SEANCE "ECTOPLASMIQUE" DU CUARTO DE LUZ

DU 23/09/02

 

Ce que j'ai vu et entendu :

Nous étions dans l'obscurité absolue. Nous étions assis sur des chaises disposées en U autour de la pièce, et nous tenant tous par les mains. Les deux assistantes-médiums mexicaines, étaient situés en bout de chaîne, si bien qu'elles avaient une main libre. Le médium principal (un mexicain) était dans un fauteuil à une extrémité de la pièce, sa "transe" ressemblant plutôt à un sommeil.

J'ai entendu des instruments de musique jouer (harmonica, tambour, …), par moments l'intensité du tambour était extrêmement forte et résonnait. Le son semblait provenir de hauteurs variables, près du sol, ou au niveau de nos têtes, ou au contraire très haut, en direction du plafond. Quand les instruments passaient près de moi, je n'entendais pas de bruit de pas ni ne sentais de déplacement d'air, mais j'ai clairement ressenti les vibrations et les sons de pas appuyés lorsque qu'un "esprit" a "dansé" (selon les organisateurs).

Au niveau visuel, j'ai perçu deux choses : les éclairs d'un pistolet-laser jouet, et une silhouette habillée d'un costume avec de grandes manches, parsemée de points fluorescents. (Au début, seuls quelques petits points de lumière scintillaient, puis la silhouette est apparue progressivement). Les mains étaient partiellement fluorescentes et les plus visibles, elles paraissaient presque transparentes. Certaines particules fluorescentes restaient sur le sol. La silhouette semblait par moment s'étirer vers le haut, et les bras s'écarter démesurément (il est difficile de juger des distances dans le noir). La fluorescence était accompagnée d'une forte odeur, que certains ont identifié comme une odeur d'ozone (personnellement, je ne connais pas l'odeur d'ozone). La faiblesse de la luminosité ne m'a pas permis de voir autre chose (visage, pieds …).

Au niveau tactile, j'ai été touchée par des fleurs et par le pistolet laser, j'ai reçu de l'eau. Ceux qui ont touché la silhouette ont ressenti un contact de personne en chair et en os.

Tous les objets que j'ai cités étaient déjà présents dans la pièce au départ.

En ce qui concerne les paroles émises par le groupe, il y avait des plaisanteries, et des constations et des remarques sur ce qui se passait. Ces constatations semblaient cohérentes (on voyait et entendait la même chose, sauf au début, des points lumineux ou des nuages que seuls les "habitués" voyaient). Par contre il y avait interprétation constante de la part du couple Dray (qui expliquait quelles entités étaient là), des médiums mexicaines, et d'une médium belge. Ceux-ci s'adressaient aux entités pour leur demander d'effectuer certaines choses : danser, se diriger vers une personne, jouer, etc… Ces demandes étaient adressées en espagnol. Certaines personnes du public demandaient également des choses. Je ne sais pas si ces demandes étaient traduites. La silhouette lumineuse se dirigeait vers ceux qui l'appelaient et touchait les gens.

Nous chantions beaucoup la plupart du temps, l'ambiance étant très chaleureuse (comme cela nous avait été recommandé).

Les entités qui ont été citées sont : un extra-terrestre (invisible, décelé surtout par la médium belge), un groupe d'enfants/adolescents et un indien (qui jouaient la musique mais étaient invisibles), et le "maestro" senor Amajur (la silhouette visible).

"L'adolescent" (Botitas, mort pendant la révolution mexicaine), jouait de l'harmonica. Quand des questions lui étaient posées, il répondait par un son d'harmonica. Mme Dray traduisait ce que cela signifiait (c'est à dire qu'il était amusant d'entendre, en plus des traductions fréquentes espagnol <-> français, des traductions harmonica -> français ).

La médium belge racontait en permanence ce qu'elle "voyait" et ressentait à propos de ces entités, en accaparant souvent l'attention du groupe.

Il n'y a eu aucune acquisition d'information qui aurait pu être supposée d'origine paranormale.

A la fin de la séance, les médiums ont jeté de l'eau sur les particules fluorescentes qui restaient au sol, "pour faire partir certains esprits qui restaient".

Mon opinion :

Personnellement, je suis très contente d'avoir pu assister à cette séance, c'était très impressionnant, très beau, parfois assez émouvant. Il s'est créé une dynamique de groupe intéressante. Je suis très reconnaissante à Didier d'avoir organisé ces rencontres, ce qui n'a pas dû être très simple, et d'avoir bien voulu nous faire partager les expériences qu'il avait vécues au Mexique.

Ce qui m'a motivée à assister à cette rencontre, c'est l'idée que s'il y avait ne serait-ce qu'une chance infime d'observer la formation d'un ectoplasme, je ne pouvais pas la manquer ! En fait, je me disais que hors contexte et dans de mauvaises conditions (présence de journalistes, nombreux participants…), la probabilité pour qu'il se passe quelque chose de paranormal était très faible. Mais ma curiosité, après avoir entendu longuement Didier et le Père Brune raconter leurs expériences du Mexique, avait été fortement éveillée.

Quand nous sommes arrivés, nous avons été prévenus que la première séance s'était mal passée et qu'il y avait eu fraude, le fauteuil du médium étant apparu vide. J'ai été un peu étonnée que les réactions des participants/spectateurs aient été apparemment assez véhémentes. Personne ne s'était donc attendu à cela ?

Evidemment l'intérêt d'une séance de ce type n'est pas parapsychologique, puisque les conditions n'étaient pas contrôlées, mais plutôt anthropologique ou socio-psychologique. Au niveau parapsychologique, on ne peut rien conclure de définitif sur la séance à laquelle j'ai participé (on était dans le noir absolu). Les phénomènes qui se produisaient n'étaient pas très spectaculaires au niveau paranormal. La seule chose que l'on puisse dire, c'est que l'hypothèse la plus probable est qu'il y a eu simulation par des moyens normaux de phénomènes paranormaux, mais ceci est habituel et fait partie de la mise en condition. Les séances de spiritisme sont en quelque sorte le "biotope" naturel des ectoplasmes (on n'en trouve que là). Ce n'est que dans des ambiances de forte adhésion à la doctrine spirite que peuvent se produire ce type de phénomènes paranormaux. On sait que tous les médiums ont "fraudé" (expression consacrée) et il ne faut pas s'offusquer de l'emploi de méthodes d'illusionnisme. On ne peut pas tuer la poule sous prétexte qu'on ne veut que les œufs.

Je n'emploierai donc pas le mot "supercherie", personnellement. Dans cette "simulation", je vois plutôt, comme l'a dit Marc Menant lors de son émission sur Europe 1, un rituel, une théâtralisation, destinée à rendre l'attitude psychologique des participants plus réceptive, plus ouverte à la possibilité d'une incursion dans le "monde magique". Cela permettrait de laisser la dynamique groupale inconsciente s'exprimer pleinement, et cela permettrait également aux "croyants" de consolider leur foi.

Les séances du début du vingtième siècle au cours desquelles des médiums acceptaient de coopérer avec des parapsychologues étaient construites complètement différemment, puisque les conditions étaient très strictement contrôlées de façon à ce que la simulation soit impossible. Or ici, dans cette séance, ce sont les médiums mexicains qui organisaient la séance, et la façon dont elle était organisée réunissait toutes les conditions possibles pour une simulation (par exemple le médium principal était complètement libre de ses mouvements, nous étions tous habillés de blanc donc plus visibles pour le médium, nous chantions et donc faisions beaucoup de bruit, etc.). Ce principe d'organisation par les médiums était bien clair dès le départ, et il nous était difficile de le contester, puisque nous avions le statut d'"invités" et aucunement d'expérimentateurs.

La phénoménologie était très différente des séances à ectoplasmes du type de celles de Kluski, Paladino, Eva Carrière, Guzik etc ... où une substance semblait s'échapper du médium et prendre forme progressivement. Par contre la phénoménologie de cette séance (en particulier les instruments de musique) est similaire à ce qui se passe quelquefois dans certains groupes en Grande Bretagne comme le groupe Scole, ou encore, d'après ce que m'a dit un ethnologue, aux rituels chamaniques toungouzes par ex. Donc cela s'inscrit dans une tradition mythique précise.

Dans le chamanisme, les pratiques d'illusionnisme sont extrêmement fréquentes, et pourtant on ne peut pas dire qu'il ne se passe jamais rien d'intéressant. De même, il n'est pas exclu que dans les séances mexicaines du "cuarto de luz", et surtout celles qui se déroulent au Mexique dans leur contexte "naturel", il n'apparaisse pas de temps à autre un phénomène paranormal. Du moins, il ne serait pas scientifique d'affirmer le contraire : qu'en sait-on ???

Pour moi qui ne suis pas ethnologue et n'ai pas l'occasion d'aller au Mexique étudier les pratiques "exotiques", il était complètement captivant d'observer ce qui se passait dans cette séance, car la mode des séances de spiritisme à ectoplasme est passée en France, on n'a plus de médiums, alors qu'au Brésil par exemple, et en Amérique du Sud en général, le spiritisme est très répandu et a pris une importance sociale énorme. Et ce phénomène, il est de toute façon intéressant de l'étudier, déjà rien qu'au niveau social (on peut se référer à l'excellent ouvrage de Laplantine et Aubrée : La table, le livre, les esprits). Et c'est en observant l'ensemble des expériences de ce type que l'on peut faire des comparaisons et avoir des références. Par exemple au Brésil, la motivation première est la guérison "psychique" : une grande partie de la population n'accède pas aux soins médicaux onéreux, et le spiritisme remplit un rôle compensateur très important au niveau de la santé publique. Le but de la "mise en scène" de la séance mexicaine était peut-être également thérapeutique, comme semblent le montrer quelques épisodes qui ont eu lieu (guérison de torticolis, point dans le dos). Le médium mexicain était sans doute un bon "ostéopathe" et la cérémonie ne pouvait qu'accroître l'effet.

Je pense que les Mexicains étaient venus pour nous faire partager leur pratique et non pour être jugés. Il faut donc apprécier cette séance surtout au niveau de l'expérience vécue, et essayer de la considérer dans son contexte. Personnellement, j'ai été assez touchée par l'intensité émotionnelle de certains moments, par ex. quand mon voisin (visiblement un habitué des séances de spiritisme) a demandé au "maestro" de toucher sa médaille (ce que celui-ci a fait), et en a été saisi d'une exaltation mystique impressionnante. De même, l'émotion de M. Dray lors du contact avec le Maestro m'a parue intense et non feinte.

Je pense que quelqu'un qui s'intéresse à la parapsychologie ne doit pas dédaigner d'étudier ce genre de choses. D'ailleurs, au centre d'études Koestler à Edimbourg, les techniques d'illusionnisme font partie du corpus de recherche.

Dans cet ordre d'idées, les questions auxquelles il serait intéressant de répondre sont :

etc.

Le problème :

Tout le problème réside en fait dans l'aspect commercial et médiatique. Evidemment, le fait que cet événement serve à la promotion du livre des Dray a gêné beaucoup de participants. Certains se sont même sentis complètement piégés.

Pour éviter toute tentative de récupération, l'IMI a publié un communiqué, et en cela il a été prudent, surtout en cette ère de polémique et de propagande anti-paranormal.

Quelle est la part de sincérité, quelle est la part de manipulation dans tout ça ? Bien malin -ou informé - qui pourrait le dire ! Personnellement, je serais bien déçue que toute cette affaire ne se résume à un "coup médiatique". Car enfin, ces pratiques existent depuis bien longtemps au Mexique et ne sont pas apparues de but en blanc juste pour accompagner la sortie d'un livre. Il est vrai que le numéro auquel nous avons assisté a été reproduit de séance en séance, manquant singulièrement de variété ou de créativité. Mais qu'en est-il au Mexique ?

Les phénomènes de croyance sont éminemment complexes au niveau psychologique et commencent seulement à être abordés par les parapsychologues et les psychologues (on voit par ex. ce qui se passe dans les sectes où des comportements complètement irrationnels apparaissent, notamment en ce qui concerne l'abandon de l'esprit critique). Il peut arriver que des personnes, même mises devant l'évidence d'une fraude, continuent néanmoins de s'accrocher à leur croyance. De plus ici, ces croyances ont à voir avec un domaine des plus sensibles et des plus douloureux de l'expérience humaine, la mort d'un proche, la perte d'un enfant. Se pose le problème de savoir si l'adhésion à de telles croyances et à de telles pratiques peut avoir des conséquences plutôt positives (réconfort, soutien psychologique) ou plutôt négatives. En France, nous en connaissons surtout les aspects négatifs (dérives conduisant à la pathologie mentale, impossibilité d'effectuer un deuil), mais est-ce le cas dans d'autres cultures où ces croyances sont plus fortement intégrées, au même titre que les autres religions ?

Il nous faut rester vigilant sur un point : que ces séances ne soient pas présentées comme ayant été avalisées par des "scientifiques". Cependant, à aucun moment dans la présentation de la réunion à laquelle j'ai assisté, il n'a été demandé à quelqu'un (ou à une institution) "d'authentifier" ou de "cautionner" ces phénomènes. Le communiqué de l'IMI m'apparaît donc plus comme "préventif" que comme une réponse à une question posée (à moins qu'elle ait été posée lors d'autres séances). Il est vrai qu'il convient de se méfier, quand on entend certains propagandistes de la TCI se référer à des soi-disant "expériences scientifiques" sur des bandes magnétiques, alors qu'en réalité il n'y a encore eu aucune exploration scientifique convaincante. Et on peut comprendre que la priorité stratégique de l'IMI ne soit pas d'effectuer des recherches sur les pratiques spirites/TCI.

Dans la mesure où on ne mélange pas tout (croyance, deuils douloureux, business, et science …) et où on conserve un minimum de discernement, ces expériences restent néanmoins passionnantes.

 

Pascale Catala, octobre 2002.

Pour mémoire, je crois utile de rappeler un texte de Robert Tocquet sur les médiums à ectoplasmes, texte qui appuie bien mes propos.

 

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