UN VOYANT DANS LA VILLE, sous la direction de François Laplantine, Payot, 1985

Critique par P.Catala.

Cet ouvrage présente une des rares tentatives universitaires d'étudier la voyance de façon pluridisciplinaire, sous forme d'une confrontation entre un voyant lyonnais connu et une équipe de six chercheurs en science humaines.

Dans ce livre on ne trouvera aucun essai d'objectivation de phénomènes psi, ni de recherche de fausse synthèse. Les auteurs soulèvent les problèmes suscités par le flou épistémologique dans ce domaine, et s'intéressent à la signification et à la fonction de cette voyance en particulier, étudiée ici en tant que phénomène social total. Le voyant, Georges de Bellerive, participe à l'analyse de son cas.

Cette publication rend compte du travail fait dans sept grands axes d'étude :

1. Contexte historique et culturel , (François Laplantine, ethnologue)

Début de la métapsychique, naissance de la parapsychologie, critique de l'expérimentation, analyse des causes de l'anti-psi en France...

Après avoir pointé tous les bouleversements épistémologiques et de notre mode de penser que la voyance implique, François Laplantine propose une approche anthropologique de la croyance, où on considère un système d'interactions entre différentes personnes et différents milieux.

2. Exposé du voyant de sa faculté et de son métier.

Où l'on découvre la façon dont G. de Bellerive considère sa propre voyance et son évolution intérieure.

3. Approche psychologique centrée sur le discours du voyant,

(Françoise Laplantine, Eliane Moulin, psychologues cliniciennes).

4. Analyse sociologique centrée sur les clients (Richard Alouche, socioloque).

De même façon que dans le discours du voyant, on retrouve dans les témoignages des clients, les thèmes d'abnégation, de sacrifice de soi, d'auto-immolation. La voyance est pour G. de Bellerive un véritable sacerdoce ; ses clients y trouvent le réconfort, même si G. de Bellerive leur annonce des événements fâcheux (à ce propos R. Alouche propose une hypothèse explicative intéressante). Dans certains cas, le voyant accompagne ses patients jusqu'à la mort, les aide à accepter leur destin.

5. Anthropologie de la communication , (François Laplantine).

C'est la partie la plus riche de l'ouvrage. Une analyse très fine du phénomène de voyance chez G. de Bellerive est donnée (description de l'identification lors de la transe, étude du système d'interactions, analyse des modes de communication, de la sensorialité ... ). La voyance est envisagée dans sa fonction sociale et dans ses rapports avec la science.

6. Anthropologie religieuse (André Brun, ethnologue).

7. Anthropologie de la connaissance, (Paul-Louis Rabeyron, psychiatre).

Cette partie met en relation la pratique du voyant avec la science et la médecine contemporaine. Sont présentées aussi bien les conceptions du voyant à propos de la science, que les opinions des scientifiques amis de Georges de Bellerive sur la voyance. Fait curieux, le voyant se méfie de l'ésotérisme (il est beaucoup moins attiré par l'ésotérisme que certains des scientifiques cités), ce qui constitue certainement une originalité de G. de Bellerive par rapport à ses confrères.

Ce chapitre met en évidence certains aspects idéologiques, chez les chercheurs en parapsychologie comme chez les scientifiques sceptiques, et ainsi ouvre des voies d'approche dans l'étude de la dynamique pro/anti-psi.

Il fait le bilan du déroulement de ce travail et pose des jalons pour des études futures qui feraient dialoguer de nouveau des scientifiques et des praticiens tels que G. de Bellerive.

Conclusion : Ce livre que j'ai voulu décrire est l'exemple type de recherches pluridisciplinaires de qualité. La culture parapsychologique de certains des auteurs de cet ouvrage est loin d'être négligeable, et il faut mentionner l'excellente bibliographie fournie sur les différents domaines concernés.

 

Pascale Catala