience permet une distanciation par rapport aux processus logiques habituels et peut contribuer à diminuer les résistances intellectuelles et affectives du sujet. Depuis les études déjà classiques de SCHMEIDLER, on sait par exemple l'importance de l'attitude du sujet dans la qualité de ses performances. Toutefois une telle explication est vraisemblablement insuffisante pour rendre compte des constatations faites par HONORTON qui note que l'hypnose augmente le psi-missing des "chèvres" (24).

Peut-être est-ce la nature particulière de la relation développée avec l'expérimentateur par le biais de l'hypnose qui importe.

Au total, on ne peut que souligner le nombre des inconnues qui persistent dans ces études sur l'hypnose.

L'essentiel est peut-être de ne pas oublier de replacer les études sur l'hypnose dans le cadre plus général des études sur les "Etats Altérés de Conscience". Nous les avons isolés dans un but purement didactique mais il ne faut pas méconnaître ce que peut avoir d'artificiel une telle démarche. Nous estimons même que les questions soulevées par l'hypnose ne pourront recevoir de réponse que grâce aux études faites avec les autres "Etats Altérés de Conscience", dont on peut plus facilement maîtriser les divers paramètres. Peut-être y a-t-il encore trop d'inconnues sur la nature même de l'état hypnotique pour en faire un bon instrument d'analyse ? On peut espérer cependant que les progrès parallèles des études sur les phénomènes ESP dans les autres Etats Altérés de Conscience permettront de mieux cerner les paramètres pertinents afin de rendre l'hypnose, dont l'efficacité est certaine, mieux exploitable sur le plan méthodologique.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Compte tenu de leur abondance nous n'avons pas jugé utile de donner une bibliographie détaillée des travaux généraux sur l'hypnose ; le lecteur pourra se reporter aux ouvrages de BARBER, CHERTOK, RAGER, qui comportent de nombreuses références. De même nous n'avons pas détaillé les références historiques concernant le XIX' siècle ; se reporter à DINGWALL (11).

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Note du webmaster : pour des raisons techniques, les tableaux récapitulatifs n'ont pas pu être reproduits ici.

Il serait intéressant de refaire une revue de ce type, plus de 20 ans après, notamment en ce qui concerne les études sur le ganzfeld.

 

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