Le 12.02.02
Monsieur,
Je suis lycéenne en classe de 1ère scientifique. Dans le cadre des TPE (Travaux Pratiques Dirigés), j'ai choisi de traiter la problématique suivante : Peut-on dire que la parapsychologie est une science exacte ? Je manque cependant d'informations sur les études effectuées à ce sujet et, plus précisément, sur la radiesthésie. Afin de me venir en aide, pourriez-vous m'envoyer de la documentation sur les facultés et les divers phénomènes paranormaux, comme ceux qu'éprouvent parfois les gens ayant approché la mort (NDE ou EMI) ?
En vous remerciant d'avance,
A.B.
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Saint-Denis, le 25 février 2002
Chère mademoiselle,
Le sujet que vous avez choisi d'exposer est difficile pour votre niveau d'étude. Est-ce que la psychologie est une science exacte ? Oui, semble-t-il, quand elle fait de l'expérimentation. Mais les expériences ne sont pas reproductibles dès qu'on teste la créativité. Or on entend souvent par science exacte la pratique d'expériences reproductibles (qui permettent à chacun d'obtenir la même preuve objective d'une certaine affirmation).
D'où l'usage, très fréquent en psycho mais obligatoire en parapsycho qui n'étudie que des événements fondamentalement imprévisibles , de preuves "testimoniales" (par le témoignage). Cet usage est propre à toutes les sciences qui s'occupent d'histoire, qu'elle soit personnelle, sociale, biologique ou cosmique. Apparemment, les sciences "historiques" ne peuvent être dites exactes puisque, par principe, elles n'étudient pas des phénomènes mais des événements. Aucune science historique n'a pu et ne pourra prédire un évolution ; elles ne peuvent que "rétrodire" (prouver que tel événement a eu lieu et, parfois, expliquer son déterminisme).
Les sciences dites exactes maths, physique et chimie peuvent prédire (prévoir des comportements) parce qu'elles n'étudient que des objets dénués d'intentionnalité, de subjectivité, de créativité, que des processus "involutifs", que des êtres morts ou en train de mourir. La biologie dont la médecine ne peut être dite exacte (n'a de portée "technique") que dans la mesure où elle traite un corps (vivant) comme un objet (mort) : action physico-chimique, ablation ou prothèse, etc. Aucun psychologue n'a pu et ne pourra prédire la conduite (sémantique) d'un individu libre ; il ne peut prédire que des comportements (formels : habitudes psychophysiologiques ou pathologiques).
Croire de plus que le libre arbitre se limite à l'homme et que la vie s'arrête aux virus sont des préjugés typiquement occidentaux. Il n'y a d'abord aucun moyen de différencier un objet vivant d'un objet doué de libre arbitre. Ensuite, l'évolution de l'univers comme d'une particule quantique est fondamentalement imprévisible, car elle ne tient pas du tout à l'insuffisance de nos connaissances mais à des propriétés intrinsèques. Il n'y a dès lors aucun moyen de distinguer de tels objets des objets vivants (subjectivement libres).
Autrement dit, la question est de savoir si la science peut traiter les processus qui n'obéissent pas au principe "logique" de causalité (selon lequel, dans les mêmes conditions, une certaine cause engendre toujours les mêmes effets dans le futur). Quand il s'agit de phénomènes intentionnels et libres, c'est le principe inverse "moral" de finalité qui les régit : pour autrui, une fin ultérieure objective (le but choisi librement, a priori, par le sujet) aura rétrodéterminé dans le passé des moyens adéquats. Chacun en fait l'expérience quotidienne. Pour autrui, ces processus ne se déroulent pas "techniquement" mais "rituellement" : un ensemble de causes a produit par convergence un effet unique et imprévisible a priori. Plus le processus est créatif, plus il est rare : c'est le cas pour les grandes uvres d'art, pour les actes d'héroïsme et pour les événements psi (plutôt que paranormaux, qui relèvent d'une très vague notion). Les parapsychologues ont réuni beaucoup de preuves testimoniales, parfaitement convaincantes, sur ce qu'on appelle à tort les ESP (perceptions extrasensorielles) et les PK (psychocinèse ou action à distance) ; mieux vaut parler de percipiences et d'agences psi. On peut bien entendu contester ces preuves comme on peut contester l'existence de Louis XIV ou celle de la foudre en boule ; cela plaît beaucoup à une catégorie d'imbéciles largement représentée en France, les rationalistes. Les diverses percipiences se réduisent en fait toutes à la prémonition, et les diverses agences à une modification du passé conformément au principe de finalité (où le sens du temps est inversé).
A propos de radiesthésie, beaucoup de gens même pratiquants croient encore qu'il s'agit d'un sixième sens. En fait, un radiesthésiste réussit aussi bien sur une carte d'état-major que sur le terrrain ; et l'on peut toujours supposer qu'il s'agit en fait de la prémonition d'une découverte ultérieure (fortuite ou systématisée). Si on fouillait ce terrain, on trouverait l'objet recherché à tel endroit ; grâce à sa prémonition "motrice" (résultant de certains mouvements), le radiesthésiste trouve directement l'objet, ce qui annule toute découverte ultérieure et donne l'illusion d'une ESP.
Touchant les NDE, il s'agit d'expériences souvent purement subjectives sur lesquelles le psychologue et le sociologue ont peu à dire en général. Il est bien banal que sur le point de mourir une personne rêve qu'elle approche du "royaume des morts" (dont la plupart des gens se font intuitivement la même idée floue) et y rencontre des connaissances. Quand une personne même non mourante prétend avoir eu un contact réel avec des morts, c'est qu'à ses yeux les informations qu'elle a recueillies par "télépathie" ou "clairvoyance" constituent des preuves objectives de ce contact. Mais ces informations, quand elles s'avèrent vraies, sont entièrement réductibles à des prémonitions de découvertes ultérieures dans notre propre monde ; et l'animation des morts n'est rien de plus qu'une mise en scène de la percipience, constante en parapsychologie (puisque l'imagination intervient toujours dans les processus psi) et observable par chacun quand il rêve.
[Si vous voulez plus d'informations sur ce qu'on appelle le spiritisme, vous pouvez lire sur le site du Gerp la lettre publique que j'ai adressée à une autre visiteuse, Geneviève Tial. Vous pouvez bien entendu vous promener sur notre site, mais la plupart des articles s'adressent à des personnes déjà averties. Pascale Catala, qui a conçu et anime ce site, pourra éventuellement vous guider.]
Ma conclusion va vous surprendre, elle découle pourtant de ce qui précède. Comme je vous l'ai expliqué sommairement, la parapsychologie n'a rien à voir avec une quelconque "technique", avec la logique et la physique orthodoxes. Elle a tout à voir au contraire avec l'éthique, la créativité et les rituels contestataires qui s'y associent nécessairement. C'est une science de la libre subjectivité, qui étudie ses effets à la fois symboliques et matériels sur la réalité. C'est donc en partie une science "dure" (par opposition aux sciences humaines qui privilégient la parole) : nous étudions principalement la complémentarité de concepts fondamentaux (comme le temps et l'espace, l'objet et le sujet, le réel et l'imaginaire, l'esprit et la matière : interactions, conversions, inversions, etc.). Pourtant, aucun "effet psi" ne sera jamais produit automatiquement. La magie (tout rituel à but miraculeux) ne se maîtrise pas, par définition. Si l'on veut devenir un créateur (dans quelque domaine que ce soit), cela demande un investissement affectif total, beaucoup plus coûteux évidemment que de rester une créature (consommateur, fonctionnaire, conformiste, "libéral", expérimentateur, gloseur, etc.). La créativité n'est pas une faculté mais un pari existentiel, une manière positive d'être contre. Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de "technicien" en parapsychologie ; il ne peut y avoir que des créateurs ou des escrocs une autre catégorie, celle-là morale, de crétins (qui se répartissent équitablement entre tenants et adversaires du "paranormal").
La question fondamentale à laquelle nous sommes tous contraints de répondre dès la fin de l'adolescence (et vous y êtes) est la suivante : vais-je désormais profiter de ma vie (involuer, mentir, augmenter le désordre ambiant, mourir moi-même à petit feu) ou la risquer (évoluer, chercher la vérité, rendre mon milieu plus convivial, naître moi-même à chaque instant) ? Le parapsychologue a choisi : en tant que scientifique, il s'est condamné à trouver contre toutes les autres sciences. Et ce qu'il trouve n'est pas seulement du domaine de la connaissance théorique mais aussi de l'éthique. Ce qu'il cherche au fond et le nom bizarre de sa discipline égare totalement sur ce point , c'est une science en actes de la destinée personnelle. Qui ne sera jamais d'aucune "utilité" collective. C'est la propre vie du parapsychologue qui doit devenir une science exacte. Et qui peut en juger mieux que lui-même ?
Bien amicalement et bonne chance pour votre exposé
François FAVRE