COMMENT REAGIR AU PSI ?

 

ITINERAIRE PERSONNEL (Parapsychologie N°18, janvier 1985)

par Emmanuel Hemmerlin

 

La réaction au psi est certainement un bon révélateur des structures mentales. Voilà au moins un point sur lequel les adversaires du psi devraient être d'accord : ne vous êtes-vous pas un peu facilement laissé convaincre ? Avez-vous été enthousiasmé ? Horrifié ? Est-il normal ou anormal de penser que ces choses-là sont possibles ? (impossibles ?).

 

Mais, bien que vous soyez sûrs de votre bon droit, je vous propose, au moins pour le moment, de laisser les structures mentales de l'autre, de l'adversaire. Car je crois d'expérience que le psi a d'abord quelque chose à nous apprendre sur nous-mêmes. Puis-je tenter, modestement, de vous aider ?

 

La réaction au psi se fait au travers d'une grille multiple dont il vaut mieux ne pas sous-estimer la structuration, et comportant comme éléments principaux des idées sur la science ; des notions religieuses ; le tempérament ; les "sentiments", ou "intuitions", internes. Des notions de philosophie seront les bienvenues.

Le psi devant nous apprendre au moins la prudence, je propose de respecter en chacun, jusqu'à preuve du contraire, ses intuitions profondes comme sources possibles de vérité. Mais il serait bon en retour que chacun accepte d'argumenter au mieux sa position, sans se fermer à l'argumentation des autres

Il est fort possible du reste que la plupart de nos "intuitions profondes", qui ne sont pas si nombreuses, soient justes unité du monde, existence ou non-existence du "divin" - mais que notre défaut permanent soit d'en tirer, par juxtaposition à une vue simpliste du monde, des conclusions sommaires, elles, tout à fait fausses, (si Dieu existait, alors ... )et sinon fausses, du moins prématurées. Le décapant psi , par remise en cause de notre image du monde, pourrait bien remettre certaines choses en place.

Le psi et la science

Notre première réaction au Psi sera vraisemblablement en rapport avec notre grille scientifique. Examinons quelques possibles.

 

Réactions d'optimisme scientifique : la science explique (est de nature à expliquer) tous les faits. Les événements psi sont des faits, donc ils appartiennent à la science et la science les expliquera, au sens classique. Reste à convaincre les scientifiques, prudents et conservateurs par nature, de leur existence et, dès maintenant, à se mettre au travail sur des bases scientifiques. Ce discours n'est-il pas logique ?

Il n'est pas possible de penser qu'un tel raisonnement sert -et a déjà servi- de base à certains scientifiques eux-mêmes. Il ne les fait aucunement avancer, mais sert à exprimer leur foi en l'avenir.

Si celui qui tient le raisonnement n'est pas lui-même un scientifique, il pourra avoir tendance à imaginer des solutions "physiques" à sa portée aux problèmes du psi, sa préférence allant vers les domaines les plus nouveaux, les moins connus, et dont il s'arrange au mieux des obscurités et mystères. Ses piètres mixtures font le délice des anti-psi.

Variante = la science montrera comment des faits psi authentiques (relevant d'un domaine psi sui generis) peuvent s'insérer, sans contradiction, dans le tissus "matériel". C'est une position toute différente.

 

Réaction de rejet viscéral : cette deuxième réaction est souveraine pour démasquer la première, qui nous endort en évacuant une donnée essentielle : le caractère "d'anti-science" fondamental du psi (bouleversement de l'ordre objectif à partir d'une cause subjective ). L'intuition étant la chose la mieux développée du monde, il n'est besoin pour maints scientifiques de raisonnements complexe pour s'en rendre compte. Si le PK est vrai, alors il n'y a plus de sécurité pour personne, et la science rigoureuse... est, rigoureusement, impossible. Mais d'autres, pendant ce temps, rêvent encore du PKmètre.

Mon propos n'est pas, ici, de détailler ce caractère d'anti-science du psi, dans ses présupposés comme dans ses conséquences ; il s'agit toutefois d'une notion capitale, à assimiler et à développer. (Toute définition du psi que l'on peut tenter sera en rapport avec l'un ou l'autre système de référence, selon qu'on accepte ou rejette la possibilité d'un caractère d'antiscience.)

Quant à l'anti-psi de bonne volonté, celui qui, vraiment "n'arrive pas à y croire", je me permets, toute vanité bue, de lui donner ce conseil : qu'il cherche à expliciter pourquoi , vraiment, de telles choses, anti-science ou pas, sont positivement impossibles ? (Evidences non reçues.) S'il réussit, il aura au moins dégagé ses propres postulats. Pour l'aider, les études critiques sur la formation de l'esprit et du projet scientifique, toute histoire critique du développement des idées, seront bienvenues.

 

Réaction d'adoption "nihiliste" : la discipline scientifique est une "discipline de fer". La soumission au joug de l'objectivité assure son avance triomphante. Il n'y a point de place pour qui veut penser à sa guise.

Et puis soudain rien ne va plus : l'éléphant barrissant monte sur un tabouret pour échapper à la petite souris psi. N'y a-t-il pas là matière à quelque sombre revanche ? Plus "nihiliste" encore : le monde n'est pas "absurde" -impossibilité matérialiste de justifier quelque valeur que ce soit - mais "compréhensible" ; il est "absurde et incompréhensible". Pour l'activiste "révolutionnaire -nihiliste", le psi pourra devenir ferment de désagrégation.

 

Du bon usage du psi face à la science : je viens de critiquer deux types de réactions favorables au psi. La seule réaction saine serait-elle donc de nier ?

La réaction saine est de mettre en évidence ce qui nous amène à nier le psi : c'est-à-dire le postulat d'objectivité. Le monde est totalement objectif ; il obéit à des lois, c'est-à-dire à des règles immuables. La science découvre les lois et démêle l'écheveau du monde.

Jacques Monod a posé clairement le principe d'objectivité ; cette position "oublie" tout simplement le sujet, en tant que source d'actes par sa volonté propre. Un tel sujet "échappe" à la science : êtes-vous bien sûr qu'il n'existe pas ? Et si oui, comment êtes-vous sûr ?

Il est mal vu de poser des questions dont la réponse échappe à la science mais peut-être convient-il, justement, de bousculer cette pression totalitaire du nouveau maître, et de rendre à la pensée philosophique sa prééminence de droit : nul Dieu n'étant venu nous apporter les tables de lois de la pensée, il convient que nous pensions par nous-mêmes. Poser la question du "principe d'objectivité", qui fonde la science, ne relève pas de la science. Dommage ?

Maintenant, voyant que la science commence par un postulat philosophique -mais on a fait ce qu'il faut pour écarter la philosophie de la formation scientifique- et comme on sait la fragilité des constructions philosophiques a priori, doit-on s'étonner si quelque part le bât blesse ?

 

Mais avant de conclure nous devons être bien assurés, quant au psi, de son caractère radical d'anti-science... et, d'abord de son existence. Nous ne serions sinon que "revanchard-philosophe". Je ne crois pas, toutefois, qu'une critique fondamentale de la vision scientifique soit à négliger.

Le psi et les questions métaphysiques

La survivance (deuxième volet métaphysique) : à son intérêt propre, ce sujet ajoute celui de pierre de touche. Ou bien, malgré ce coup malheureux qui vous a valu d'être convaincu du psi, gardez la tête froide et niez la survivance, ou bien vous sombrez totalement dans l'irrationnel ... et vous n'êtes pas loin de prétendre garder votre petite âme pour l'éternité. Mais au fait de quoi parlons-nous ?

 

Il y a deux façons d'aborder la question. La première est d'examiner la masse des manifestations psi en faveur de la survivance. Tout gober demande assurément une nature prédisposée, et, d'autre part, il faut savoir reconnaître les arguments, sérieux, qui conduisent à classer la grande vague du spiritisme à côté d'autres vagues de grande ampleur comme celles du magnétisme animal ou des ovnis : là dedans semble bien se manifester d'abord la satisfaction d'une idée populaire. La question n'est pas si simple. Pourquoi certaines idées seulement ... ?

 

Si l'on creuse un peu, toutefois, vite déblayés les cas faibles ou douteux, reste une masse solide dont seules viennent à bout les armes lourdes de la percipience sans limite ou du subconscient génial, et manigançeur : mais de quoi n'est-on pas capable pour palier à l'angoisse de la mort ?

 

Il faut bien voir malgré tout que si , en ce sens, il n'existe pas de "preuve" absolue de la survivance, il conviendrait au moins de laisser la question ouverte puisqu'aussi bien il ne semble guère exister de présomptions comme quoi les raisons invoquées auraient effectivement joué -je parle des cas solides- sinon la "continuité". La nature trompeuse des ovnis exclut-elle toute idée d'exobiologie ?

Je vais donc chercher ici quel genre de raisons complémentaires peuvent jouer à ce stade :

- restant d'orthodoxie scientifique : tout ce qui existe est objet. L'objet détruit il ne reste rien. Bonne réponse tant qu'on reste, précisément, dans le cadre de l'orthodoxie scientifique. Valable pour les tenants de la première réaction. (A confirmer par une étude de cas ?)

- besoin d'orthodoxie scientifique : toujours pour ceux qui n'ont pas compris le caractère d'anti-science du psi. Leur tentative d'intégration en douceur est vaine.

- crainte de se duper : louable, mais les chants les plus désespérés ... ne sont pas nécessairement les plus justes.

- satisfaction de ne pas être dupe : si vous croyez ...

- généralisation spontanée : "j'ai bien failli être dupe (de telle manifestation) mais à l'analyse je crois plutôt avoir été le jouet de mes propres fantasmes." Bravo. L'esprit critique est indispensable. Mais l'aptitude à la généralisation conduit aussi aux abus. Vous n'êtes pas pour autant le seul être doué d'esprit critique.

- désir ce prophylaxie : ce désir vous honore, mais s'agit-il de protéger les gogos ou de chercher, humblement, la vérité ?

En définitive, seule la première raison semble une bonne raison. Mais êtes-vous sûr, en matière de psi, de pouvoir, précisément, rester dans l'orthodoxie scientifique ? 

La deuxième façon d'examiner les choses est de revenir d'abord à la critique fondamentale, avec, par exemple, cette notion de sujet : "je" suis un sujet, et je vis. Le stylo que je manipule appartient au domaine des objets et subit ses lois. Il est rigide, déterminé, et mort. Je veux dire par-là que si vous savez objectivement ce qu'est la vie, il faudra venir me l'expliquer. Et quand vous m'aurez expliqué pourquoi la vie n'est pas une illusion -née de la complexité- alors nous reparlerons de ce que peut être la mort.

S'il parait naturel que la réaction première se fasse en relation avec le savoir dominant - la science - le chasseur psiphile aura bien de la chance s'il ne se trouve pas très vite avec quelque vieux mythe métaphysico-religieux.

Le thème du miracle : c'est un thème crucial . Il faut y redoubler d'attention. Ah, si les faits psi voulaient bien se couler dans le moule scientifique ! Mais, justement, ils ne veulent pas : alors violent-ils les lois scientifiques ?

Et ne faut-il pas bien qu'il les violent, car sinon ils se couleraient clans le moule ?

Soupirs des anges ... Ne vous a-t-on pas expliqué cent fois que le progrès de la pensée, de la pensée scientifique, avait été d'éliminer, une bonne fois, le recours au miracle. Une pensée scientifique dont l'efficacité est prouvée (prouvé, aussi, son échec "spirituel"). Il n'y a pas de miracle, pas de psi , pas de Dieu, pas de dualisme, pas de problème !

 

J'oubliais : la question de l'action volontaire de l'esprit -un- sur la matière -deux- est un vieux problème philosophique que l'on a posé dans les mêmes termes -de loi et de miracle- et qui n'a pas produit de solution logiquement satisfaisante - sinon, d'une certaine façon, celle de "l'harmonie préétablie". Mais elle n'est pas "raisonnable".

J'ai critiqué plus haut l'approche "optimiste" qui veut que "la science" résoudra tout, et le penchant à voir dans ses derniers développements mystérieux, comme le magnétisme -vu "naïvement" ne le reste-t-il pas ?- ou les "quanta", la solution du problème : méfiance fondamentale, inhérente à qui croit voir (anti-science) que le "problème" du psi n'est pas -pas seulement- un problème de physique : mais si le psi existe, alors ne croyez-vous pas que, plutôt que de parler de miracle à propos de petites choses si triviales, mieux vaut penser que la structure du monde est telle qu'elle permet l'occurrence du psi et l'expression du sujet. Or sur la structure du monde la physique a plus d'un mot à nous dire. Est-ce un hasard si justement, l'illusion de l'objectivité absolue, de la causalité absolue, s'effondre ? Si d'aucuns parlent de "réel voilé" ? Si le comportement des "particules"semble manifester quelque liberté intérieure, irréductible par nécessité à toute description physique ? Quelle sorte de réalité est-ce donc là, qui prend à contre pied nos anciennes catégories ? (Défendues cependant par d'autres physiciens.)

J'ai parlé aussi d'une prééminence de la philosophie . il s'agit d'une prééminence "logique", dans ce sens où c'est elle qui pose les questions et les postulats. Il vaut mieux simplement le savoir. Le tort, sans doute, a été de trop croire, comme toujours, à la validité de nos évidences... et toutes nos constructions a priori sont à terre. Il n'est pas dit que si la philosophie veut bien condescendre à quitter ses "hautes sphères" pour venir patauger dans les faits -faits "scientifiques" d'une part, faits psi d'autre part- elle ne puisse devenir, à l'instar de la science, cette construction perfectible que souhaitait Bergson. Le "raisonnable" devra simplement, humblement, remplacer le "prouvé". 

La stagnation philosophique n'aurait alors été qu'un trompe-l'oeil, mais pour que le vrai démarrage puisse se produire, n'était-il pas nécessaire que la science en arrive elle-même à tâter, de l'intérieur, ses propres limites ... et à bousculer nos illusions immédiates sur le monde ?

Pour le moment philosophes et ecclésiastiques ronronnent aux pieds de la science.

Psi et corps de religion : la relation entre psi et corps de religion, pour qui s'intéresse à la torsion des petites cuillères, peut paraitre assez lointaine. Les points de contact sont cependant assez nombreux, bien que la plupart du temps discrètement évacués (on a assez à faire avec la science) : en particulier que faire des manifestations "religieuses" (apparitions), "démoniaques" -il en existe de peu communes- et des phénomènes du mysticisme ?

Il me parait dommage, bien qu'il faille aussi respecter cette position, de vouloir interpréter ces manifestations dans le cadre de dogmes constitués, en ne gardant pour libre analyse que le psi "trivial". C'est vraisemblablement la même texture du monde qui les autorisent toutes, et procéder ainsi c'est, typiquement, prendre les choses à l'envers ... Mais qui, diable, a donc parlé de Révélation à nos esprits enfiévrés d'absolu ?

Mieux vaudrait reconnaître que les occurrences psi, telles en particulier les manifestations du type survivance, n'ont pas pu être sans influence déterminante sur la naissance même de l'idée religieuse. Le Dieu Unique ne fut-il pas à l'origine un "dieu lare" jaloux qu'il convenait seul d'adorer, pour un meilleur "rendement" ?

Le psi pourvoyeur de mythes, capable de donner corps à l'imagination populaire -prodiges des anciens, apparitions mariales, démoniaques ou soucoupistes, avec toutes leurs parentées croisées- a bien sûr lui aussi une place de choix dans l'édifice. Mais gardons-nous toutefois de savoir à l'avance, dans notre morgue scientifique mythoclaste, que le mystique n'a rien à nous apprendre. (La Religion les brûle, et la Science les ignore... à moins qu'elle n'étudie leur "pathologie".)

A moins, en effet, de conserver intacte en nous la pure vision scientifico-objective -si belle sans Dieu et sans miracles- nous entrerons un peu inquiets dans la vision d'un monde parcouru jusqu'en ses tréfonds d'une vie mystérieuse, irréductible au mécanisme. Dépourvus de nos anciens points repères -un monde parfaitement objectif et un Dieu le Père sur son trône- un peu dépités de voir si naïve ce que nous avions pris pour la forme la plus évoluée de religion, nous pourrons aussi être amenés à tester avec moins de préjugés l'adéquation des pensées orientales à notre nouvelle perception du monde.

Il serait bon en tout état de cause que nous frottions désormais nos conceptions métaphysiques à la pierre de touche du psi , avant que d'en faire, modérément, usage. 

Psi et pensée magique : bien percevoir la relation entre psi et pensée magique me paraît également important : l'anti-psi , au moins ne s'y trompera pas. Voilà d'un côté les scientifiques, les ingénieurs, qui travaillent pour comprendre, travaillent pour agir en vue d'un résultat (même la science pure est opératoire), et de l'autre voici de pseudo "mages" qui, sans effort, sans même rien y comprendre, prétendent obtenir des résultats "immédiats" -au sens étymologique- qui pourraient être comparables ! Cela est proprement scandaleux. Preuve, au passage, que les valeurs survivent vaille que vaille, même dans un système qui, logiquement contient leur négation.

Que ce psi, qui fait offense à la laborieuse recherche scientifique, prétende lui-même s'habiller de couleurs scientifiques -surtout dès lors qu'il a trait au PK- sera la pire des offenses, et des provocations !

Plutôt que de s'embourber dans cette fausse voie du psi "scientifique" le psiphile fera mieux je crois -sans pour autant mésestimer la valeur probatoire d'un fait "bien établi"- de reconnaître résolument le caractère anti-science du psi, déjà évoqué, et, de là, son caractère magique.

S'il est sage, et respecte les valeurs, il renoncera toutefois à toute idée d'utilisation à des fins personnelles de ces "pouvoirs" magiques, et considérera comme dévoyés ceux qui les recherchent : opinion toute personnelle, le psi doit surtout servir à la correction de notre image du monde ; sur terre le "jeu" est de se confronter à un monde objectif, et d'agir selon ses lois ; dans ce jeu le psi n'est qu'une sorte de joker, capable de vous sauver quelquefois la mise, mais dont on ne saurait abuser.

Poser clairement le caractère magique du psi : assurément ce n'est pas le moyen de le faire reconnaître dans un monde où domine le savoir scientifique. Mais, je le répète : si à vous, pro-psi, le caractère d'anti-science est masqué, il ne l'est nullement à votre adversaire. Faute de l'admettre, votre démarche restera vaine en ce sens et vous ne vous en serez pas moins privé -si vous vous êtes pris à votre propre jeu- de tout espoir de "comprendre".

Un correctif utile : il est tout de même important de disposer d'un arsenal de cas "scientifiquement" avérés, je veux dire obtenus dans des conditions d'observations vraiment rigoureuses. Il me parait sain en effet de commencer par ne pas croire "à ces choses", mais bon que l'anti-psi, s'il n'est pas confronté à un cas personnel, puisse être aidé à sortir de sa prison objectivo-matérialiste. Ceci dit, il est par contre vain d'attendre des méthodes scientifiques en matière de psi les mêmes résultats que dans les matières objectives, à commencer par l'assurance d'une répétitivité des expériences et la formulation de lois objectives.

 

La science réclame à juste titre des expériences répétables, et le pro-psi enlisé dans la voie pseudo-scientifique cherche en vain à le satisfaire et s'offusque à la fois de cette prétention, argumentant en particulier sur les "sciences d'observation". Il serait préférable, je crois, d'affirmer la liaison matière objective (scientifique)/expériences répétables , et de s'en servir pour limiter pragmatiquement "l'agression psi" qui, en droit, peut modifier des expériences de laboratoire et "mettre la pagaille". ( Il est en histoire des sciences un certain nombre de cas curieux - les rayons N? - ou douteux -Kammerer - où une occurrence psi n'est pas exclue.) Dans une vision élargie du monde la science ne serait plus un absolu, mais la répétitivité des expériences, déjà exigée en pratique, serait une assurance suffisante. Inversement une expérience bien observée, mais non répétable à volonté garantirait, relativement que nous avons bien eu à faire à un psi véritable, non réductible.

Pour tout psiphile ne partageant pas cette opinion, le caractère non répétable des occurrences psi doit être considéré comme dû à l'existence de-variables cachées non maitrisées : on voit également par là que dans mon système l'indétermination quantique répond parfaitement à cette définition "opératoire" de l'occurrence psi ...

 

Revenons maintenant à la pensée "magique". J'ai tenté, au début du paragraphe, d'en donner une idée par contraste, mais je ne l'ai pas définie vraiment. Qu'est-ce que la pensée magique ?

L'explication du sorcier : si je ne me trompe pas l'explication du sorcier est basée sur le fait que le symbole a un pouvoir opératoire , et c'est bien aussi ce qui se cache implicitement derrière nos restes de superstitions. (Un scientifique à qui l'on demandait pourquoi il y avait un fer à cheval sur sa maison répondit : "je n'y crois pas, mais il parait que ça marche même si l'on n'y crois pas.") L'explicitation de ce précepte -de l'efficacité des symboles -donne lieu à une pensée magique élaborée. La pensée magique floue, que je mets en rapport avec la croyance au psi en général, dit simplement qu'il peut y avoir résultat sans interposition de moyens objectifs : transfert d'information sans support matériel, action "par la pensée" ... (Les élucubrations pseudo-scientifiques -neutrinos, etc.. .- se comprennent par réaction à cette forme de pensée magique : mais les vrais scientifiques -anti-psi- les reconnaissent pour ce qu'elles sont.) Cette formulation est moins précise que celle du sorcier.

La question se pose de savoir si l'on peut se contenter de la formulation "floue" -encore faut-il l'expliciter- et, sinon, que vaut l'explication du sorcier ? Peut-on donner une autre formulation de la pensée magique ? 

Il n'est pas dans mon intention de chercher ici à répondre, mais je ferai deux remarques :

 

1/ L'explication du sorcier nous propose, face au monde objectif, où l'objet agit sur l'objet, une vision "complémentaire" -orthogonale- d'un monde subjectif où le symbole agit parce que la realité elle-même est subjective. En mettant les guillemets à complémentaire, je pense bien sûr à la dualité onde-particule, irréductible dès que la "particule" est vue matérielle, et l'onde, perturbation d'un milieu matériel. Je ne me résous pas à la dualité irréductible, et je crois que la "réduction" se paye par l'abandon d'une réalité matérielle absolue : cette idée n'est-elle pas du reste "dans l'air" en matière de physique de pointe ? Reste à mieux l'expliciter. L'orthogonalité n'est que... commodité. Ou illusion. La "réalité" se manipule de "derrière le rideau" (le voile d'Isis ?) et, fondamentalement, toujours de la même manière, mais à des niveaux d'intégration différents. L'objectivité n'est qu'apparente, par jeu de la loi des grands nombres.

2/ Le seul élément de "théorie du psi", dans son caractère irréductible, formulé à ce jour est la "synchronicité" de Jung -le "sorcier"- et Pauli, physicien de la révolution quantique : le lien symbolique entre les événements (proto-événements ?) aboutit à leurs occurrences "objectives" sans qu'aucune causalité de type physique (médiate) n'entre en jeu. Mais qu'est-ce la causalité physique quand la matière s'évanouit ?

Psi et divinité : je ne crois pas inexact de dire que toute idée religieuse, pour un occidental, est en rapport avec son idée scientifique du monde : pour un objectivo-matérialiste le monde fonctionne sans dieu et sans miracle selon des lois "naturelles" immuables où n'entre en jeu que le quantifiable. Ce monde "naturel" étant "récupéré" par les ci-devant, Dieu, dès lors, ne peut plus être conçu que comme "hors du monde", à l'usage exclusif de ceux qui ne peuvent pas ne pas croire en Son existence, de par leur éducation ou leur "sentimentalité irrationnelle"

Si ce qui précède est juste, il est naturel qu'une révision de notre conception du monde nous entraîne à une révision de nos idées en matière religieuse, mais, à moins de rester irrémédiablement fidèle à la Révélation, évitant ainsi de nous interroger sur les fondements de notre croyance, il ne convient pas de juger, dans la nouvelle conception, à partir de l'idée historiquement développée dans un tout autre contexte. (Dieu d'un côté, monde matériel de l'autre, et ce dès le départ : le raffinement en la matière s'est, par comparaison, révélé bien nuisible à la maîtrise du monde concret ... ) Le monde nouveau, où l'objectivité titube, où l'idée agit (est-ce si nouveau ?), où la Vie -véritable- règne, peut, comme l'ancien, être considéré comme la production d'un Créateur : mais la "matière" dont il est fait ... révèle cette fois sa source.