PSYCHORRAGIES

par François FAVRE

 

© Copyright GERP - Reproduction interdite -

Paru dans "60 années de parapsychologie"

 

 

I. LES CAS SPONTANÉS

Il. L'APPROCHE EXPÉRIMENTALE

Ill. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DU " PLASMA PSI "

IV. LA FIGURATION PLASMATIQUE

V. CIRCUIT PSI ET PRÉLÈVEMENT DE PLASMA

VI. EXPÉRIMENTATION ET PREUVE TESTIMONIALE

VII. CORRÉLATIONS PSI

VIII. PSYCHO-PHYSIQUE

A. Aspects objectifs
B. Aspects subjectifs
C. Objet et Sujet

Les chiffres entre parenthèses renvoient à la bibliographie. Les lettres renvoient à des photos qui seront incluses par la suite.

Les hallucinations constituent la classe la plus complexe des phénomènes étudiés par la parapsychologie. La psychologie a toujours étudié les hallucinations individuelles, mais n'a fait et ne fait qu'effleurer les hallucinations collectives ; dans tous les cas elle dénie aux unes et aux autres toute objectivité extra-corporelle, malgré d'innombrables témoignages sur les traces objectives qu'elles laissent parfois et malgré les résultats expérimentaux accumulés par les parapsychologues durant 50 ans.

I - Les cas spontanés

Pour se faire une idée de cette classe de phénomènes, donnons sans commentaires quelques témoignages de cas spontanés, des plus simples aux plus complexes, tirés de l'histoire ancienne ou récente :

• En 1875, le père Jupp, directeur d'un orphelinat britannique, avait laissé sa chambre à des visiteurs impromptus et dormait dans le dortoir des petits. Il se réveilla subitement et vit un halo lumineux flotter au-dessus du lit du plus jeune enfant, âgé de quatre ans. Il hésitait à toucher la substance quand une voix intérieure lui dit : " Restez couché, vous n'aurez aucun mal ". Le lendemain, très troublé, il aida sans un mot le petit garçon à s'habiller. Celui-ci lui dit tout à coup, avec une expression extraordinaire dans le regard : " Oh! Père Jupp, ma mère est venue me voir cette nuit. Est-ce que vous l'avez vue ? "(12)

• Le philosophe Athénodore (I er siècle avant J. -C.) achète une maison abandonnée que personne ne voulait habiter, à cause de phénomènes inquiétants qui s'y produisaient. Il s'installe dans la maison avec ses tablettes, son flambeau, et se met calmement à écrire.

Au milieu de la nuit, sa table est soudain renversée ; un spectre chargé de chaînes apparaît qui sort de la maison et le conduit à un endroit désert où il disparaît. Le lendemain matin, avec des magistrats, on y fit des fouilles et l'on trouva un squelette qu'on ensevelit publiquement. A partir de ce moment, la maison ne fut plus hantée.(22)

• L'écrivain F. Ossendowski, fuyant les Bolcheviks, raconte qu'étant dans le temple de Narabanchi (Mongolie), en 1921, le Houtouktou du lieu - l'évêque en quelque sorte - lui déclara : "Je sens que vous êtes inquiet sur le sort des vôtres et je veux prier pour eux... Regardez l'espace sombre derrière la statut du Bouddha. "

Obéissant à cet ordre donné d'une voix grave, Ossendowski raconte les faits suivants : " Bientôt dans les ténèbres, commencèrent à apparaître des nuages de fumée ou des fils transparents. Ils flottaient en l'air, devenaient de plus en plus denses, de plus en plus nombreux, jusqu'au moment où peu à peu ils formèrent des corps humains et des contours d'objets. Je vis une pièce qui m'était inconnue, où se trouvait ma famille, entourée d'amis que je connaissais, et d'autres personnes. Je reconnus même la robe que portait ma femme. Tous les traits de son cher visage étaient visibles et distincts. Puis la vision s'obscurcit, se dissipa dans des flots de fumée et de fils transparents, et enfin disparut.

Le Houtouktou se leva et me dit : "La fortune est toujours avec vous et votre famille. La bonté de Dieu ne vous abandonnera pas. "

Grande fut ma surprise quand je sus que mes compagnons, eux aussi, avaient été témoins de ma vision et quand ils me décrivirent, avec les plus minutieux détails, l'aspect et les vêtements des personnes que j'avais vues dans la niche obscure, derrière la tête de Bouddha. Afin de conserver le témoignage des autres personnes qui virent comme moi cette apparition extrêmement impressionnante, je les ai priées de rédiger des comptes rendus de ce qu'elles ont vu. J'ai maintenant ces pièces en ma possession. (20)

• Le 28 décembre 1860, à 7 heures du matin, dans le Nord-Ouest de la ville de Sienne, une pluie rouge tomba pendant deux heures. La substance observée était épaisse, visqueuse, putride et se sublima rapidement. Une seconde averse s'abattit à 11 heures, une autre trois jours plus tard, une dernière le lendemain.

Chaque averse était tombée sur le même quartier de la ville.(8)

• Le 6 avril 1974 à Saint-Macloud, Mme Durant, de santé fragile et de ressources très modestes, venait de perdre son mari. Elle avait de plus à sa charge ses deux petits-enfants. Priant au bord de sa fenêtre pour obtenir un heureux signe du ciel, elle voit apparaître une énorme boule de eu ovale, au-dessus du clocher du village et aussi grosse que lui. Elle se sent paralysée, comme d'ailleurs ses petits-enfants qu'elle appelle en vain.

L'un d'eux parvient à surmonter sa torpeur et voit, comme sa grand-mère, la boule de feu descendre et disparaître à l'horizon en semblant provoquer un immense incendie. Depuis cette soirée, les maux de coeur de Mme Durant ont disparu et elle se sent très heureuse. (16)

• Le 21 août 1955, les membres de la famille Sutton virent une lumière atterrir près de leur ferme, dans le Kentucky. Puis plusieurs êtres cauchemardesques les assiégèrent plusieurs heures, en dépit de nombreux coups de feu. A un moment, l'un de ces êtres, touché par une balle, dégringola du toit en paraissant flotter. A court de munitions, les Sutton appelèrent la police qui vit dans le ciel un objet lumineux s'envoler très rapidement. (26)

• En juin 1964, M. Laflèche et l'un de ses amis aperçoivent le soir, sur l'esplanade du Trocadéro, à Paris, des étoiles qui bougent. Croyant aux soucoupes volantes et à leur origine extraterrestre, M. Laflèche cherche à entrer en communication télépathique avec elles. Il perçoit, à son grand étonnement, une réponse : "Nous ne sommes pas venus pour communiquer avec vous ". M. Laflèche leur demande néanmoins une preuve de leur existence, en se dirigeant suivant son propre désir. M.Laflèche voit alors, comme son ami, les étoiles obéir à ses ordres divers (littéralement : "suivre la flèche"). Le phénomène se reproduira un an plus tard, en présence de quatre autres amis.(16)

• Le 24 avril 1964, dans l'Etat de New York, M. Wilcox était en train de répandre de l'engrais sur un champ, lorsqu'il remarqua près d'un bois un objet métallique ovale. Il s'en approcha et ne vit aucune ouverture. Soudain, deux êtres d'environ un mètre trente apparurent et s'exprimèrent dans un anglais suave qui semblait sortir de leur tronc et non de leur tête. Ils déclarèrent venir de Mars et s'intéresser aux engrais. Leurs questions étaient enfantines et leurs explications absurdes. Alors que M. Wilcox, sur leur demande, allait néanmoins leur chercher un sac d'engrais, ils s'envolèrent et disparurent.(26)

• Le 6 novembre 1957, Everett Clark (du Tennessee) aperçoit dans un champ un objet bizarre auprès duquel se tenaient quatre personnes inconnues, qui essayaient en vain d'attraper son chien. Ils parlaient une langue inconnue. Puis ils sautèrent dans l'engin oblong, qui s'envola aussitôt. Le même jour, à Everittstown (dans le New jersey), John Trasco et sa femme virent un objet bizarre oblong auprès duquel se tenait un être de trois pieds de haut, qui déclara en mauvais anglais qu'il désirait emporter le chien. John Trasco le somma de déguerpir. L'être s'enfuit en courant et sa machine s'envola quelques instants plus tard.(26)

• En 1961, à Garabandal, en Espagne, quatre jeunes enfants virent à plusieurs reprises apparaître la Vierge. Le village devenu depuis un lieu célèbre de pèlerinage. L'une des apparitions se manifesta le jour de la fête, très populaire, de N.-D. de Pilar en présence de nombreux témoins : une boule de feu apparut dans le ciel et se mit à osciller en descendant vers le sol. Les deux voyants qui étaient là virent, eux, sortir la Vierge de la boule lumineuse : et elle leur parla, comme de coutume, sans que personne n'entendît.(11)

• Au XVIe siècle, en Allemagne, se produisirent de très nombreux phénomènes célestes extraordinaires, aperçus souvent par des grandes foules : tête de taureau entre les cornes duquel brillait une étoile gigantesque, portrait du Duc de Saxe, dragon de feu, triple soleil, croix lumineuse, troupe de cavaliers, aigle poursuivant un chameau, combat de deux armées commandées par un lion et par un aigle, etc. (1)

• Le 17juillet 1860, à Dhurmsalla, aux Indes, tombent du ciel et dans un jaillissement de lumières des pierres extraordinaires : recueillies immédiatement après leur chute, elles s'avèrent si froides qu'elles engourdissent les mains. Leur taille et leur cautions étaient très diverses, mais certaines parfaitement rondes, de la taille d'un boulet de canon, et recouvertes de signes indéchiffrables.

Le commissaire délégué de la ville, raconte qu'à quelques mois de cette chute on avait observé une pluie de poissons vivante à Bénarès, une averse de substance rouge à Furruckabad, une tache sur le disque solaire, un tremblement de terre, une obscurité inusitée de longue durée et une apparition lumineuse dans le ciel, semblable à une aurore boréale.

De plus, le lendemain soir de cette chute de pierres, on aperçut des lumières célestes clignotantes, et certaines proches du sol.(8)

Je vous ai cité douze cas. Sachez que tous les cas intermédiaires existent et que je pourrais ainsi en aligner mille de telle sorte que la continuité phénoménale en soit parfaite. C'est pourquoi l'on peut rapporter ces douze cas à une seule classe phénoménale : l'apparition psi. Un substratum commun à tous ces événements peut en effet être dégagé des travaux de parapsychologues, qui furent réalisés pour l'essentiel entre 1880 et 1930, substratum à la fois physique et mental.(6,27)

II - L'approche expérimentale

La parapsychologie avait débuté au moment de la Révolution française : de Puységur avait réussi à produire artificiellement l'hypnose et en avait étudié les manifestations. Le développement anarchique de l'hypnose expérimentale et l'ignorance populaire en matière de psychologie, avaient permis l'avènement du spiritisme. Des médiums produisaient au cours de séances, plus religieuses que scientifiques, des fantômes censés réincarner temporairement des personnes décédées. Ce sont ces phénomènes, de type manifestement objectif, qu'étudièrent de nombreux parapsychologues.

Le premier problème à résoudre était celui de la fraude. Celle-ci était en effet et est encore fréquente, soit que le médium, souvent professionnel, se trouve dans l'obligation matérielle de réussir à chaque séance (alors que ces phénomènes sont peu reproductibles), soit qu'il fraude inconsciemment (structure hystéroïde), soit enfin que la fraude soit induite par des observateurs sceptiques. Les meilleurs expérimentateurs prirent des précautions exceptionnelles : outre une familiarisation avec les techniques de prestidigitation, ces expérimentateurs utilisaient une salle où aucun accessoire ne pouvait être caché, faisaient déshabiller complètement le médium, effectuer un examen des cavités naturelles par un médecin, et vêtaient le médium d'un collant, d'une blouse simple, ou le laissaient même parfois nu.

III - Caractères généraux du "plasma psi "

L'observation a porté sur tous les types d'hallucinations objectives, mais nous ne décrirons ici que les hallucinations visuelles.

Après que le médium s'est mis en transe, une substance (objectivée par la photo) apparaît, sortant du corps du médium, principalement du vagin, du nombril et de la bouche (photo A). Grosso modo, cette substance est d'abord invisible (d'abord immatérielle, c'est-à-dire purement subjective comme on l'expliquera plus loin ; puis visible dans l'infra-rouge(2l)) ; ensuite apparaît un nuage lumineux (B). Au fur et à mesure que ce nuage se densifie, l'aspect visuel de cette substance est celui d'une toile d'araignée, d'un tissu plus ou moins coloré, d'une matière plastique (C), de plâtre ou de coton, puis semble durcir jusqu'à prendre parfois un aspect métallique.

Les sensations tactiles ne sont pas toujours en correspondance avec l'aspect visuel. On peut toucher la substance sans la voir et inversement ; la sensation est souvent glacée et visqueuse ; l'aspect visuel tissulaire correspond parfois à un toucher rugueux comparable à celui d'un morceau de sucre, etc.

Lorsque cette substance sort du corps du médium, on observe souvent une diminution des parties molles (cou et cuisses) mesurée au mètre souple, et même parfois une dématérialisation visible du corps du médium. Parallèlement, une diminution du poids du médium peut être observée à la balance. Tous les observateurs se sont accordés à comparer ce processus à une sorte d'accouchement : spasme et cris du médium en transe, accélération du pouls et de la respiration, éjection de substance organique. Cette dématérialisation, temporaire et réversible, peut paraître invraisemblable. N'oublions pas que des médiums sont susceptibles de dématérialiser des objets ou de provoquer des guérisons de maladies organiques. Enfin, on connaît de nombreux cas de déformations du squelette et des parties molles de médiums en cours de transe, particulièrement lors des phénomènes d'" incarnations " spirites.

Cette substance a été appelée " ectoplasme " par Richet, parce qu'elle semblait s'élaborer sur la peau des médiums. Le terme préjugeant d'une origine, nous parlerons plutôt de plasma psi.

On connaît des récits d'apparitions où des spectres traversent les meubles ou les murs. Cette hypothèse a été testée : on recouvre la tête du médium d'une résille et on lui demande de produire par la bouche du plasma solide ; celui-ci traverse la résille sans la briser (D).

IV - La figuration plasmatique

Le plasma peut être informel ou figuratif. La figuration peut être aussi bien celle d'objets inanimés que d'éléments organiques. Sur la photo E, le mot " miroir " se dégage sur du plasma d'apparence textile, donnant ainsi vaguement l'impression du titre d'un journal qui paraissait à l'époque.

La production de mains plasmatiques est très fréquente. Comme toutes les productions d'apparence organique, ces figurations peuvent être bidimentionnelles (plates ou incurvées pour donner une illusion de relief (F) ou tridimensionnelles (G). L'élaboration objective de ces mains est très variable. Dans certains cas, on observe une sorte de modelage de plasma blanc et gris donnant l'illusion de plis digitaux et d'ongles (H). Parfois, au contraire, la main est d'emblée très finement modelée, ses proportions anatomiques étant normales ou monstrueuses (1).

Les impressions tactiles que donnent ces mains plasmatiques sont très variables : tantôt la sensation est classiquement visqueuse et froide, tantôt elle est tiède et solide mais molle comme une main de caoutchouc (sans squelette), tantôt chaude et comparable en tous points à celle d'une main vivante et normale, rarement brûlante.

L'élaboration de visages est comparable à celle des mains (J).

Sur la photo K. 1, on observe un visage plat paraissant peint maladroitement sur du tissu et qui s'était développé sur le ventre nu du médium à partir de plasma issu du nombril. La photo K.2 représente une tentative de reproduction, par un peintre professionnel, de l'image plasmatique à partir d'une photographie du président Wilson, parue dans la presse. On remarquera que, malgré la ressemblance évidente, les deux images n'ont pas les mêmes caractéristiques et qu'il aurait fallu un tissu extensible pour reproduire exactement l'image plasmatique. De telles expertises ont souvent été faites et excluent la fraude. D'autre part, on a parfois remarqué que des portraits psi ayant une ressemblance manifeste avec des célébrités, s'étaient élaborés quelques jours avant la parution de photos similaires dans la presse.

Le visage de la photo L présente un aspect de substance plastique avec ébauche de relief. Les deux photos précédentes et la suivante (M), d'aspect métallique (papier aluminium), représentent en fait le même visage (plis identiques) dont certains détails varient au cours de séances successives. L'incurvation d'une image bidimensionnelle en vue de donner une impression de relief est nettement visible sur les deux photos suivantes (même éclair, angle différent : N), d'un visage féminin.

On retrouve encore les mêmes processus pour l'élaboration de corps entiers. Les deux photos suivantes (même éclair : 0), montrent l'image classique d'un fantôme plat. Les fantômes peuvent être aussi tridimensionnels, colorés, chauds au toucher et ne se différencier en rien de personnes réelles. Ainsi, ils se déplacent parfois, transportent des objets, parlent même (enregistrements en faisant foi) et leurs caractéristiques physiologiques sont comparables à celles d'humains : pouls, respiration avec dégagement de gaz carbonique parfois, comme l'a mis en évidence Richet.

Il est important de différencier de telles photos des truquages (type surimpression : P) ou des psychophotos (Q), c'est-à-dire des images obtenues par un médium cherchant à distance à impressionner par une action mentale une pellicule photographique, parfois enfermée dans une enveloppe de plomb(24).

V - Circuit psi et prélèvement de plasma

Les expérimentateurs ont bien sûr essayé à d'innombrables reprises de prélever du plasma à des fins d'analyse physicochimique. Une première difficulté réside dans le fait que, fréquemment, le médium hurle de douleur et parfois s'évanouit quand on tente de prélever de la substance. Il ressort des observations que le lien entre plasma et médium est non seulement organique mais psychologique, plus précisément affectif et prémonitoire (d'un point de vue sensoriel). En effet, le médium décrit parfois très exactement le comportement de ce plasma, même s'il ne le voit pas avec ses yeux ; de plus, il perçoit (consciemment ou non) l'intentionnalité des assistants vis-à-vis de la substance.

Une des caractéristiques fondamentales de telles expériences est la nécessité d'une situation psi, c'est-à-dire d'une attitude psychophysiologique à mi-chemin entre la veille et le sommeil, le conscient et l'inconscient, allant de la simple rêverie à l'état cataleptique. D'où les termes de "transe" et de "médium" introduits par les spirites anglais. Cette situation psi caractérise non seulement le médium lui-même, mais les relations ambivalentes (objectives et subjectives) entre les assistants et le médium au cours d'une séance expérimentale.

Lorsqu'il n'existe pas de relation de confiance (circuit psi) entre l'expérimentateur et le médium, les phénomènes plasmatiques ne se produisent pas. Si cette confiance est brutalement trahie par un assistant qui cherche à prélever de la substance sans avoir prévenu le médium, autrement dit si le comportement de l'assistant devient strictement objectif, le médium ressent une violente douleur et le phénomène disparaît brutalement. Il n'est pas rare que de telles attitudes engendrent une maladie psychosomatique durable chez le médium. De nombreuses observations (résorption du plasma dans le corps du médium avant que l'assistant ne l'ait touché) mettent en évidence la percipience prémonitoire du médium ou, si l'on préfère, la percipience télépathique de l'intentionnalité de l'assistant.

La plupart du temps, comme pour les rêves, les phénomènes sont produits à l'état inconscient, mais parfois le médium reste relativement conscient. Son témoignage est alors particulièrement précieux, surtout s'il est intelligent et désintéressé, comme ce fut le cas de Mme d'Espérance.

Au cours d'une séance spirite qui eut lieu vers 1900, celle-ci regarde les fantômes qu'elle produit et analyse ses sensations : " Maintenant, on voit s'avancer une autre figure, plus petite, plus élancée et tendant les bras. Quelqu'un se lève à l'extrémité du cercle, s'avance vers elle et tombe dans ses bras. J'entends des cris inarticulés : " Anna, oh ! Anna, mon enfant, mon amour ! "

Une autre personne se rapproche également et entoure l'esprit de ses bras : des pleurs, des sanglots et des actions de grâce se mêlent ; je sens son corps tiré à droite et à gauche, et tout devient sombre à mes yeux. Je sens les bras de quelqu'un autour de moi et cependant je suis seule, assise sur ma chaise. Je sens le cœur de quelqu'un battre sur ma poitrine. Je sens que toute cela m'arrive et cependant il n 'y a personne d'autre que les deux enfants auprès de moi. Personne ne se rappelle ma présence. Toutes les pensées, tous les regards semblent concentrés sur la blanche et délicate figure, entourée par les bras de deux femmes en deuil.

C'est bien mon cœur que je sens battre si distinctement. Et cependant, ces bras autour de moi ? je n'ai jamais eu conscience d'un contact aussi réel ; je commence à me demander qui est moi. Suis-je la blanche silhouette ou la personne assise sur la chaise ? Sont-ce mes mains qui entourent le cou de la vieille dame? ou bien sont-ce les miennes qui reposent sur mes genoux? Je veux dire sur les genoux de la personne qui est assise sur une chaise dans le cas où ce ne soit pas moi.

Certainement ce sont mes lèvres qui reçoivent des baisers ; c'est mon visage que je sens tout trempé des larmes versées avec tant d'abondance par les deux vieilles dames. Comment cela peut-il avoir lieu cependant? C'est un sentiment horrible que celui de perdre ainsi conscience de son identité. J'aspire à soulever une de ces mains inutiles et à toucher quelqu'un, juste assez pour savoir si j'existe réellement ou si je suis seulement la proie d'un rêve ; si Anna est moi, ou si j'ai confondu ma personnalité dans la sienne.

Je sens les bras tremblants de la vieille dame, je sens les baisers, les larmes et les caresses de la sœur; j'entends leurs bénédictions ; et, en proie à une véritable agonie de doute et d'angoisse, je me demande combien cela va durer. Combien de temps serons-nous deux encore ? Et comment se terminera ceci? Serai-je Anna, ou Anna sera-t-elle moi?

Soudain, je sens deux petites mains dans les miennes qui demeuraient inertes. Elles me remettent en possession de moi-même et, avec un sentiment de joie exaltée, je sens que je suis bien moi-même. Le petit Jonte, fatigué d'être masqué par les trois formes matérialisées, s'est senti tout à coup isolé et a saisi mes mains pour se consoler en ma compagnie.

Combien ce seul contact d'une main d'enfant me rend profondément heureuse ! Mes doutes se sont évanouis quant à mon individualité et quant à l'endroit où je me trouve... Et comme ces pensées me viennent, la blanche silhouette d'Anna disparaît dans le cabinet ; et les deux dames regagnent leurs places, bouleversées, sanglotantes, mais transportées de bonheur. (4)

Revenons aux prélèvements de plasma : ceux-ci sont possibles lorsque le médium a confiance dans l'expérimentateur et que celui-ci sait maintenir un lien affectif avec le médium durant le prélèvement.

Tout portant à croire que le plasma psi est une transformation temporaire et réversible de la substance corporelle du médium, on pourrait donc s'étonner qu'un prélèvement n'engendre pas une lésion organique à l'intérieur du corps du médium. Il n'en est rien, car le plasma ne conserve son objectivité extracorporelle que durant la transe, c'est-à-dire en général seulement quelques minutes ; autrement dit, même introduit dans un récipient qu'on ferme ensuite, le plasma se sublime et disparaît progressivement. Il ne reste en général dans le récipient que des résidus ; ceux-ci, analysés au microscope, sont composés de débris organiques et parfois identifiés à des cellules de desquamation vaginale ou buccale entraînées par le passage du plasma le long de ces orifices (R).

Néanmoins, en tout état de cause, on ne saurait attribuer au plasma psi la seule origine corporelle, ceci pour deux raisons essentielles. D'abord certains prélèvements de plasma ne se subliment pas ; ce sont des produits très divers, micro- ou macroorganiques (végétaux la plupart du temps) ou non (objets quelconques, par exemple un tissu vestimentaire : après la séance on remarque que le vêtement du médium, de même tissu, est troué selon la même forme). Il semble qu'il y ait donc une relation continue entre le plasma psi et le phénomène dit d'apport (dématérialisation d'un objet et rematérialisation à distance).

D'autre part, une caractéristique des observations est le " vent froid " qui paraît intervenir dans les processus énergétiques et matériels du phénomène. Il ne s'agit pas en fait de vent (d'un courant d'air), mais d'un refroidissement de l'air autour du médium (objectivé au thermomètre), son volume ayant un rayon de quelques mètres.

VI - Expérimentation et preuve testimoniale

L'ensemble, considérable, de ces observations expérimentales n'a néanmoins pas suffi à convaincre certains milieux positivistes, pour la naïve raison que ces phénomènes ne sont pas reproductibles.

Effectivement, comme tous les événements psi, ceux-ci s'inscrivent dans un contexte historique précis, individuel aussi bien que collectif. En l'occurence, le spiritisme en tant que religion n'a existé de façon déterminante que de 1850 à 1930. Les croyants conditionnaient alors les médiums dès l'adolescence à produire de tels phénomènes.

L'attitude positiviste reste cependant inacceptable parce que nous vivons avec des certitudes qui ne sont pas toutes justifiées par des preuves expérimentales, tant s'en faut. Ainsi, l'existence de Napoléon n'est pas " prouvable " expérimentalement ; la certitude de son existence ne relève que d'une appréciation subjective de témoignages. Les parapsychologues usent de la même méthode historique, à savoir qu'ils se basent moins sur les documents eux-mêmes (qui pourraient être tous des truquages) que sur la crédibilité attribuable à tel ou tel chercheur et la masse des témoignages.

Le meilleur spécialiste de l'ectoplasmie fut un psychiatre allemand, le Pr von Schrenck-Notzing, de l'université de Munich. Il réalisa, dans un but démonstratif, 56 séances avec le médium Willy en 1921-1922. A chaque séance assistaient en moyenne 8 personnes. Parmi ces observateurs, on relève 23 professeurs d'université, 18 médecins et 19 personnalités diverses. Sur ces soixante témoins, 55 ont fourni des comptes rendus détaillés : pas un seul n'a remarqué la moindre manifestation suspecte(24).

VII - Corrélations psi

Si donc, pour les parapsychologues, l'ectoplasmie est avérée, il ne s'ensuit pas a priori qu'il s'agisse de phénomènes psi.

On appelle psi la corrélation significative qui existe entre un phénomène objectif et un autre subjectif. Il reste donc à établir cette corrélation, mise en évidence partiellement déjà par les relations télépathiques existant entre le médium, le plasma et les assistants, ainsi que par l'origine organique du plasma.

C'est ce à quoi s'attelèrent, dès 1900, des psychiatres comme le Pr Morselli, de l'université de Turin. Celui-ci montra que le comportement des fantômes était, psychologiquement parlant, identique aux personnages des rêves (aussi les appela-t-il "stéréofantasmes ") et qu'il traduisait les états affectifs (souvent les conflits névrotiques) du médium et parfois de l'assistance(19).

Ayant produit moi-même, à l'état conscient et de façon sporadique, de telles " oniroplasties ", je suis à même d'en décrire quelques aspects psychanalytiques : une série de ces apparitions représentait une jeune fille avec qui j'avais vécu et à laquelle j'étais passionnément attaché. Nous nous étions séparés d'un commun accord, et j'étais fermement décidé à l'oublier. Mais si le refoulement de la présence de cette femme était bien effectif (physique et psychique), il n'empêche que cette absence restait une pure décision intellectuelle qui contenait mal le formidable désir viscéral qui m'unissait à elle. J'étais hanté, mais de façon totalement inconsciente. Le refoulé étant à certains moments plus puissant que le refoulant, il s'ensuivit une série d'explosions plasmatiques, de "psychorragies"*, jusqu'à ce que le conflit soit réellement assimilé.

* (grec) : rupture psychique. Terme formé sur le modèle de "hémorragie" et proposé au début du siècle par des métapsychistes qui voulaient ainsi désigner l'origine affective parfois violente de certains effets PK. L'abréaction des psychanalystes (réaction d'extériorisation par laquelle un sujet se libère d'un refoulement affectif) en est un cas particulier (NdR).

Le conflit spirite est similaire : il s'agit de la présence affective irrépressible d'êtres décédés qui étaient aux spirites aussi chers que leur propre vie. La différence entre eux et moi est de nature purement morale. Je cherche à résoudre de tels conflits ; eux cherchent à les entretenir. Les positions sont irréductibles.

Toutes les approches psychanalytiques de phénomènes psi convergent vers le même constat : le psi est une matérialisation de désir.

Un exemple élémentaire, et que nous ne développerons pas, est la tentative, réussie par de nombreux médiums, d'imprimer à distance, dans une pâte molle, des empreintes figuratives (S) ou non. L'intérêt de ce phénomène est que l'apparition de plasma, semblant créer un lien mécanique entre le médium et la pâte, n'est nullement une nécessité mais un épiphénomène contingent. Le problème est le même pour les psychophotos : l'observation, parfois, d'une énergie électromagnétique reliant médium et pellicule n'est que la matérialisation d'une rationalisation secondaire. On touche là le problème fondamental de la parapsychologie : l'énergie de transmission est certainement subjective, purement imaginaire et donc indécelable, la preuve en étant que ce sont des signifiés et non des signifiants qui sont transmis (par exemple, médium comprenant un interlocuteur parlant une langue qui lui est inconnue).

Prenons le cas des télékinésies (déplacements d'objets à distance) ; un professeur de l'université de Belfast, Crawford, met en évidence photographiquement un levier plasmatique reliant le médium et la table (T). Il en conclut que le levier provoque la lévitation (3). Erreur. D'autres chercheurs ont refait les mêmes expériences sans déceler le moindre levier. Qu'est-ce qui s'était passé? Crawford, professeur de mécanique, ne pouvait imaginer autre chose qu'un levier, d'où l'"oniroplaste".

Autre exemple encore : nous avons vu tout à l'heure que certaines mains et figures plasmatiques paraissaient parfois comme modelées par un sculpteur. Ce n'est nullement un processus nécessaire. Il suffit de savoir qu'en l'occurence l'expérimentateur (Mme Bisson) était sculpteur(2).

Cependant, de façon générale (et pour les cas où la fraude est exclue), la naïveté fréquente des productions plasmatiques figuratives - de même que l'infantilisme des poltergeists ou des "ufonautes" - révèle une régression psychique du médium face à un conflit qu'il ne peut ou ne veut résoudre.

 

VIII - Psycho-physique

Reprenons maintenant l'analyse des cas spontanés. Qu'il s'agisse de hantises, de vaisseaux-fantômes, d'apparitions religieuses, de soucoupes volantes (appelées aussi ovnis, ufos) ou même de phénomènes fortéens*, on retrouve partout les mêmes caractéristiques objectives que celles mises en évidence en laboratoire.

* Ou "forteana " : événements physiques incongrus (la plupart aériens) recueillis par Charles Fort afin, disait-il, d'édifier un sanatorium des coïncidences exagérées (NdR).

 

A - Aspects objectifs

Prenons les pluies de sang, les chutes de manne ou de cheveux d'ange (toutes chutes qu'on observe parfois au passage d'ovnis ou sur leurs lieux d'atterrissage) : même phosphorescence, même aspect solide (filaments élastiques, laine siliceuse, etc.) qui devient visqueux, gélatineux, nuageux et se sublimé.

Passons aux ovnis eux-mêmes. Il faut d'abord signaler le décalage qui existe - comme dans les séances expérimentales - entre les descriptions par les témoins de visions souvent extrêmement précises et la pauvreté figurative ainsi que le flou observé sur les photographies : ce décalage signe déjà un caractère hallucinatoire (et la seule lecture des témoignages peut abuser sur ce point).

L'aspect de ces ovnis? Du nuage phosphorescent à l'aspect métallique brillant. Leur caractère plastique est évident : tout comme en séance expérimentale, on voit la matière se déformer, se rétrécir ou s'agrandir, changer de coloration, se diviser ou se réunir, apparaître ou disparaître brutalement, etc. On observe fréquemment une traînée floconneuse comparable au cordon plasmatique qui relie souvent en séance expérimentale, le médium et le fantôme(6).

Les extraterrestres ou les apparitions de saints? Exactement comme les fantômes observés par les métapsychistes : plus ou moins conformes à l'anatomie humaine, souvent nuageux avec des noyaux lumineux là où la matière est la plus dense ; relations télépathiques avec l'observateur(6).

L'analyse chimique du plasma? Fréquemment, comme en séances expérimentales, l'odeur d'ozone ou de soufre. La sublimation classique ensuite. Parfois on a le temps d'effectuer une analyse chimique en laboratoire : toute la chimie et la biochimie y passent (il faut lire à ce sujet les admirables pages de Charles Fort, démolissant sardoniquement les certitudes de la chimie en particulier et des sciences objectives en général). Dans d'autres cas, et toujours de façon semblable à l'observation expérimentale, on constate des apports définitifs, organiques ou non(6).

Enfin, la dématérialisation d'objets inertes ou vivants et leur rematérialisation à distance s'observent parfois en association avec du plasma informel ou d'apparence humaine, ou encore de type ovni(6).

Soucoupes et extraterrestres oscillent très souvent (déplacement, luminosité). Or on connaît très bien ce phénomène en expérimentation ; la fréquence est exactement celle de la respiration du médium(21). Peut-être pour le phénomène ovni y a-t-il correspondance avec la moyenne des fréquences respiratoires d'un certain groupe d'humains.

On sait déjà que les rêves se produisent généralement la nuit. Or c'est précisément au milieu de la nuit qu'on observe, en fonction du nombre de témoins, un nombre maximum d'ovnis. On retrouve donc la situation psi caractéristique (entre veille et sommeil), autrement dit la transe hypnotique ou onirique, au choix.

Certains chercheurs ont remarqué des similitudes très fortes entre ovnis et foudre en boule(18). Rien d'étonnant, si on définit psychologiquement un plasma physique, ce quatrième état de la matière : c'est de la matière en hypnose. Les noyaux ("l'inconscient") se trouvent en relation directe avec la réalité objective, sans l'intermédiaire des électrons (" l'enveloppe corporelle "). Bien entendu, j'entends d'ici hurler certains physiciens ; ils semblent oublier que l'interprétation animiste des paradoxes de la physique quantique a des défenseurs réputés(4).

J'ajouterai, pour enfoncer le clou, que plusieurs biologistes ont clairement démontré que la terre fonctionnait comme un organisme. Elle est en effet capable de conserver un équilibre instable (taux d'oxygène, température, acidité du sol, etc.) et en plus de se complexifier(15). Les phénomènes géophysiques et météorologiques peuvent donc être considérés comme des manifestations de la physiologie terrestre.

B - Aspects subjectifs

Maintenant, là encore, pour dire de tous ces phénomènes objectifs qu'ils sont psi, faut-il encore les corréler de façon significative avec des données plus ou moins conscientes, individuelles ou collectives. Cela a été fait - et bien fait - pour les hantises.

Pour les ovnis, les chercheurs ont rassemblé beaucoup de documents significatifs en ce sens ; et certains groupes soucoupistes sont même parvenus à produire des ovnis, selon des procédures similaires à celles des spirites. Mais une étude fine fait encore défaut. C. G. Jung, le premier, avait fait une étude sociopsychanalytique de ces phénomènes, mais de façon très générale(14). Il resterait à corréler chaque vague d'ovnis, chaque séquence d'apparitions religieuses, chaque groupe de phénomènes fortéens avec un conflit social bien particularisé(27). Cette orientation de travail est peut-être utopique si ces vagues sont du type rumeur, ce qui semble effectivement le cas.

On connaît ainsi l'histoire d'Adamski, cet illuminé qui prétendait avoir été emmené sur Mars par une soucoupe(1); il avait soit disant photographié celle-ci, et elle ressemblait à un couvercle de réfrigérateur, modèle de l'époque (1952). L'intérêt de ce détail (U) est que, plusieurs années durant, des photographies non truquées d'ovnis présentèrent la même stupide technologie. Ce schéma se reproduisit ensuite au troisième degré ; le phénomène ovni s'amplifia ainsi en absorbant et concrétisant les interprétations qu'on en donnait. On peut alors présager, localement et globalement, qu'il disparaisse à force de se diluer. C'est, en tout cas, exactement ce qui s'est passé en Europe pour les apparitions spirites(23).

De nombreux historiens ont signalé des coïncidences significatives entre apparitions célestes, terrestres ou démoniaques et remous sociaux. Dans le Japon du XIIIe siècle comme dans l'Allemagne du XVIe, le peuple (médium avant la lettre) interprétait tout naturellement les phénomènes célestes extraordinaires comme une approbation de ses révoltes et parfois comme des renseignements prémonitoires concernant la conduite à tenir en vue d'un succès. La formidable vague de sorcellerie qui ébranla l'Europe du XIVe au XVIIIe siècle ne peut guère être comprise que comme une révolte viscérale de la population contre la rationalisation laïque des conduites qu'imposèrent les Etats. Le spiritisme au XIXe siècle et le soucoupisme au XXe en sont le prolongement direct.

C - Objet et sujet

Le plus troublant pour un Occidental bien perverti par les catégories de l'objectif et du subjectif, c'est que les hallucinations objectives ne correspondent aucunement au bon sens aristotélicien. Un fantôme doit être, selon les normes en vigueur, objectif ou subjectif. Les ovnis ne peuvent être qu'un mythe ou une réalité. Toutes les observations concourent pourtant à poser qu'ils sont les deux à la fois(6).

D'où certains paradoxes : dans un même lieu, au même moment, trois personnes peuvent voir du plasma (fantôme, ovni, etc.) ; la quatrième ne voit rien, mais est la seule à sentir quelque chose au toucher ; la cinquième ne fait qu'entendre, etc (25). Autre exemple : tous les observateurs voient le plasma, on prend alors une photo, on ne trouve rien au développement. Et inversement. Idem avec les enregistrements de processus mécaniques.

L'esprit occidental chavire. Tant mieux. Le voilà barbotant dans la seule réalité de fait : l'affectivité.

***

Bien que la théorie des apparitions (qui reste encore à établir et sera sûrement très complexe) ne soit pas l'objet de cet exposé, j'aimerais pour conclure reprendre brièvement deux profondes remarques de métapsychistes français en les situant dans la perspective complémentariste du psi défini comme signification inhabituelle.

La première remarque est de Warcollier qui affirmait que les percipiences n'étaient pas du tout des expressions dans le temps d'une réalité spatiale inaccessible, mais au contraire des manifestations spatiales d'un imaginaire temporel (28). Essayons d'expliciter cette hypothèse :

1. Toute représentation imaginaire (toute " percipience " au sens large) reflète une tendance, par définition étalée dans le temps et donc n'appartenant pas totalement au sujet. Elle peut par exemple appartenir aussi à un second sujet qui cherche, lui, à l'introjeter. Dans ce dernier cas, il peut y avoir processus télépathique, i.e. pour le récepteur - pour le premier sujet - percipience au sens étroit (" ESP ") coïncidant objectivement (au moins en théorie) avec un effet PK intracérébral.

2. Toute tendance peut se concrétiser, se projeter dans l'espace objectif ambiant. Le cas le plus banal est l'action, conséquence d'un effet PK intracérébral "normal", au niveau des aires motrices (tout projet agit à travers nous autant que nous agissons par lui). Plus rarement, il peut y avoir, par blocage moteur - au réveil par exemple -, une représentation imaginaire dans l'espace réel objectif, i.e. une hallucination simple (improprement d'ailleurs considérée comme subjective). Et exceptionnellement, s'il y a à la fois blocage moteur et représentatif, la tendance peut se manifester directement par un effet PK non cérébral sur le corps du sujet, sur un objet ou sur l'atmosphère (d'où objectivité au sens fort).

3. Dans le cadre d'un groupe, l'hallucination peut être subjective et collective, c'est-à-dire "objective" d'une manière ou d'une autre :

• Le cas le plus simple est l'hallucination collective, avec même contenu sémantique pour tous les individus, mais forme différente. Tous les assistants par exemple entendent une musique céleste, mais personne ne s'accorde sur sa localisation ou la nature des instruments qui la produisent ; on peut considérer alors qu'un magnétophone n'enregistrerait rien. De nombreux cas d'apparitions (visuelles) spontanées semblent appartenir à ce type ;

• Le cas le plus rare est celui où le groupe souhaite qu'un médium produise un effet PK extracorporel. Ce sera par exemple "l'ectoplasmie" spirite, visible pour tous et objectivée par la photographie.

• Le cas le plus bizarre, intermédiaire des précédents, est celui d'un groupe composé d'une partie de "croyants" , et de divers sujets psi et d'une autre partie de sceptiques. La signification du processus n'est alors plus cohérente et l'on obtiendra des enregistrements en contradiction avec les observations de certains ou de tous les participants.

Toutes les considérations précédentes nous amènent à l'idée suivante, ébauchée déjà par Geley en 1919, selon laquelle l'unité de tous ces phénomènes n'est théoriquement possible que si l'on admet que la réalité (spatiale des objets) est indissociable des tendances (temporelles des sujets(9), autrement dit que notre monde (objectivo-subjectif) est une signification, initialement affective, conflictuelle, instable, contradictoire, puis localement cohérente mais temporairement (et même, pour être exact, instantanément : ce sont les effets PK, d'où des traces événementielles, c'est-à-dire des objets) et enfin durablement (ce sont les êtres vivants).

 

 

RÉFÉRENCES

1. ADAMSKI (J.), Les soucoupes volantes ont atterri, J'ai Lu, Paris, 1971.

2. ALEXANDRE-BISSON (J.), Les phénomènes dits de matérialisation, Alcan, Paris, 1914.

3. CRAWFORD (W.J.), La mécanique psychique, Payot, Paris, 1923.

4. D'ESPAGNAT (B.), A la recherche du réel, Gauthier-Villars, Paris, 1979.

5. ESPÉRANCE (E. d'), Au pays de l'ombre, Leymarie, Paris, 1889.

6. FAVRE (F.), Que savons-nous sur lesfantômes ?, Tchou, Paris, 1978 ; Les apparitions mystérieuses, idem.

7. FLAMMARION (C .), Les forces naturelles inconnues, Flammarion, Paris, 1921.

 

8. FORT (C.), Le Livre des Damnés, Eric Losfeld, Paris, 1967.

9. GELEY (G.), L'ectoplasmie et la clairvoyance, Alcan, Paris, 1924 ; De l'inconscient au conscient, idem, 1919.

10. GOERRES (JJ. von), La mystique divine, naturelle et diabolique, Poussielgue-Rusand, Paris, 1861.

11. GUERARD DES LAURIERS (M.L.), L'étoile dans la montagne : les apparitions de San Sebastian de Garabandal, Nevers, 1966.

12. GURNEY (E.), Les hallucinations télépathiques, Alcan, Paris, 1891.

13. IMODA (E.), Fotografie di fantasmi, Fratelli Bocca, Turin, 1912.

14. JUNG (C. G.), Un mythe moderne, Payot, Paris, 1961.

15. LOVELOCK (J.), La terre est un être vivant: l'hypothèse Gaia, Le Rocher, Monaco, 1986.

16. Lumières dans la nuit, mai 1968 et novembre 1975.

17. MEHEUST (B.), Science-fiction et soucoupes volantes, Mercure de France, Paris, 1978.

18. MICHEL (A.) et LEHR (G.), Pour ou contre les soucoupes volantes, BergerLevrault, Nancy, 1969.

19. MORSELLI (E.), Psicologia e spiritismo, Fratelli Bocca, Turin, 1908.

20. OSSENDOWSKI (F.), Bêtes, hommes et Dieux, Pion, Paris, 1925.

2 1. OSTY (E. et M.), Lespouvoirs inconnus de l'esprit sur la matière, Alcan, Paris, 1932.

22. RICHET (C.), Traité de métapsychique, Alcan, Paris, 1922.

23. SCHOPENHAUER (A.), Essai sur les apparitions et Opuscules divers, Alcan, Paris, 1912.

24. SCHRENCK-NOTZING (A. von), Phénomènes physiques de la médiumnité, Payot, Paris, 1925.

 

25. TYRRELL (G.N.M.), Apparitions etfantômes, Fasquelle, Paris, 1955.

26. VALLEE (J,), Chroniques des apparitions extra-terrestres, Denoël, Paris, 1972.

27. VIEROUDY (P.), Ces ovnis qui annoncent le surhomme, Tchou, Paris, 1977.

28. WARCOLLIER (R.), " L'espace-temps psychique ", Revue métapsychique, (1949) 7.

 

* On peut trouver la plupart des photographies dans F. Favre, "Que savons-nous sur lesfantômes ?", Tchou, 1978. Nous avons néanmoins pensé utile d'en donner les légendes et les références (NdE):

A. Amas de substance issue du nombril, qui avait rampé jusqu'aux mamelons et s'y était accrochée (Sujet: Eva Carrière. Expérimentateur, Alexandre-Bisson. Séance du 6.1.1913). Ref. 2, planche xx.

B. Après une apparition de boules lumineuses se forma une colonne nuageuse de densité variable (idem. Séance du 25.11.1909). Réf. 2, planche 1.

C. De la substance blanche d'apparence solide sort de la bouche du médium (Idem. Séance du 20.01.1913) Réf. 2, p. 176.

D. Une substance blanche ressemblant à un tissu végétal sort de la bouche du médium sans déchirer la résille (Sujet : Stanislawa Popielska. Expérimentateur : von Schrenck-Notzing. Séance du 1.7.1913). Réf. 24, p. 96, fig. 18.

E. Un visage bidimensionnel de femme apparaît sur le côté gauche de la tête du médium et grandit à vue d'oeil. Sur la photographie, on voit le revers de cette image, avec le mot "MIRO" (Sujet : E.C. Exp. : A.-B. Séance du 27.11.1912). Réf. 2, p. 157.

P. Des mains plates et mobiles apparaissent. La photo montre une silhouette de main qui semble découpée aux ciseaux dans du feutre (Sujet: S.P. Exp. : S.-N. Séance du 11.2.1913). Réf. 24, p. 161, fig. 30.

G. On aperçoit sous le menton du médium un gant d'apparence cotonneuse et dont l'extrémité supérieure semble déchirée (Idem. Séance du 8.1.1913). Réf. 24, p. 160, fig. 26 (encart).

H. La main plasmatique, à droite de celle du médium, présente l'apparence d'un gant usagé (Idem . 20.2.1913). Réf. 24, p. 193, fig. 33.

I. Moule de mains plasmatiques obtenu par trempage dans un bain de paraffine. Les empreintes digitales sont très nettes sur l'original (Sujet : Franck Kluski. Expér. : G. Geley. Séance: avril 1922). Réf. 9, p. 251, pl. XLIII.

J. De la matière blanche sort du col du médium. On distingue sur celle-ci une ébauche de visage (Sujet : Willy Schneider. Exp. : S.-N. Séance en 1919). Réf. 24, p. 209, fig. 40.

K. 1. Un amas de substance s'accumule sur le ventre du médium, d'où se dégage peu à peu un buste d'homme. La silhouette semble avoir été peinte sur du tissu, découpée puis pliée. Mais, comme pour tous les documents présentés ici (sauf P et U), la fraude est exclue (Sujet: E.C. Fâp. : A-B. Séance du 19.1.1913). Réf. 24, p. 337, fig. 62.

K. 2. Tentative d'imitation du portrait précédent à partir d'une photo du Pdt arnéricain T.W. Wilson: les proportions des deux portraits ne sont pas les mêmes (Expertise: S.-N., 1914). Idem, fig. 63.

L. Apparition du même visage qu'en K. 1. On a l'impression d'une photographie sur support plastique qui aurait été pliée, puis dépliée et modelée grossièrement dans l'espace pour donner une illusion de relief (Sujet: E.C. Exp. : A-B. Séance du 5.8.1912). Réf. 2, p. 133.

M. Le même visage plat apparaît, peut-être incurvé. Le front déchiré donne une impression de substance métallique (Idem. 2.5.1913). Réf. 2, p. 197.

N.1 et N.2. Visage incurvé de femme pris sous deux angles différents. Sur N.2, on distingue l'oeil gauche à l'intérieur du "masque" , (Idem. 5.8.1912). Réf. 2, p. 134 (encart A) et p. 135.

0.1 et 0.2. Fantôme plat pris sous deux angles différents. En général, dans les séances de Mrne Bisson, du plasma semble d'abord sourdre du dos du médium, puis se déploie en éventail ; il se détache ensuite et se dispose verticalement : un fantôme plat apparaît alors. La reproduction a été retouchée à l'époque aux fins de publication (Idem. 23.2.1913). Réf. 2, p. 180 et 181.

P. Bien que ce document ait émané d'un astronome australien connu à l'époque, Robert Stewart, et qu'une triple exposition n'en explique pas tous les détails, ce document (comme beaucoup de ce type) reste douteux, faute d'informations sur son contexte (in La photographie transcendentale, Librairie nationale, vers 1910, p. 55).

Q. Sous la direction du Pr Bender, une expérience de psychophotographie eut lieu en 1968 à Denver, avec le médium américain Ted Serios. On demanda à celui-ci d'impressionner par PK une pellicule polardid avec une image d'homme préhistorique : on obtint ainsi le document de gauche. On découvrit ultérieurement que cette image reproduisait sommairement un tableau du Musée d'histoire naturelle de Chicago : document de droite (Il. Bender, L'univers de la parapsycbologie, Dangles, 1976, p. 121).

R. Le plasma laissant souvent des traces, on en effectua des prélèvements. L'une des microphotographies, réalisées dans un laboratoire de cytologie de Munich, montre des débris épithéliaux (Sujet: E.C. Exp. : A.-B. et S.-N. Séance du 11.9.1912). Réf. 2, pl. xxxv.

S. Tandis qu'un assistant tenait un tableau rempli de mastic, le médium tenta à distance d'obtenir une empreinte de la tête d'un fantôme précédemment aperçu. Bien que l'assistant ne sentît aucune pression, une empreinte se produisit ; mais ce fut celle du profil du médium et non du fantôme (Sujet: E. Paladino. Exp.C. Flammarion. Séance : juillet 1897). Réf. 7, p. 99, pl. iv.

T. Photo prise par un assistant du Pr Crawford, avant que la table ne lévite. Le plasma a ici la texture d'une gaze; d'après Crawford, le plasma se raidissait au moment de la lévitation (sujet: Kathleen Goligher. Exp. : F.M. Stephenson. Séance du 6.9.1920). Réf. 24, p. 224, fig. 46.

U. Photo prise au téléscope par Adamski le 13.12-1952, en Californie. Reproduite dans J. Lob et R. Gigi, Le dossier des soucoupes volantes, Dargaud, 1972.

Accueil GERP