CORRESPONDANCE RAULET

 

 

Eric Raulet a envoyé au GERP le 24 janvier 2001 un long témoignage sur ce qu'il considère être un voyage de la conscience dans le passé et qui a été publié dans la revue Ondes n°17, mars 2001. Il nous demande ensuite : "Quelles réactions de ta part provoque ce récit ? Connais-tu des expériences similaires référencées par le Gerp ? Pourrais-tu me confier quelques références intéressantes par rapport à ce cas ?"

TEMOIGNAGE DE CARMEN :

"C'est une expérience extraordinaire. Elle m'a beaucoup bouleversée. J'ai
effectué 6 séances de respiration holotropique sur 10 ans. Dès la première
séance, je me suis retrouvée dans une église, très sobre, blanche, avec des
bancs. En face de moi se dressait un tableau représentant la Vierge et
l'enfant. Une messe d'enterrement se déroulait. C'était l'enterrement de mon
père.

Lorsque mon père est décédé, j'avais 9 mois. Je n'ai bien entendu pas été
présente à son enterrement. Cette église où s'est déroulé l'enterrement se
situe à 2000 km de Paris. Pendant cette expérience, je savais que c'était mon
père. Je me suis promenée dans l'allée centrale. Je percevais les émotions
des personnes autour de moi tout en conservant mon identité. Il y avait une
sorte de Saint Antoine au fond de l'église.

Lorsque je me suis approché du cercueil de mon père, j'avais l'impression
d'être lui. J'étais à la fois très calme et triste. C'était très intense.
J'entendais le prêtre et les pleurs de l'assistance. En même temps, j'avais
l'impression d'être dans un autre monde. Mais je précise que j'étais le corps
de mon père et non son esprit.

Djohar Si Ahmed m'a recommandé de vérifier ce que j'avais vécu en conscience.
L'été suivant, j'ai reçu un choc en entrant dans l'église. Tous les détails
étaient identiques à ce que j'avais perçu. Je n'ai jamais pu entrer à nouveau
dans cette église, celle-ci étant toujours fermée.

Ma famille m'a également confirmé les détails de l'enterrement que j'avais
perçus, tenue vestimentaire, pleurs, etc.

Depuis cette expérience, je suis en paix avec mon père que j'ai redécouvert."

Carmen

Réponse de P. CATALA :

J'ai déjà entendu ce témoignage dans l'émission d'Europe 1. Il est très
émouvant. D'un point de vue psychologique je pense que cette expérience a eu
un bon effet thérapeutique sur cette personne. En tout cas la prégnance de
l'expérience était très importante.

Oui, cela semble être un "saut de conscience dans le passé". Il me semble
que j'ai lu pas mal de témoignages de "rétrocognition" , bien que cela soit
moins fréquent que "précognition", mais alors ne me demande pas les
références, François lui doit en avoir plein.
Il y a donc coincidence entre certains éléments du vécu psychique/imaginaire
et des éléments historiques objectifs (vérifiés par la suite).
[petite remarque : lors de la vérification on a souvent tendance à "faire
coller" des choses parce que l'on est motivé à le faire. Il vaut mieux dans
ce cas un enquêteur extérieur]

Lors de la séance de respiration holotropique, Carmen a eu une sensation
type OBE. Mais OBE dans le passé. Cela est tout à fait analogue à ce qui se
passe pendant les NDE (phase où l'on se souvient de se qui se passait au
bloc opératoire etc.).

La seule remarque que je voudrais faire, c'est que le modèle du "déplacement
de la conscience" ou "corps astral" etc. est un modèle simple, qui permet de
conceptualiser facilement ce genre de phénomènes, mais ce modèle me semble
dépassé aujourd'hui. Simple mais simpliste. On constate pratiquement
toujours qu'au milieu du récit se mêlent éléments objectifs et éléments
provenant de la subjectivité pure (rêves ?). Il y a imbrication totale. Ici,
on le voit bien, car Carmen est à la fois l'observatrice dans l'église, et
en même temps elle est son père, elle sait ce qu'il ressent etc ...
Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire.
Je ne peux pas en dire plus. Pour les théories voir François, moi je n'en ai
pas.

Voici la réponse de François Favre :

 

1. Juger de l'imaginaire avec notre référent temporel de veille n'a pas de sens. Le temps nous paraît objectvement se dérouler du passé vers le futur selon le principe de causalité. Or il est tout à fait sûr que l'imagination et la subjectivité ne fonctionnent absolument pas de cette manière. Quand réel et imaginaire (ou objectivité et subjectivité) interfèrent, ça donne des événement psi (communs ou paranormaux). Un événement psi ne prouve que deux choses : a) que notre conception du temps est fausse et b) qu'une croyance (globale) peut toujours se vérifier (localement). Cela ne prouve en rien le caractère "absolu" (valable pour autrui) de la croyance, mais seulement que le sujet en était suffisamment convaincu pour produire un événement la confirmant pour lui. Aspect purement moral, pas du tout "logique".

2. On ne peut parler de psi qu'une fois constatée une coïncidence significative entre une donnée objective (ici la visite réelle de l'église) et une croyance (ici la possibilité de voyager dans son propre passé). Qu'il s'agisse d'un observateur professionnel (le parapsychologue) ou du sujet lui-même, dans les deux cas on ne peut parler que de précognition d'une information ultérieure (la visite réelle). Absolument pas de voyage dans le passé (de "rétrocognition"). C'est exactement le même problème pour un souvenir : on sait avec certitude qu'il n'existe dans notre cerveau aucune trace biochimique d'événements objectifs passés (les "engrammes"). Un souvenir n'est rien de plus qu'une prémonition (qui sera ou non vérifiée) de la perception ultérieure de quelque enregistrement d'un événement antérieur (témoignage oral d'un tiers, observation d'une photo, lecture d'une lettre, etc. Ici, visite d'une église). En général, le souvenir se vérifie indirectement par des actes, des comportements efficaces ("Si ce souvenir est vrai, je peux donc réussir ceci.").

3. Des témoignages du type "voyage de la conscience dans le passé" se trouvent dans presque tous les recueils parapsychologiques de cas d'ESP spontanées, et constituent même l'essentiel des livres spirites. Rien qu'en français, c'est une biblio de plus de mille livres. Et donc des dizaines de milliers de cas.